Avis à mes lecteurs
Comme vous avez pu le constater , j'ai mêlé récemment à mon blog des extraits du roman autobiographique dont j'ai amorcé l'écriture il y a quelques mois. Pour donner plus de cohérence à mes écrits, j'ai regroupé ces fragments dans un autre blog , dont l'adresse est la suivante: http://emmanuelledubuisson.blogspot.fr/.
En mettant en ligne les pages que j'écrirai au fur et à mesure, je propose ainsi de renouer avec la parution en feuilletons des romans du 19e siècle.
Cette expérience est certes périlleuse , car je travaille sans filet , mais elle me convient mieux que la mise en ligne d'une oeuvre romanesque achevée . A vous d'en apprécier le contenu et de me faire part de vos réflexions .
Bonnes vacances à tous et à toutes!
Emmanuelle Dubuisson
"WE ARE SUCH STUFF AS DREAMS ARE MADE ON, AND OUR LITTLE LIFE IS ROUNDED WITH A SLEEP". La citation de Shakespeare qui inaugure mon blogue résume magistralement ma vision de l'existence humaine. Nous sommes faits de l'étoffe des songes, et notre courte vie se clôt par un long sommeil. Alors, plutôt que de rêver notre vie, vivons nos rêves! Et faisons éclater en infimes particules de sens jubilatoires le monde qui nous entoure.
jeudi 11 août 2016
dimanche 31 juillet 2016
Rétrospectivement , le souvenir qu'elle me laissa fut celui du personnage balzacien le moins reluisant. Elle possédait tous les attributs de l'illustre tenancière de la pension Vauquer! Son âge avancé , sa corpulence avérée qui excusait sa lenteur à gravir les escaliers du lycée , ses lunettes à double foyer qu'elle retirait de temps en temps pour les essuyer avec un mouchoir d'une propreté douteuse , le pardessus marron dont les exhalaisons ne laissaient aucun doute sur sa prédilection pour les félins incontinents , tout dans son comportement et son accoutrement la désignait comme l'incarnation du personnage de fiction le plus repoussant de l'œuvre balzacienne.
Elle prenait en outre un malin plaisir à tester ma susceptibilité . Il faut dire que j'aimais briller autant que je le pouvais et que mon doigt était levé dès qu'une question était posée . Un jour , lui ayant tenu tête lors d'un cours de traduction d'un passage de l'Enéide , elle rentra dans une colère épique et décréta que puisque j'étais une "optima alumna" , il me fallait occuper seule le rang de droite de la classe , comme au temps de Charlemagne . Aussi enjoignit- elle à mes congénères décontenancés de quitter leur place afin de m'en laisser la jouissance exclusive .
Cela n'entama guère mon impétuosité . Ce qui , néanmoins , fut subi par moi comme une vexation, et qui eut un écho dans ma vie beaucoup lus tard, fut la remarque qu'elle me fit un jour qu'elle nous soumit le questionnaire de Proust . Alors qu'elle parcourait mes réponses , elle se figea soudain et me scruta d'un regard moqueur quand elle arriva à celle qui correspondait à la qualité que je préférais chez un homme . J'avais osé écrire "l'intelligence", ce qui lui fit dire d'un ton railleur empli de dédain: "Mais Mademoiselle , que faites-vous des qualités de cœur ?"
dimanche 24 juillet 2016
Faut-il être si mal gouverné ou si tragiquement spolié de notre droit de vivre pour qu'éclose en nous ce sentiment de solidarité ? Il n'en est rien . Ce qui fait le ciment d'un peuple libre, c'est sa capacité à se fédérer et exprimer son indignation face à des décisions prises par des hiérarques énarques qui ne prennent pas en considération leurs revendications . C'est aussi sa capacité à laisser libre cours à sa sensibilité quand des événements traumatiques le mettent face à face à ce que l'on nomme l'inhumanité. En somme, c'est quand notre avenir est assombri par la perte de nos acquis , que notre présent se voit anéanti par la disparition brutale de nos enfants chéris , et que ces actes sont le fait de groupes soit-disant dotés de raison ou de groupuscules qui en sont manifestement dépourvus, c'est à ce moment que se remet à germer avec vigueur ce que l'on croyait étouffé par les herbes folles de l'individualisme et de l'égoïsme collectifs : cet instinct grégaire si décrié mais qui signe néanmoins notre appartenance à l'HUMANITÉ.
mardi 12 juillet 2016
En Mai , c'est la petite balle jaune qui est le centre de toutes les attentions . On fixe ses rebonds capricieux sur la terre ocre Roland Garrossienne . Pas difficile de saisir qui va marquer le point .Le but du jeu, c'est de faire en sorte que l'adversaire ne la rattrape pas , cette balle. Alors toutes les ruses sont employées pour faire courir le concurrent d'un bout à l'autre du terrain. Et nos yeux de spectateur sont mis à rude épreuve à force de se promener de droite et de gauche . Pire qu'un séance chez l'orthoptiste.
En juin et juillet , on change de cadre . On préfère la fraîcheur des pelouses à la terre battue , et c'est le ballon rond qui devient l'objet de toutes les spéculations . Etrangement , il ne se trouve aucun Vert pour s'indigner du fait que le gazon soit martyrisé par des crampons . C'est que tout vert qu'ils soient , les écolos ont un faible pour les bleus .De la coupe du monde à l'Euro , c'est notre fibre patriotique qui vibre . On prête allégeance au coq tricolore , on apprend les paroles de la Marseillaise pour l'entonner en cœur avec les joueurs de l'équipe de l'Hexagone.On ne s'est jamais autant senti Français .
On publie des messages d'admiration sur le compte Twitter de nos favoris . Entre les bruns et les blonds, les supportrices ne savent plus où donner de la tête . Elles sont jalouses de leur WAGS. D'ailleurs elles se trouvent plus SWAG qu'elles ... Ils ont beau être des As du ballon rond et avoir une personnalité très marquée sur le terrain , les joueurs de l'équipe de France ne font preuve d'aucune originalité quand ils choisissent leurs compagnes : ils les recrutent invariablement dans des agences de mannequins ...
Et quand arrive le Grand jour , le combat des Titans qu'on attend avec tant d'impatience , les footeux les plus croyants prennent soin de prier le Tout-Puissant pour qu'il leur apporte son soutien . Ceux adeptes de la magie blanche se peinturlurent la face du drapeau tricolore , endossent le maillot bleu brodé au dos du chiffre magique, font des incantations en espérant qu'elles leur permettront de se livrer ad libitum à des libations jusqu'au petit matin . Ils emplissent le stade ou les fanzones de leurs cris d'excitation et cèdent à l'exaltation quand le ballon s'emballe et cavale à vive allure vers la lucarne . Ils tempêtent de rage quand l'arbitre brandit le carton jaune , retiennent leur souffle quand il prononce les mots " corner " ou " penalty", se tordent de douleur quand un but est marqué par l'équipe adverse .
Gloire aux vaincus ! Malheur aux vainqueurs quand ils sont ennemis ! Ils se disent que les bleus ont perdu la bataille , mais qu' ils n'ont pas perdu la guerre ! Ils feront mieux la prochaine fois . La victoire n'en sera que meilleure .Pour l'heure, ils troquent le maillot bleu pour un jaune et se mettent à suivre les exploits des spécialistes de la petite reine. De paysage en paysage , de ville en village , Ils comprendront en regardant le tour de France que que ce n'est pas si mal d'être français , et se remettront de leurs émotions en regardant jouer les vieux à la pétanque ...
samedi 2 juillet 2016
Le paradoxe , c'est que moins on est aimé en retour , plus l'on enfourche Pégase et l'on développe sa créativité . Les sonnets de Petrarque en sont une éloquente illustration . La bien-aimée , figure féminine idéalisée , fait couler les larmes et aussi beaucoup d'encre de son soupirant auquel elle témoigne un dédain souverain . Plus elle le repousse , plus il s'évertue à la séduire par ses quatrains . C'est sans doute là que réside la folie . Car n'est ce pas déraisonner que de persister à vouloir allumer la flamme en ne disposant que du verbe comme combustible ?
Mieux vaut être fou et nier la réalité que d'être amoureux et l'embellir , et ainsi se bercer d'illusions. Car si , par bonheur, l'amour offert est partagé , il finit par se consumer et être réduit en cendres , tant l'imagination ardente qui l'a façonné en le parant de mille qualités nous a trompés. Quant à l'amour malheureux, c'est pourtant celui qui nous procure le plaisir esthétique le plus fastueux , enjambant les siècles de sa mélancolie majestueuse . Car , en enfantant dans la douleur des œuvres à la gloire de l'Absent(e), ce sont les monuments poétiques les plus émotionnellement vertigineux qu'il nous donne à contempler , comme un avant-goût d'éternité .
vendredi 17 juin 2016
D'abord succession de dunes sahariennes caressées par le suave sirocco et dont le grain de peau étincèle au soleil de la jeunesse , le corps se métamorphose , à l'âge mûr, en plaines et vallées asséchées par les incendies de la vie ou ravinées par ses orages .
Peu à peu , les veines jusque-là souterraines affleurent et violentent l'épiderme en dévalant sur lui comme les coulées de lave du volcan qui se réveille dans nos entrailles . Les rides font de notre visage un canyon aux précipices vertigineux où se dissimule pudiquement le flot de nos larmes .
Puis ce sont les fleurs de cimetière qui s'épanouissent et obscurcissent les carnations opalines de sombres présages , cependant que les os saillants de notre squelette obscène font brusquement surface, ébranlés par un violent séisme .
Ce sont les prémisses du froid hivernal à venir , la partie émergée de l'iceberg fatal qui finira par nous engloutir , dans un ultime naufrage , dans les eaux glaciales du fleuve de l'oubli .
vendredi 20 mai 2016
Il est revenu , le temps des idoles , maintenant que le divin s'est
retiré du monde . Et ce sont nos écrans de tablettes qui sont devenus
les temples de ces divinités païennes
qui s'exposent sous tous les angles à coup de selfies millimètrés pour
susciter notre dévotion , nous qui errons dans un "No God's Land "
métaphysique . Le primat est accordé à la vue au mépris des autres sens ,
nous qui faisons de notre globe oculaire l'instrument privilégié de
cette culture iconophile. Les réseaux sociaux , nouveaux gourous des
temps modernes , nous édictent leurs règles : il faut "Liker" et ainsi
témoigner notre vénération à ces créatures virtuelles pourvoyeuses de
fantasmes si salutaires dans un monde qui nous perfuse des images de
chaos d'un bout de l'année à l'autre .
Mais avons-nous pensé que ce qui est mis en croix sur ces autoportraits
à l'artificialité savamment calculée , c'est le principe même de vie
qui anime nos corps et donne un souffle à notre âme ? Car si l'on se
prend au jeu et versons dans cette addiction à la sur-auto-exposition
digitale , l' on se voit irrémédiablement figé à un instant T , et
dépossédé de ce qui fait le sel même de la vie : le mouvement . C'est
une mise à mort de notre spontanéité , une déssubstantiation sans
transsubstantiation possible , une objurgation à nous montrer différents de ce
que nous sommes en réalité et à gommer la négativité qui menace sans
cesse de nous happer. Car ne le nions pas , vivre n'est pas facile, et
il n'est pas si fréquent que nous affichions un sourire à l'adresse de
nous -mêmes et encore moins à l'adresse des autres .
Nous nous mentons à nous-mêmes en nous astreignant à prendre des poses glamour d'icônes de papier glacé , comme si nous voulions séduire les autres , alors que ce qui sous-tend notre quête de la vérité selfique , c'est plus une exhortation à nous aimer nous -mêmes . Ne sommes-nous pas , en effet , insidieusement soumis à une auto-dépréciation constante , nous qui devons faire face aux injonctions que nous égrène la tyrannique déesse Perfection qui régit notre monde ? "Miroir, Ô mon beau miroir, dis-moi que je suis la plus belle!" , telle est la supplication réflexive que nous nous adressons , quand nous tendons à bout de bras et à nous-mêmes, l'objectif de notre smartphone . Ainsi l'autoportrait selfique relèverait -il beaucoup plus d'un manque d'amour de soi viscéral que d'un narcissisme congénital .
Nous nous mentons à nous-mêmes en nous astreignant à prendre des poses glamour d'icônes de papier glacé , comme si nous voulions séduire les autres , alors que ce qui sous-tend notre quête de la vérité selfique , c'est plus une exhortation à nous aimer nous -mêmes . Ne sommes-nous pas , en effet , insidieusement soumis à une auto-dépréciation constante , nous qui devons faire face aux injonctions que nous égrène la tyrannique déesse Perfection qui régit notre monde ? "Miroir, Ô mon beau miroir, dis-moi que je suis la plus belle!" , telle est la supplication réflexive que nous nous adressons , quand nous tendons à bout de bras et à nous-mêmes, l'objectif de notre smartphone . Ainsi l'autoportrait selfique relèverait -il beaucoup plus d'un manque d'amour de soi viscéral que d'un narcissisme congénital .
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