Pages

Nombre total de pages vues

dimanche 24 mars 2019




Montaigne disait avec justesse que « Philosopher , c’est apprendre à mourir ». Loin de le contredire, j’ajouterai que c‘est aussi apprendre à naitre à la vie . 

On ne prend jamais assez conscience de la nature miraculeuse de l’existence,  que l’on perçoit comme allant de soi. Il est vrai qu’accéder à ce type de réflexion requiert une certaine maturité : seul l’écoulement du temps,  avec toutes les vicissitudes que cela implique, amène l’être humain à  méditer sur sa condition  Enfants , nous sommes trop occupés à développer nos facultés motrices, happés que nous sommes par un flot de perceptions sensorielles qui nous incitent à quitter très tôt la station allongée pour nous approprier l’espace. Les muscles des jambes sont sollicités dans l’apprentissage de la marche, puis ceux de la langue et des mâchoires pour celui de la parole, avant que le pouce, l’index  et le majeur ne soient appelés à coopérer pour nous donner nos premières satisfactions d’homo scribens. A chaque âge , sa peine.

Mais c’est peut-être dans la deuxième acception du mot « peine » qu’il nous faudrait chercher nos premières interrogations et la nécessité qui va devenir la nôtre de philosopher. Le chagrin dû à la perte d’un proche est souvent vecteur d’incompréhension. On se rend alors compte de la fragilité de la vie, mais aussi de l’arbitraire qui préside à notre destinée. Nous aurions pu naître dans un autre lieu et dans un autre temps, avoir d’autres parents. Mais nous sommes Nous, bon gré mal gré, et il nous faut poursuivre notre chemin, sur ces jambes qui nous ont portés, enfants, lorsque nous découvrions le monde, et continuer de naviguer avec notre flot d’expériences ancrées dans cet océan de connexions cérébrales plus vastes qu’une galaxie .

Pour apprendre à naître à la vie, il faut donc que périsse notre innocence et que chacun des chapitres du récit de notre vie comporte un memento mori. Comprendre que mourir est notre seule certitude, c’est ainsi métamorphoser la polyphonie de nos incertitudes en un épithalame à la vie.