Ce matin donc, j avais jeté mon dévolu sur ma petite robe rouge ( pourquoi faudrait-il toujours qu'elle soit noire , la petite robe ..), mes escarpins en vernis vermillon, made in London, ma redingote à martingale , made in Milan, et ma minaudière en satin , made in France ; car comme chacun sait , dans notre pays , le propre d 'une élégante , c'est de minauder en toute discrétion. Les lèvres rouge carmin,voilà que je m'engouffre dans un wagon , direction "Palais Bourbon", pour assister à une célébration. Vous ne me croirez pas , mais je n ai point eu besoin de jouer des coudes pour poser mon digne séant . Tapis rouge! m'a dit un galant homme en souriant. Preuve qu'il en existe encore, des galants...
Qu'un homme fasse montre de courtoisie , passe encore . Mais qu'une représentante de mon sexe se permette de me complimenter , cela dépasse l'imagination. Car , je ne sais pour quelle raison, aucune ironie n'affleurait dans le ton de la working girl en question quand elle se répandit en congratulations . Réflexion faite, j'aurais dû noter son nom , pour lui rendre la pareille en une autre occasion. Mais le temps pressait ! Et je n avais pas encore fait le plein d émotions ...
Car dès mon arrivée au Palais Bourbon, quelle ne fut pas ma stupéfaction de voir que j'étais la seule vêtue de cette façon . Au sourire gêné du planton, j'aurais dû comprendre que je ne faisais pas grande sensation. Et que les fastes d un édifice ne riment pas nécessairement avec plastron et cotillons . Bien que je connaisse la chanson, et surtout la maxime de Napoleon " Du sublime au ridicule, il n' y a qu' un pas", je n'ai aucune envie de me mettre au diapason . Donc n'ayez aucune hésitation si, un matin , dans le métropolitain , vous voyez passer une silhouette rouge à hauts talons . Vous ne serez pas en train de perdre la raison. Vous aurez seulement croisé un spécimen en voie de disparition...