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dimanche 29 septembre 2013

    On dit que le temps c'est de l'argent. C' était vrai à une certaine époque , mais à notre ère supersonique , le temps , c'est de l'or. Que ne fait-on pas pour l'économiser! Pour preuve, la prolifération des produits trois-en-un.

    Auparavant la multifonctionnalité n'était  l'apanage que des robots culinaires. D' un coup de baguette magique, on coupait, hachait menu et mélangeait les ingrédients . La ménagère lambda se découvrait soudain une âme de bricoleuse en exhibant son habileté à assembler les pièces détachées de ces  objets non volants identifiés . Du même coup  , elle démontrait qu'elle savait utiliser sa cervelle . L'homme n'avait qu'à bien se tenir  ! Chose nouvelle, par les temps qui courent , le trois-en-un ne se cantonne plus  seulement à l'espace de la cuisine . Il envahit salons, chambres et salles-de -bain. Que ce soit les canapés , les imprimantes, les poussettes , et même les miroirs maintenant,  beaucoup d'objets de la vie courante se voient dotés du don de transformisme d'un Arturo brachetti.

    Fait notable, ce concept fait florès auprès du public féminin , particulièrement dans les domaines cosmétique et vestimentaire . L'épiderme et la chevelure féminine sont la cible privilégiée de ces démaquillants  et shampoings aux vertus multiples et miraculeuses. Au sein des firmes à but fortement lucratif, on se lance dans une course contre la montre pour mettre au point la formule magique qui nettoie , désincruste, et hydrate le visage , ou bien lave, démêle et nourrit les cheveux. Les laboratoires de cosmétologie doivent se plier en quatre pour satisfaire la demande croissante de consommatrices de plus en plus exigeantes . Exit le deux-en-un ! On passe à la vitesse supérieure .

    La garde-robe féminine n'est pas épargnée non plus, et les accessoires qui vont avec. Le sexe faible fait état de  sa virtuosité à métamorphoser une robe de ville en robe de soirée en un tour de main. Idem pour les sacs. Fini le temps des collectionneuses ! Au gain d'espace dans les armoires se greffe un gain de temps. Il est vrai que les femmes passent leur vie à courir , et qu'il est donc vital qu'elles ne sacrifient  pas tout  leur temps libre à s'adonner à des futilités pour leur bien-être .  Elles ne sont plus au foyer depuis des lustres , mais elles ne font pas tapisserie à la maison quand elles ont enfin le loisir de la réintégrer. Dans l'inconscient collectif , une femme doit être rentable , et doit surtout penser aux autres avant de penser à elle-même...

    Bref, vous l'aurez compris, l'avènement du trois-en-un , ce n'est qu'un leurre de plus pour rappeler à la femme qu elle n'a nul besoin de gaspiller du temps pour s'occuper d elle-même . Car appliquer une seule crème, un seul shampoing  au lieu de trois , cela fait une sacrée différence d'abord  financièrement parlant , mais surtout  temporellement . Sous le couvert de procurer des bienfaits jusque-là ignorés à la gent féminine ,  ces produits nouvelle génération l'asservissent davantage . La guerrière des temps modernes  dispose de plus de temps pour moins se consacrer à son apparence .

     Sonnez , clairons! Il est impératif de réparer cet outrage au plus vite . Pour cela , je ne vois qu'une solution. C'est de demander à Dieu , plutôt qu'à ses saints , un miracle . Prions  pour qu'un homme nouveau voie le jour , un homme unique aux qualités multiples , un dix-en-un si possible , l'homme-orchestre dont toute femme rêve , qui conjugue les talents d' un époux, confident, amant, père, cordon bleu, chauffeur , plombier, électricien, agent d'entretien, et , pourquoi pas,  philosophe , de façon à honorer , comme il se doit, la déesse faite femme que chacune d'entre nous incarne avec tant de panache .


mercredi 25 septembre 2013

   Je vais sans doute vous étonner, mais moi, j'adore tourner en rond . Et si je le pouvais , je passerais ma vie à virevolter. Je pense que , déjà , in utero, je devais m'exercer à tournoyer . C'était inscrit dans mes gènes. Du coup, on a du mal à me suivre . Je donne le tournis , même .

   Pourtant, si l'on y réfléchit bien, le cercle est omniprésent dans notre vie. Il n'y a qu' à lever les yeux pour s'en apercevoir . Le soleil , il est bien rond . Et la lune aussi.  Quant à la terre, non seulement elle joue les derviches tourneurs du matin au soir, mais elle  s'est aussi mis en tête de courtiser le soleil en dansant voluptueusement autour de lui .  Elle n'a pas encore compris que ce n'est pas le meilleur moyen de lui courir après ...

    Nous-mêmes , à notre modeste échelle , nous n'arrêtons pas de voir et de faire des ronds.
Dès le réveil  , nous portons à nos lèvres tasses , bols et mugs, avant d'ingérer , plus tard dans la journée , des tartes  et des tourtes .  Sur la chaussée, le conducteur est cerné de toute part.  Le cercle prolifère: volants, roues, panneaux d'interdiction et même feux de signalisation. Que dire des ronds-points ! On ne les compte plus . Sans la Place de l'Étoile , Paris ne serait plus Paris !

    Quant à nos enfants , on leur inocule le virus sans le savoir . Bien avant qu'ils n'apprennent à manier le compas , ils goûtent au vertige des carrousels, assistent à des spectacles de cirque , et font même des rondes à l école. Les  plus malchanceux d'entre eux sont gratifiés d une coupe au bol . Après ça , leurs parents ouvrent  des yeux ronds quand on leur dit qu'ils ne tournent plus rond ...

    Oui, le cercle à encore  un bel avenir devant lui . Et l'on aurait tort de s'en plaindre. Car quoi de plus magique qu'un cercle ? Demandez à Merlin l 'Enchanteur. Il en connaît un rayon sur les chevaliers de la table ronde . Donc bannissez une bonne fois pour toutes de votre langage l'expression " cercle vicieux", et préférez-lui " cercle vertueux ". Et surtout, n'ayez plus peur de tourner en rond .  Après tout , ne dit-on pas de la vie qu'elle est un tourbillon ?


lundi 23 septembre 2013

   Marguerite, c'est le nom d'une fleur . Et pas de n'importe laquelle. C' est la fleur-oracle de notre enfance, celle qui nous révèle , par son effeuillage, l'amour que nous porte l'élu de notre cœur . C'est aussi le nom de la célèbre courtisane immortalisée par Dumas fils: la Dame aux camélias. Une femme-fleur  arborant des camélias ! Dumas avait du flair quand il transmue Marie Duplessis en Marguerite Gautier. Car quoi de plus enivrant que de se glisser dans le sillage capiteux de cette hétaïre sulfureuse , qui traversa le ciel des demi-mondaines comme une étoile filante . Les météores laissent une empreinte bien plus profonde  que les astres éternellement fixés à la voûte céleste . Aussi lumineux soient-ils , ces derniers suscitent certes notre admiration, mais ils ne possèdent pas cette fulgurance capable de nous ébranler dans tout notre être .

Ce soir , à l'Opéra Garnier , une Etoile a incarné l'héroïne au destin tragique. Une étoile pas comme les autres. D'abord parce que c'est ma sœur et qu'elle illumine ma vie depuis des siècles . Et puis aussi parce que Dieu, en la créant, l' a dotée d'un don surnaturel , celui de séduire  les anges. Les séraphins ont sans doute été charmés par cette danseuse gracile , au teint diaphane moucheté d'éphélides et aux jambes interstellaires . Ils ont été conquis par sa bonté et son humilité aussi. Et sa ténacité . C'est pour cela qu ils l'ont prise sous leur aile . Quand elle évolue sur scène ,  ils descendent des cieux pour la bénir. Ce soir , ils étaient venus en grand nombre. Je les ai senti effleurer mon âme à plusieurs reprises . Je les ai même entendu sangloter quand Marguerite rejoint l'éternité . Réussir à émouvoir les anges , c'est un privilège qui  n'est pas donné à tout le monde . Alors , si un jour, vous avez la chance de contempler ma sœur danser, ne vous inquiétez pas de vous sentir parcourir de frissons. Ce sera simplement le frôlement des  plumes d'un ange , qui passe....



dimanche 22 septembre 2013


   Essaouira, le vent s’engouffre par tes créneaux en ton sein , et gonfle tes poumons de cité corsaire.Tel un navire de guerre,  tes  canons pointés vers l’horizon,  tu défies l’océan et ses lames en furie.  La blancheur de tes murs claque comme une voile, tandis que tes portes de bois posent leur regard bleu turquoise sur les  frêles silhouettes colorées s’écoulant le long des ruelles. En cet après-midi de printemps,  le soleil ruisselle sur  tes toits aplatis par la chaleur.

   Ignorant les passants,  deux chats noir ébène , enroulés comme deux rubans de réglisse, reposent à l’ombre d’un banc de pierre. Non loin, Amine , treize ans, me sourit et me fait signe de le suivre avec un air de mystère.Ses yeux noisette respirent la candeur et semblent heureux de me conduire là où personne ne va.

    Au détour d’un bâtiment lépreux , une cour secrète, de modestes dimensions, se révèle à ma vue. Là, emplissant l’espace de sa toute-puissance végétale, un ficus géant déploie ses vigoureuses ramures vers l’azur étincelant. Le colosse trône sur un entrelacs de racines , agrippant la terre  de ses doigts noueux.

   « Il a trois siècles », me dit Amine tout-bas, avec un respect empli de fierté.Puis il s‘assoit au pied de l’arbre , comme  pour m’en faire mesurer la grandeur , lui , le petit prince à la peau dorée au royaume des baobabs. Mes yeux éblouis remontent vers la couronne émeraude du vénérable ancêtre. Là-haut, depuis des siècles, les feuilles tissent un vaste étendard percé, à maints endroits,  par les coups de rapière du dieu soleil , et ce sont autant d’ étoiles qui me  clignent des yeux avec malice, dans cette petite cour aux mille et un délices.








samedi 21 septembre 2013

C’est la nuit, que, se dressant telle un phare au-dessus de la marée humaine qui déferle à ses pieds, la Koutoubia prend vie. Il faut être patient, guetter la venue du crépuscule depuis les hauteurs du Café de France, pour  être témoin de  sa métamorphose. Simple minaret le jour, elle se voile , la nuit, de mystère, et , s’harnachant de lumières, guide les pas du promeneur solitaire à travers cet océan de clameurs, d’odeurs et de saveurs ,vers la place Jemaa El Fna.

Peu à peu, les lampions des carrioles des marchands ambulants ouvrent leurs yeux d’or . Et déjà montent des réchauds à brochettes une fumée épaisse qui rappelle ces lourds nuages d’encens en suspension lors des célébrations religieuses. La place , jusque-là engourdie par le va-et-vient rhapsodique des touristes réchappés du souk,  émerge lentement  de sa torpeur. Elle se recueille avant d’accueillir d’autres hôtes, d’autres atmosphères . Et  on se plaît à imaginer qu’un génie tout-puissant se matérialise subitement dans le creuset de cette lampe merveilleuse .

Gesticulant comme une marionnette  dans sa djellaba blanche, un conteur officie devant son auditoire accroupi. Ses bras scandent la musique de ses paroles, tandis qu’au loin, s’élève dans les airs comme la voix aigrelette d’une cornemuse . Mais l’instrument est nerveux, et ses contorsions sonores , appuyées par le rythme effréné d’un tamtam,  tiennent plus de l’incantation propre à évoquer les djinns.

Mais déjà ,ce n’est plus l’Ecosse et ses lochs brumeux qui jaillissent à mes yeux, mais la Chine et son dragon fabuleux qui  fait trembler les hommes. L’animal, jusque-là tapi dans des profondeurs insondables , a fait brusquement surface ,et son corps de reptile aux écailles de feu ondule dans la foule. L’air, devenu irrespirable , s’embrase à son passage. Et tel Néron contemplant  Rome incendiée, je tréssaille de bonheur  quand enfin le cœur rougeoyant  de Marrakech se met à battre violemment .


mercredi 18 septembre 2013

Ça n'a pas l air , mais cela fait bientôt  trois semaines que BB Blog a vu le jour . Je m'en souviens encore . Ni péridurale , ni forceps ! Un accouchement sans douleur ! Le rêve ! Depuis , les insomnies sont devenues mes alliées . Normal , j'occupe mes nuits à le bichonner. Après consultation d' un spécialiste, le nourrisson se porte plutôt bien . Sa courbe de croissance est plus qu'honorable . Croisons les doigts !

Il faut dire que je l'emmène partout avec moi . Il a pris le soleil sur les plages de l'Ile de Beauté, a arpenté le Grand Foyer de l' Opéra Garnier ,  a parcouru la rue des Martyrs en  long et en large , et a même discouru avec feu les carpes du domaine de Marly-le-Roi. Versailles , ce sera pour plus tard . Procédons par étapes. 

Une chose est certaine ,  BB Blog possède un avantage indéniable sur ses congénères: il parle ! Rendez-vous compte ! C'est inouï . Il faut dire que la gestation a été longue . Il a fallu quelques années avant qu il ne soit finalement expulsé du  cortex de sa maman. Alors , il faut le comprendre . Il devait s'ennuyer ferme là-haut . Surtout que ses  idées se bousculent vite , et que le sang lui monte vite a la tête . Alors il a fallu qu il réagisse . Il a pris son courage à deux mains , a passé de longues nuits à parfaire son maniement de la langue française , et a mis un peu d'ordre dans la cervelle maternelle. C'est un BB très prévenant , comme vous pouvez le constater. Et surtout très prévoyant . Car il se doutait bien qu'un jour ou l'autre , sa génitrice partirait en vrille  si rien n était fait .

Pas étonnant donc , que BB Blog soit très choyé sur la blogosphère. Il reçoit beaucoup de courriers électroniques  . Il ne sait plus où donner de la tête parfois. Il a même reçu des demandes en  mariage . Vous imaginez ? Heureusement que sa maman veille au grain. Un BB Blog , c'était inespéré pour elle . Alors rien n'est trop beau pour lui.  Elle le pomponne . En ce moment , il est vêtu d'une grenouillère rouge . Le bleu , c'est trop commun. Il fallait qu'il se distingue des autres  . D'autant qu'il vient d'être sélectionné par le comité des Golden Blog Awards.  Ce n'est pas rien. Alors , soyez gentils . Votez pour lui . Il en a besoin . Car, il ne faut pas l'oublier , "Dur , dur d'être un BB!".





mardi 17 septembre 2013

Qu’on se rende au domaine de de Marly-le-Roi, et le premier sentiment qui nous étreint est la déception . Une majestueuse allée , bordée de sentinelles végétales, nous conduit avec pompe à un écrin de verdure. Mais cet écrin, il est désespérément vide. Seul un tracé approximatif suggère l’emplacement d’un château aujourd’hui disparu.

Jadis se dressait la vaste demeure royale, agrémentée de marbres et de dorures, où des laquais en livrée prévenaient le moindre des désirs royaux.On raconte que le Roi-Soleil affectionnait tout particulièrement de nourrir les carpes d’un bassin. Etrange prédilection , certes, mais, comme chacun sait, les carpes sont muettes et se contentent de faire des bonds . Subtile invitation au silence que Louis XIV adressait aux courtisans trop volubiles…A la place du bassin aux carpes, s’étale une cavité béante, parcourue d’herbes folles, où des chiens en liberté conditionnelle aiment à folâtrer.

Un autre tracé témoigne de l’emplacement des pavillons des invités royaux : Louis-le Grand choisissait avec soin les rares hôtes qui auraient le privilège de l’accompagner à Marly. Car plus qu’une résidence secondaire, Marly se voulait l’anti-Versailles, jardin secret d’un roi redevenu simple mortel. C’est ici que le monarque se dépouillait de sa grandeur , s’étourdissait au son des cascades de Le Nôtre , s’abîmait dans la contemplation des chevaux de pierre se cabrant sous la main de l’homme. Les cascades ont , elles aussi, déserté les lieux. On a du mal à concevoir que cette succession de talus herbeux avait pour vocation de recevoir l’eau vive.

Plus rien ne subsiste des splendeurs passées , comme si , par pudeur, l’histoire avait voulu effacer la part d’humain du fils de Louis XIII , pour ne retenir que la magnificence du grand monarque et de son Versailles. Le Roi-Soleil ne pouvait avoir sa part d’ombre, semble nous dire la postérité. Qu’en serait t’il si le bassin aux carpes existait toujours ? Aurait-on fait tomber le roi de son piédestal, lui qui traverse les siècles auréolé de gloire ? Saint-François charmait bien les oiseaux , et Orphée les bêtes sauvages . Pourquoi donc refuser au grand Louis le plaisir de commercer avec le monde aquatique ? 

A Marly, les pierres ne parlent pas. Point n’est besoin de s’extasier devant les œuvres d’artistes de renom. Mais, une fois surmontée la déception de ne pas succomber au sublime, alors nous vient imperceptiblement un sentiment nouveau. Le bonheur simple d’être si proche et si lointain d’un grand souverain , que l’on a du plaisir à imaginer au pied d’un bassin, l’œil pétillant, et riant aux éclats aux bonds de carpe de l’humanité.




dimanche 15 septembre 2013

   La Rue des Martyrs porte bien mal son nom ou alors je suis une masochiste qui s'ignore . Car , à mon corps défendant, je ne peux m'empêcher d'égrener son chapelet d'échoppes chaque dimanche matin que Dieu fait.  À ses pieds, l'église Notre-Dame-de-Lorette monte la garde. Au cas où l'on oublierait d'accomplir ses devoirs de piété. Le péril est grand, il faut bien le dire. Car  d'un lieu de dévotion à un  lieu de perdition, il n'y a qu'un pas . Même plusieurs .  Car il faut quand même faire grimpette si l'on veut s'encanailler et atteindre le boulevard de Clichy et ses promesses d'ivresse éphémère. 

   Mais avant d'atteindre la lettre X , qui se déploie sur les hauteurs avec force  sex shops, peep shows et spectacles coquins, la rue des Martyrs permet aux petits écoliers d'élargir leur  vocabulaire de base en explorant les premières lettres  de l'alphabet . 
   La lettre "C " y est extrêmement  bien représentée : cafés , chocolatiers , chausseurs et coiffeurs . Rien de bien singulier, me direz-vous . Mais lorsque l'on arrive au mot confiserie du numéro 15 , et surtout au réglisse suédois au goût  si particulier , on ne peut manquer de se pâmer, même si  l'on  n'est plus écolier . 
    La lettre " B" jouit d' un grand prestige :  bars et bazars, boulangeries et bijouteries, et , pour terminer , bouchers , s'y sont taillé la part du lion. 
   Puis viennent en vrac les lettres "E" et ses  épiceries fines " F" et ses fromagers , "H" et son huilerie provençale , "M" et ses maraîchers , "P" et ses poissonniers,  Q" et sa quincaillerie , " R" et ses rôtisseries au fumet si prometteur , " S" et ses salons de thé , et finalement " T" et ses traiteurs du monde entier . 

   Allons donc! me direz-vous . Vous faites beaucoup de bruit pour rien ! Car , somme toute, la Rue des Martyrs, c'est une rue commerçante comme une autre . Oh que non!  D'abord , Maurice Ravel y a vécu . Écoutez son concerto pour la main gauche pour commencer, et vous comprendrez tout . Sachez aussi  qu'au numéro 75, Toulouse-Lautrec y a peint la danseuse Jane Avril . Et si vous n'êtes sensible ni à la musique , ni à la danse, ni à la peinture, peut-être le serez-vous à la poésie.Car s'il est vrai que la Rue des Martyrs propose aux blasés que nous sommes une gamme de produits similaires à ceux de sa rivale, la rue Lepic, elle le fait avec éloquence . Les enseignes de ses boutiques en témoignent .  Car quoi de plus délicieux à l' ouïe que les sonorités d' " Orphée"ou de "Bacchus" ? Ne salivez- vous pas déjà quand vous franchissez le seuil des " Papilles Gourmandes" ? Ne vous sentez-vous pas pousser des ailes quand vous fumez des Vogue  à la terrasse du café "Ariel"? Tout ça pour vous dire que , la Rue des Martyrs , on devrait la rebaptiser Rue des Délices , et que même si la gourmandise est un péché, on aura tôt fait de l'expier à confesse . Après tout , l' église Notre-Dame-de-Lorette , elle n est pas là pour rien !


vendredi 13 septembre 2013

À mon goût , il n'est pas de boutique plus magique et plus diabolique qu'un bazar. Magique , tout 
d'abord, car il exauce les vœux de la fée du logis tapie  en vous . Il vous prend une furieuse envie de faire les vitres un dimanche de pluie , mais  vous vous trouvez démunie sans le liquide fabuleux  pour combler votre désir ?   Le bazar , de sa baguette magique, vous donne satisfaction.Votre compagnon a t-il besoin d un tourne-vis pour monter le meuble  Ikea dont vous venez de faire l'acquisition? Le bazar est  là pour vous apporter une  solution . Vous voulez enjoliver votre logis d'une boule à facettes , histoire de mettre dans votre vie quelques  paillettes  ? Le  bazar est là pour illuminer vos soirs de fête . Du bac à  litière  aux articles de literie, du parapluie au paravent , du tabouret à la table basse, des faux ongles , made in Taiwan à la matraque , made in China , tout s'y achète,  et à un prix modique .


Chose inestimable, un bazar , il se voit de loin. Vous le repérez sans lorgnette grâce au bric-à-brac indescriptible qu il exhibe sur le trottoir. Mais il faut le mériter , l'article indispensable qu'on espère y dénicher . Et c'est là qu' il déploie tout son côté diabolique , le bazar aux mille et une merveilles . Car , dans cette caverne d'Ali Baba , c est à une véritable chasse au trésor que l'on doit se livrer pour décrocher le lot tant convoité. Vous qui entrez ici, abandonnez tout espoir! , susurre à votre oreille un mauvais génie lettré. Et il n'a pas tort.  Alors , plutôt que d'être sous influence ,   faites  appel au génie de la lampe qui saura vous guider.   Car  il vous faudra avoir un œil exercé et  les dents bien serrées pour ne pas  baisser les armes, et retenir  vos larmes. Des larmes , me direz-vous?  N'exagérons pas . Il n y a pas de quoi émouvoir les bonnes âmes. . Mais si, vous rétorquerai-je , de vraies larmes !  Car , il faut bien le dire,  dans un bazar , ce qui saute aux yeux et chatouille les narines, c est bien la nappe  poussiéreuse qui recouvre  les étalages .


De quoi repousser les plus délicates...Mais alors pourquoi  certaines d'entre nous sont-elles en  proie à une fascination pour ce haut lieu du toc ? Que cache notre compulsion à acheter des articles de décoration au kitsch déconcertant ? Comment expliquer notre attirance pour ces empilements d'objets hétéroclites  , sans lien logique ni utilité avérée? Rien de plus simple. C'est leur manque de valeur qui en fait tout leur prix.  Peu nous importe si quantité ne rime pas avec qualité. Ce qui compte, c est que  nous puissions donner libre cours à des pulsions obscures et à notre instinct d'appropriation . Un bazar , c est l'antithèse d'un musée des arts. Pas de parcours thématique ni de fil d 'Ariane . Et c'est ça qui nous séduit. Nous sommes libres d aller et venir sans aucun but , sans aucune illusion , et sans gratification esthétique . Un bazar , en fin de compte , ne serait ce pas le degré zéro du plaisir, et le degré suprême du désir ?

mardi 10 septembre 2013

Vous avez déjà testé la tenue de soirée à 8h du matin dans le métropolitain?  Eh bien , moi , si ! Et je peux vous assurer que c'est une des expériences les plus glorifiantes qui soit. Quand on fait fi des conditions météorologiques comme moi , et qu'on ose braver Jupiter et sa foudre en arborant des escarpins en soie un jour de gros orage ,  on n'est plus à une excentricité près. Il ne faut pas être sorti de la cuisse de Vénus pour saisir que je les  conventions vestimentaires de ce monde n'ont pas mon agrément. La mode , je ne la suis pas ,  elle me court après .



Ce matin donc, j avais jeté mon dévolu sur ma petite robe rouge ( pourquoi faudrait-il toujours qu'elle soit noire , la petite robe ..), mes escarpins en vernis vermillon, made in London, ma redingote à martingale  , made in Milan, et ma minaudière en satin , made in France ; car comme chacun sait , dans notre pays , le propre d 'une élégante , c'est de minauder en toute discrétion. Les lèvres rouge carmin,voilà que je m'engouffre dans un wagon ,  direction "Palais Bourbon", pour assister à une célébration. Vous ne me croirez pas , mais  je n ai point eu besoin  de jouer des coudes pour poser mon digne séant  . Tapis rouge!  m'a dit un galant homme en souriant. Preuve qu'il en existe encore, des galants...



Qu'un homme fasse montre de courtoisie , passe encore . Mais qu'une représentante de mon sexe se permette de me complimenter , cela dépasse l'imagination. Car , je ne sais pour quelle raison, aucune ironie n'affleurait dans le ton de la working girl en question  quand elle se répandit en congratulations . Réflexion faite,  j'aurais dû noter son nom , pour lui rendre la pareille en une autre occasion. Mais le temps pressait ! Et  je n avais pas encore fait le plein d émotions ...



Car dès mon arrivée au Palais Bourbon, quelle ne fut pas ma stupéfaction de voir que j'étais la seule vêtue de cette façon . Au sourire gêné du planton, j'aurais dû comprendre que je ne faisais pas grande sensation. Et que les fastes d un édifice ne riment pas nécessairement avec plastron et cotillons   . Bien que je connaisse la chanson, et surtout la maxime de Napoleon " Du sublime au ridicule, il n' y a qu' un pas", je n'ai aucune envie de  me mettre au diapason . Donc n'ayez aucune hésitation si,  un matin , dans le métropolitain , vous voyez passer une silhouette rouge à hauts talons . Vous ne serez pas en train de perdre la raison. Vous aurez seulement croisé un spécimen en voie de disparition...



dimanche 8 septembre 2013

Si vous me demandez quelle est ma pâtisserie préférée , je vous répondrai sans hésiter :
l'Opéra Garnier . Car je ne ne peux m empêcher de le dévorer des yeux, lui et sa coupole de meringue à la pistache.

Pas seulement sa coupole , à vrai dire.  Il me suffit de gravir son escalier de marbre pour qu'aussitôt l'image d un mille-feuilles ne me mette en appétit . Et pas n'importe quel mille-feuilles , s'il-vous- plait. La crème pâtissière , ce n'est  pas ma tasse de thé , alors je lui préfère sans conteste la crème diplomate , car elle a l'avantage de rallier tout le monde à sa cause.

Garnier , c est aussi ses fauteuils d'orchestre en velours cramoisi , moelleux comme des choux nappés de coulis de framboise . Mais ce ne sont que mignardises comparées à la farandole de desserts artistement  disposés derrière le rideau de scène . Car , dans ce temple de la gastronomie, on assiste à  des ballets aux ingrédients de qualité et d une provenance rare .

Le dessert Sylphide , pour commencer . C est le plus léger qui soit.  Avec ses biscuits en dentelles de tulle humectés de chantilly , il croque sous la dent et fond sur la langue .

Avec le dessert Onéguine ,  un  plateau de macarons nous convie à un bal chatoyant de parfums et de couleurs. Le mariage de la fraise et du chocolat , de la praline  et du marron glacé  sont un régal pour le palais .

Quant au dessert Bayadère , c est le plus exotique qui soit . Entre mangue et goyave mon cœur balance . Mais ce sont surtout les fruits de la passion qui recueillent tous mes suffrages .

La liste serait incomplète si l'on omettait le dessert Casse-noisettes . Les fruits secs , c'est éminemment bon pour la santé . Et le christmas cake , on en redemande, d'autant plus qu'il ne nous est servi qu'une fois l'an .

La cerise sur le gâteau , c'est qu'à Garnier , on a l'art d 'éviter les troubles dyspeptiques .L'entracte est là pour nous permettre d effectuer une promenade  digestive . On peut même esquisser des pas de danse sur le parquet caramel  du Grand Foyer , en savourant une coupe de champagne grand cru. Si l'on est téméraire , on peut  pousser la curiosité jusqu'à explorer les ruches sur les toits , et faire son miel de la vue imprenable sur l'Avenue de l'Opera.

De quoi mettre vos papilles gustatives en éveil , je l'espère . Alors n'attendez plus! Courez-y! Et régalez- vous ! Un dernier détail ...  Si vous rencontrez des créatures d'un autre monde qui évoluent avec grâce sur scène , prenez le temps de bien les regarder . Elles sont uniques et d'une essence rare. Certaines même portent le nom d'étoiles .  On ne s'en rassasie jamais . Et , croyez- moi, elles ne vous laissent jamais sur votre faim. Car , il faut bien en  convenir, à l'Opéra Garnier, ce qui importe avant tout, c est de nourrir son âme  .


samedi 7 septembre 2013

   Je m'interroge souvent sur le bien-fondé de certaines locutions langagières. On dit communément " perdre la boussole". Encore faudrait-iĺ en avoir une, de boussole, car , pour ceux qui, comme moi, naviguent à vue, point n'est besoin de cet instrument pour " lever l'ancre".

   C'est comme "perdre le nord". Pourquoi avoir choisi ce point cardinal plutôt qu'un autre? Généralement , on le fuit comme la peste , le nord. Donc qu'on le perde ne s'avère pas une grande perte, si l'on y réfléchit bien.
 
   Mais là où l'on commence sérieusement à "perdre les pédales", c'est quand on  dit d'une personne qu'elle est "givrée" quand elle "perd le nord". Vous avez vu des igloos dans le sud, vous? Pas encore, me direz vous. Mais cela ne saurait tarder. Avec les bouleversements climatiques en cours, il ne faut jurer de rien.
 
     Une chose est sûre,  si l'on ne veut pas "dérailler ", on a tout intérêt à "garder  le cap" pour ne pas "partir en vrille" . Subtil glissement métaphorique ! Il est vrai que  sur terre, en mer ou dans les airs, le risque de " perdre la boule" est toujours le même.

   Je pourrais encore digresser longtemps , mais , vu les temps qui courent, mieux vaut éviter de 
s 'éloigner du droit chemin . Je ne voudrais pas  finir comme le Petit Chaperon Rouge...Donc dégraissons notre discours et extrayons-en la substantifique moelle, dixit Rabelais.

   Une première conclusion s'impose. Les expressions familières ont plus de profondeur qu'il n y paraît, et il faudrait leur rendre plus souvent  hommage  .  De même que Monsieur Jourdain faisait de la prose à son insu, le Français moyen fait de la philosophie sans le savoir .

   Que l'on perde la boussole ou le nord pour devenir  givré, que l'on perde les pédales, que l'on parte en vrille ou que l'on déraille, on en revient toujours au même. Vivre sa vie , c'est  embarquer pour un voyage plus ou moins long, avec , pour seuls bagages , un corps et un esprit. Et il arrive bien souvent aux voyageurs que nous sommes d'égarer l'un des deux en cours de route. Alors écoutons le poète romain Juvénal  qui  disait avec raison , en son temps, "Mens sana in sano corpore" . Le seul moyen de ne pas perdre son latin, c'est d'avoir un esprit sain dans un corps sain. Au fait, ça veut dire quoi exactement , sain ?

vendredi 6 septembre 2013


La petite robe noire , tout le monde connait ! Elle fait partie de la panoplie hivernale de l'irréductible fashionista , attendant sagement sur un cintre d'être exhibée lors d'un dîner aux chandelles , ou , soyons plus prosaïque , lors d'un énième dîner d affaires . Le noir , après tout, c'est seyant , et ça possède surtout le mérite de dissimuler les rondeurs indésirables dues à une hibernation forcée .

Mais avant de vouer à la création de Mademoiselle Chanel une adoration démesurée , nous avons toutes senti nos cœurs battre la première fois que la " petite robe qui tourne " a fait son entrée triomphale dans notre garde-robe enfantine. Elle est comme la madeleine de Proust dans la saga du vêtement féminin. Il n y a qu' à observer les coquettes en herbe des jardins d enfants pour saisir le succès indéniable remporté par cet article de mode indémodable .

Mais à quoi doit-on l'hystérie collective qu'elle génère chez nos lilliputiennes depuis des siècles ? Pourquoi cet engouement immodéré pour une tenue qui ne suscite plus aucune convoitise passé l'âge de raison ? Il semblerait que la fascination qu'elle exerce sur nos mini-starlettes découle de l'invitation à tournoyer qu'elle leur transmet. Car qui oserait nier que le désir secret d'être la reine du bal ne soit inscrit en chacune d'entre nous ? Ne sommes-nous pas nourries , dès notre plus jeune âge , aux mamelles des contes de fées? N'avons nous jamais rêvé d'être la Cendrillon tourbillonnant aux bras d'un Prince Charmant ?

La petite robe qui tourne, somme toute , est la parure enfantine la plus légère mais aussi la plus lourde fantasmatiquement parlant. Elle délivre à nos poupées de chair un message subliminal puissant qui leur permet de prendre leur envol sur la scène de la vie, avant d'être finalement reléguée dans les malles de leurs souvenirs et détrônée plus tard par la petite robe noire comme un ultime adieu au rêve.