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mardi 8 novembre 2022




Depuis que le stoïcisme ne séduit plus, la dignité humaine fait banqueroute. Désormais, on ne se cache plus pour dire ses malheurs, on en badigeonne la Toile. On les met en scène avec un art consommé de l’impudeur dans des publications où rien n’est épargné à ceux qui les lisent. Chat écrasé, chien paralysé, perruche envolée, ou poisson rouge dévoré par le chat avant qu'il ne se fasse écraser, tout y passe!


On aurait tort de s’en priver d’ailleurs. L’exhibitionnisme émotionnel est du pain béni déposé sur l’autel du voyeurisme numérique. Les stalkers et les trolls, d’abord, qui se repaissent du déballage larmoyant de l’intimité. Puis les hordes d'anonymes qui se lancent dans une surenchère de témoignages de sympathie et ne manquent pas de partager, en passant, leur funeste destinée. 


Qui peut les en blâmer!  La sphère privée se doit d’être un sanctuaire inviolable. Seuls les initiés des cercles familial et amical y devraient avoir droit de cité. La faute en est donc à ceux qui ouvrent grand les portes du temple de leurs sentiments pour vendre à l’encan leur infortune. 


Vendre, mais aussi faire fortune à l’occasion. A toute chose malheur est bon, dit le proverbe. La douleur fait en effet recette. Plus le spectacle du désespoir est criant, plus les écus s’amassent. Car à chaque dévoiement numérique de l’intime correspond une collecte de fonds fort opportunément orchestrée par un proche de l'individu éploré.


En somme, Il y a retour sur investissement— émotionnel. Notre compassion ne sera jugée qu'à l'aune de notre générosité financière. Après tout, il nous a bien mis la larme à l'oeil, le tragédien professionnel, et tout ça sans qu'on ait eu à débourser le moindre centime. Aurait-il tort de réclamer son dû?