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lundi 23 mars 2020





Paris vidé, pari gagné! L’Empire du Milieu, à défaut de te conquérir, a néanmoins répandu la terreur en exportant de ses frontières l’agent de la destruction humaine. Depuis, ta population terrifiée a déserté tes rues pour se barricader chez elle, et le souvenir des fléaux anciens hante les consciences.Toute l’iconographie médiévale de la Peste Noire refait surface. La nouvelle mode, c’est de porter des masques chirurgicaux—pour mieux respirer ses propres miasmes. Certains contemplent avec envie les appendices en forme de bec d’oiseau qu’arboraient les médecins du Moyen Age. Si l’on en portait de tels, la distance sociale serait respectée, se disent-ils. Ironiquement, ce sont ceux à l’instinct le plus grégaire et qui postillonnent à longueur de phrase qui se fendent de tels commentaires…

Une envie soudaine de prendre l’air? Malheur à celui qui, pris d’une toux subite, vous oblige à le dévisager d’un air furibond et à  faire un bond de côté incontrôlé. Sans y prendre garde, vous écrasez la patte d’un specimen de l'espèce canine que tout l’arrondissement a promené. Pauvre bête ! Il est bien mal payé des services qu’il rend aux habitants du quartier. Son statut a évolué, sans que personne ne s’en émeuve, d’ailleurs. D’animal de compagnie, il est devenu bête de somme, sauf que de somme, il n’en fait jamais. Il se prend à rêver quelquefois et à imaginer qu’il est réincarné en chat. On dit qu’il a neuf vies, celui-là…

 L’enfer, c’est les autres, vous dites-vous. Cette phrase, n’importe qui aurait pu l’inventer. Pourquoi donc a-t-il fallu qu’un philosophe s’en approprie la paternité! Vous voulez en avoir le coeur net. Vous rentrez chez vous, évitez surtout la concierge qui, sous prétexte de prendre de vos nouvelles, est bien capable de vous contaminer, et, après vous être frotté vigoureusement les mains avec un précieux liquide d’une manière compulsive tout autant que répulsive, vous vous ruez sur votre laptop. Merci Google! Lui seul parvient à calmer l’agitation due à vos émotions. Enfin, une réponse à vos cogitations. L’enfer, c’est les autres : « Cette citation est une des plus fameuses de Jean-Paul Sartre. Elle achève la pièce de théâtre Huis Clos. », lisez-vous. Tiens, une pièce de théâtre. Vous voulez en savoir plus. Et si vous vous plongiez dans sa lecture? 

Mais le bruit assourdissant du poste de télé de votre voisin sourd a tôt fait de mettre vos nerfs à rude épreuve. Vous regrettez le temps de votre enfance où les journaux télévisés en boucle n’avaient pas encore contaminé votre espace sonore.Les discours répétitifs des politiques qui psalmodient, sur un ton monocorde, les recommandations sanitaires les plus élémentaires vous rappellent les télécrans de la dystopie d’Orwell. Alors, excédé par ce lavage de cerveaux médiatique,  vous ouvrez la première page de 1984: « C’était une journée d’avril froide et claire. Les horloges sonnaient treize heures. » Enfin quelqu’un qui a compris que le monde est une horloge détraquée. Mais où trouver son grand horloger? 

samedi 14 mars 2020




N’ayons pas peur des mots: nous vivons en ce moment sous le régime de la terreur. Terreur de notre prochain. Terreur de nos propres mains qui peuvent se retourner contre nous et se transformer en armes meurtrières. Il a suffi d’un virus levantin pour abolir non seulement les frontières géographiques mais aussi celles de la sagesse humaine.

Il suffit d’adopter l’œil amusé d’un entomologiste pour observer l’agitation de nos congénères qui prennent d’assaut, telle une nuée d’insectes, les rayons des savonnettes ou brandissent leur baïonnette courroucée quand les stocks de gel antiseptique sont épuisés. Face à cet ennemi impalpable, qui se joue des précautions prophylactiques, l’homme, aussi puissant qu’il soit, baisse les armes et se révèle un couard.

C’est que la mort a pris cet hiver un autre visage. Elle ne se contente plus de planer au-dessus des champs de bataille, de récompenser le crime ou de donner un coup de grâce à la vieillesse et à la maladie. Elle sert plus que jamais les desseins obscurs d’un destin aveugle.Celle que certains redoutent sans penser qu’elle n’est que la compagne invisible de leur vie a eu le temps de fourbir ses armes et de mettre au point un plan de bataille transcontinental. Alliée des airs et des mers , elle trace son sillon létal sur la planète apeurée et choisit le poumon de l’homme comme théâtre de ses opérations fatales.

Vous comme moi , serons peut-être le combustible de sa nouvelle machine de guerre. Alors , pendant qu’il est encore temps, respirons la vie à pleins poumons. Faisons  front,  et offrons à cet ennemi sans visage l’image d’un peuple conquérant et impavide, confiant et serein. Il n’y a pas de plus grande victoire que celle que l’on remporte sur soi-même .