En tant que première interface avec le monde, notre corps est ce que nous
offrons à la perception de cet autre, ami ou ennemi. Amphore de nos émotions
d'où débordent souvent nos sentiments, c’est en lui que s’écoule le précipité
de notre expérience. A cet autre, que l'on nommera ami, l'amphore communiquera,
par sa porosité, le vécu intime qu'elle garde jalousement contre son flanc,
tandis que de sa friction avec l'autre, désigné comme ennemi, surgiront
progressivement des fissures sur son galbe qui, exposé aux éléments que sont
les circonstances, se transmueront en brisures comme autant de déchirures de
l'âme.
Mais que l'on se rassure! Comme cet art venu du Soleil Levant qui ourle
de filaments d'or les fêlures des vases précieux, notre devenir métamorphique
teindra d'argent nos tempes; et lorsque notre corps-amphore tombera en
poussière, une fois atteint le rivage inconnu, les souvenirs que nous
léguerons à ces autres que nous avons tant aimés se déposeront, comme le limon
fertile de l'Orénoque, au fond de l'urne de nos funérailles.