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samedi 11 avril 2020







Paris en temps de pandémie, c’est un peu Alésia assiégée par César. Encerclée, isolée, coupée des autres tribus gauloises par des fortifications invisibles, Paris pourtant tiendra bon et ne cédera pas à l’ennemi combattant Covid, dix-neuvième du nom. Car si Vercingétorix et les siens furent acculés à la capitulation par la faim, ses descendants ont de quoi se sustenter, et même avec délices, comme Hannibal en son temps à Capoue. 

Si chaque soir, tout chef de famille tient conseil autour de l’âtre, ce n’est pas pour échafauder un plan de bataille mais pour coucher sur papier libre, après moult cogitations, la liste des provisions de bouche des jours à venir. Sont à bannir les produits susceptibles de causer un dommage irréparable à l’organisme. Point de fromage à pâte molle, salmonellose oblige. Du lait pasteurisé surtout. Veto sur les fruits de mer, surtout les huitres. Il ne manquerait plus qu’une intoxication vînt couronner le tout ! Une fois n’est pas coutume, une incursion au rayon confiseries est tolérée, même fortement souhaitée. Non que Le paterfamilias fasse montre de largesse envers sa progéniture, mais il sait, par expérience, que le glucose est un allié infaillible pour prévenir toute tentative de guerre civile en son logis.  

Chose admirable, il ne délègue plus les corvées des courses alimentaires à sa concubine. Il veut, dit-il,  lui épargner les queues interminables devant l’unique supérette de sa rue. Le confinement lui aurait-il rendu la parcelle d’humanité qu’il avait perdue à force de livrer bataille sur son lieu de travail? La question reste à débattre. Mais une chose est indubitable : il a repris ses pleins pouvoirs de mâle alpha et maintient que respirer l’air extérieur peut être fatal à la maîtresse de maison. "Trop risqué", répète-t-il à l’envi. "Le covid serait bien capable de te choisir comme prochaine victime. As-tu pensé comment je ferais, moi, pour te remplacer auprès des multiples fruits de tes entrailles ?" 

D’ailleurs sa femelle béta excelle dans tant d’autres domaines qu’il serait infiniment dommage qu’elle gaspille son énergie à remplir un caddie. Cela retarderait la préparation du repas, facteur de cohésion familiale ô combien important, surtout en temps de siège. La famille, il n’y a rien de plus sacré. Et pour cause : on ne peut même plus faire confiance à son voisin. Il cite le cas de délation dont a fait l’objet un certain soldat de sa troupe, célibataire bien malgré lui. Le pauvre hère, miné par la solitude, avait osé dépasser de cinq minutes la permission de sortie octroyée par le commandement gaulois suprême. Il lui en a coûté une forte retenue sur sa prébende qu’il désirait consacrer à l’achat du produit de la vigne de Montmartre renommée pour ses vertus thérapeutiques.


Vous l’aurez compris, le nerf de la guerre, face au Covid, c’est l’alimentation. D’ailleurs, ne nous  invite-t-on pas à investir seulement dans de comestibles biens de consommation? Les plus grandes perdantes, dans l’histoire qui s’écrit, ce sont celles dont le colocataire est assez malin pour les mettre seules à contribution. Celles qui s'en sortiront à moindres frais sont celles qui connaissent sur le bout des doigts le temps de cuisson d’un oeuf mollet. Les autres, quant à elles, commenceront enfin à montrer les dents et à entrer en rébellion après tant de semaines de confinement. Après tout, Jules César, en conquérant la Gaule, a aussi apporté aux femmes une certaine émancipation. Et le Covid est bien parti pour faire aboutir cette nouvelle révolution . 

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