Covid 19, on ne peut le nier, est avant tout un globe-trotter hors-pair et un prestidigitateur de vies humaines. Mais ce qui le distingue de loin de ses congénères, c’est qu’il réunit à la fois les qualités d’un surdictateur et d’un surtrendsettter. En plus de redessiner, à une vélocité interstellaire, la carte démographique mondiale, le virus pangolinesque recèle le pouvoir inégalé d’uniformiser les discours ( qu’ils soient politiques ou médiatiques), les comportements mais aussi les habitudes vestimentaires de la population de la planète Terre. Dans son omnipotence, il impose sa loi à tous les chefs d’état et tous les citoyens du globe. Du jamais vu !
Pour nous en rendre compte, il suffit de nous tourner vers la médiasphère et surfer sur la vague des chaînes en continu de notre poste de télévision, cordon ombilical qui nous relie au monde. Le terme « vague » est bien trop faible dans le contexte présent, car c’est à une déferlante d’images et de sons que nous devons faire face. Quels que soient la nation concernée et le medium linguistique utilisé, le paysage audiovisuel se fait le véhicule d'une pensée unique: CONFINEMENT ! Pour garder la tête hors de l’eau face aux discours monolithiques qui manquent de nous submerger à quelque heure de la journée que ce soit, la seule bouée de sauvetage qui se présente métaphoriquement à notre esprit est—ironie suprême quand on connaît la pénurie des respirateurs artificiels— le masque à oxygène. La suffocation est en effet à son comble quand les Politiques de tous les continents se mettent à entonner en choeur le même refrain : Restez chez vous ! Stay at home ! Quédese en casa! Resta a casa! Bleiben vie zuhause! S’ensuit la litanie du bilan chiffré des combattants infortunés tombés au champ d’honneur, au cas où aurait germé dans notre cerveau la velléité d’enfreindre l’article 3 du décret d’état d’urgence.
SI Covid 19 contribue à l’uniformisation de la parole des Politiques, il contribue aussi à celle des comportements et modes vestimentaires humains. En premier lieu, l’adoption d’un rituel très codifié a été érigé en principe universel : celui de l’hygiène des mains. Dans cette optique, plusieurs videos circulent sur la Toile pour initier le confiné à cet art. A lire les sous-titres destinés aux malentendants, la description de la pratique s’apparente à une rencontre amoureuse entre vos deux mains . N’y est-il pas fait mention de mouvements de « paume contre paume » et de « doigts entrelacés »? En second lieu, l’article 3, dans sa grande bonté, pourvoit au sentiment de claustrophobie qui peut s’abattre sur le confiné ainsi qu’au gain pondéral que son immobilisation forcée pourra occasionner. En ce sens, Il lui octroie la permission de faire de l’exercice physique, à raison d’une heure par jour, dans un périmètre restreint. Mais certains confinés, surtout parmi les plus âgés, ont interprété cette permission comme une obligation. Il n’est donc pas rare que je croise, lors de mon périple pédestre quotidien, des têtes chenues au bord de l’asystolie, réclamant l’extrême onction à des pompiers ébahis .
Vu la frénésie sportive qui s’est emparée de la planète, l'on peut aisément comprendre que parmi les pièces de choix de la mode vestimentaire, les paires de runnings figurent en bonne place. On préconisera celles qui ne portent pas le label « made in China »— lésiner sur le confort et la tenue du pied serait préjudiciable, surtout au vu de la durée extensible de l’isolation forcée. Les talons sont bien sûr à proscrire: ils éveilleraient la suspicion des services de police. Ne pas oublier que l’heure quotidienne dans un périmètre restreint est destiné à l’exercice physique individuel en plein air, et non pas l'activité physique à deux dans un espace privé. Quant aux accessoires les plus prisés de la collection de cette saison, on signalera le panier à provisions. Grâce à lui, le confiné peut bénéficier d’une autre autorisation de sortie de sa maison-prison. Les autorités ont en effet perçu qu’un ventre bien rempli est la condition indispensable à la non-infraction de l’article 3.
Mais l’attribut inclassable du confiné, c’est quand même le masque de protection qu’il lui est vivement conseillé de porter. L’engouement que ce rectangle de tissu a suscité d’un continent à l’autre est pour le moins inédit. Si l’on en juge par la profusion de tutos dans toutes les langues sur une plateforme vidéo, on ne peut qu’admirer le degré d’inventivité et de créativité dont ont fait preuve les confinées. Mais la machine à coudre n’est pas la seule à retrouver ses lettres de noblesse. A l’’imprimante 3D revient le rôle de produire sans répit des visières en plexiglass, complétant la panoplie du confiné paranoïaque .
En fin de compte, Covid 19, tel un Dark Vador invisible, a réussi le prodige de transformer l’humanité en une armée de stormtroopers d’opérette, tout droit sortis d’un mauvais remake de Star wars. Faisant la loi sur les cinq continents, réduisant les humains à des bêtes qui se terrent et leurs dirigeants à des pantins ânonnant des discours répétitifs, il nous fait prendre conscience de notre insignifiance sur terre. Au risque de choquer les croyants attendant le retour du messie , ne pourrait-on pas y voir plutôt un avatar de la transcendance divine descendu sur terre pour punir l’homme de son hubris ?