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dimanche 31 janvier 2016

Quand j'étais enfant , je ne comprenais pas pourquoi les grandes personnes  passaient leurs journées à se plaindre et à déplorer que le temps passe si vite . Ma perception temporelle était tout autre . Je les trouvais longues, ces années de collège , longues ces années de lycée . C'est d'ailleurs  à ce moment là que je  me suis mise à rêver , à bâtir mes châteaux en Espagne avec le plus beau cancre de la classe à qui je réservais une place au premier rang,  à côté de moi , pour qu'il ait tout loisir de copier mes réponses lors des contrôles de maths.

Je ne sais pas vraiment ce qu'il est devenu , ce beau blond qui se faisait toujours remarquer en entrant dans la classe , un sourire ravageur en guise d'excuse, longtemps après la dernière sonnerie . S'il me fascinait tant , c'est sans doute qu'il osait braver l'interdit . Il n'avait peur de décevoir personne , ni sa mère , ni ses pairs . C'est qu'il les portait avec panache , ses résultats médiocres et ses retards chroniques, quand il fumait ses Lucky Strike à la sortie des classes.

Je le regardais , d'un oeil émerveillé , enfourcher sa moto aux chromes rutilants  et partir dans un nuage de fumée vers une destination inconnue . J'ai beaucoup pleuré quand j'ai su qu'il avait jeté son dévolu sur l'apprentie coiffeuse de son quartier . Une blonde , comme lui , à qui il permettait de grimper derrière lui sur son destrier rouge sang. Peut-être l'a-t-il épousée ? Qui sait !

Je ne l'ai jamais revu . Prise dans le tourbillon de mes études , je l'ai oublié . Jusqu'à aujourd'hui . C'est vrai , le temps passe vite ! On ne s'en rend  vraiment compte  que les jours de grande nostalgie . Et je repense à ces années lycée où je guettais son arrivée et où je m'enivrais , quand il prenait place à mes côtés , de son parfum Guerlain , jusqu'à ce qu'il abandonne , une fois le cours fini, loin derrière lui,  cette odeur de tabac blond aussi fugace et insaisissable que cette année de terminale qui mit un point final au premier chapitre de ma vie .






jeudi 31 décembre 2015





L'obscurité a toujours  été stigmatisée dans le monde occidental . C'est qu'on la craint . Elle pointe toujours une  absence , une privation ,une frustration même . Manque de lumière , au sens physique, manque de clarté , au sens intellectuel. Dans un cas comme dans l'autre , nous sommes délogés de notre zone de confort . Il nous faut procéder à tâtons avec le risque de nous cogner à la réalité concrète ou abstraite .

Mais à y bien réfléchir , l'obscurité fait partie du grand cycle de la nature . Si le jour existe , c'est bien parce que la nuit lui donne naissance . Notre gestation dans la matrice maternelle s'est aussi effectuée dans l'obscurité la plus complète . Et la vie organique ne serait pas possible sans la mise en sommeil des photons . Pour permettre à la nature de se régénérer ou tout simplement de se développer , l'obscurité est donc  indispensable .  

Le domaine des inventions techniques en a d'ailleurs tiré amplement partie .  La photographie n'aurait jamais vu le jour sans la mise au point de la chambre noire . Et le cinématographe nous attire bien dans des salles obscures pour que prennent vie sur un écran les destinées les plus variées . Il en est de même pour les salles de spectacles : que ce soit au théâtre ou à l'opéra , pour que la magie opère , la lumière de la salle doit s'éteindre  pour que celle de la scène nous illumine . 

Si le divertissement la courtise, si elle est un composant inaliénable de la vie , il serait enfin temps que nous cessions de la redouter , voire même de la diaboliser . On oublie trop qu 'elle est plus proche de nous qu'il n y paraît . Il n'est  qu'à sonder notre moi profond pour y dénicher notre part d'ombre  . Tapie au fond de nous , elle attend que nous l'apprivoisions .La fuir reviendrait à  se renier soi même , à se détruire ou , pire encore , détruire les autres. L'obscurantisme , voilà ce qu'il faut combattre . Car il a pour seule fin  de plonger le monde dans les ténèbres en lui fermant les portes de l'avenir . 

lundi 21 décembre 2015

C'est toujours un peu la même histoire, ces grands méchants sur grand écran qui font le mal pour le mal.  Ils ont toujours raté quelque chose dans leur enfance. Soit ils ont grandi dans l'ombre intergalactique  d'une mère qui a tout fait pour leur faire oublier leur père . Soit ils ont grandi  dans le vide sidéral laissé par une mère démissionnaire en prise avec un père tortionnaire.

 Comment leur reprocher ensuite d'être bancals , eux qui n'ont appris à se tenir debout qu'en s'agrippant au mât de leur lit, spectateurs du naufrage parental et cherchant plus tard leur bonne étoile dans le ciel de leurs délits? Quand on est privé d'un centre , ballotés entre un besoin d'amour  immense et un sentiment d'abandon , peut-on faire autre chose que de se tourner vers le côté obscur?

Comme ces fruits que l'on cueille des arbres avant qu'ils n'aient mûri, ils pourrissent en leur coeur en se gorgeant de rancoeur. Ils se nourrissent de leur rage et s'enivrent de pouvoir. Ils aiment d'un amour malsain , martyrisent leur entourage , se méprisent tout autant qu'ils s'admirent. Ils veulent prendre leur revanche sur la vie,  se venger d'avoir été trop aimé ou pas assez . Ils vendent leur âme au diable , se consument dans les supplices du mal car ils n'ont jamais goûté de meilleurs délices.

Puis ils croisent les pas du héros, celui qui leur tend le miroir de leur conscience et fissure leur carapace de remords intenses. Le feu qui les dévore se transforme en minuscule flamme . Le chaos qu'ils ont semé leur laisse un goût de cendre dans les entrailles. Ils repensent à leur enfance, à leurs premiers  bonheurs vite étouffés par le malheur, mais aussi à tout cet amour qu'ils ont emprisonné dans leur coeur pour laisser libre cours à leur fureur.

Et comme il faut bien une morale à toutes ces histoires , le bien finit par triompher du mal .  Les héros doivent bien servir  à quelque chose. Mais au fond, le méchant doit se réjouir plus qu'autre chose de tomber sous les coups de ces hérauts d'un monde meilleur. Parce que , vraiment, passer toute une vie à faire le mal , ça ne doit pas être toujours rose . Ils le méritent bien ,  leur repos éternel . Avoir constamment la force avec soi, quoi qu'on en dise, c'est ...mortel ...

lundi 7 décembre 2015




On passe sa vie à attendre. C'est une nécessité à laquelle on ne peut se soustraire. On attend un train, on attend son médecin . On attend des nouvelles des personnes à qui l'on tient. C'est une passivité dont on se passerait bien , car elle nous fait prendre conscience, à nous qui clamons notre autosuffisance, de notre  dépendance aux autres mais surtout aux circonstances . 

Il arrive qu' on attende pour rien aussi. C'est le plus dur . Attendre quelqu'un qui ne viendra jamais. Quelqu'un qu'on ne connaît pas mais dont on est sûr qu'il nous reconnaîtra dès qu'il apparaîtra, qu'il rompra le maléfice qui nous lie au malheur ou et au désamour de soi . Il faut bien croire en sa bonne étoile quand on a l'espoir pour unique fanal . 

En attendant , on essaie de poursuivre son chemin bon an mal an. On se laisse porter par le rythme des saisons et le cortège de leurs célébrations . On patiente stoïquement des mois durant , endurant le froid hiémal et celui, plus glacial,  des couloirs où piétine notre âme . 

Puis un beau jour , on se rend compte qu'on n'a plus rien à attendre. Qu'on a même attendu pour rien. Que celui qu'on attendait n'est jamais venu et que d'autres qu'on n'attendait pas sont venus à sa place, pour le meilleur et pour le pire . 

Et l'on se dit qu'on s'est trompé. Que la vie répond rarement à nos attentes. Que le  bonheur est un miracle qui n'existe que dans les contes , un cadeau de Noël égaré en chemin qui n'arrivera jamais à destination . 

Alors on se résigne à attendre celle dont on ne sait rien mais qui nous connaît si bien . Celle qui tient toujours parole , quelles que soient les saisons , quel que soit le continent . Celle qui nous confirme que la vie n'est qu'une vaste aérogare et que nous sommes des passagers sans bagage , perdus au milieu de nulle part et qui rêvent de nouveaux départs pour quitter cette terre jonchée de cauchemars. . 


samedi 21 novembre 2015




La vérité nue , on a beau la chercher , elle fait tout pour se dérober à nous . Quoi qu'on fasse, elle s'enveloppe d'un voile pudique et ne nous laisse, comme trace de son passage,  que les pièces d'un puzzle organique qui sans cesse se modifie et défie notre entendement.

Pourquoi , d'ailleurs, vouloir à tout prix  l'appréhender au singulier , nous qui sommes une multiplicité d'individus à l'identité multiple au cours de notre vie ? A chacun sa vérité , faudrait-il dire. Et il en est peut-être mieux ainsi . Car comment ne pas succomber à la nausée quand on la dépouille de ses oripeaux mensongers ? Où trouver la force de surmonter  la répugnance qu'elle nous inspire quand elle nous offre le spectacle obscène de son corps en décomposition avancée ?
 
A vrai dire , on ne désire pas vraiment la connaître . On la fuit , même , plutôt qu'elle ne nous fuit. Et c'est là la seule vérité qui tienne. On s'accommode très bien de ses simulacres , des masques qu'elle prend plaisir à porter pour mieux nous tromper . Ses sourires , ses belles paroles nous font croire que la réalité n'est pas si intolérable que ça .

Un jour ou l'autre, pourtant, il faut bien que le rideau tombe. Acta fabula est ! Le hasard joue si bien aux dés . On prend soudain  le temps de se regarder dans le miroir sans fard . Et on ouvre les yeux sur ces regard fuyants qui nous entourent, ces propos aberrants , ce théâtre de faux-semblants dans lequel on jouait le rôle principal tout en croyant n'être qu'un figurant .

On se dit alors que l'espèce humaine est une calamité, on se reproche d'avoir été si naïf aussi . Mais au bout du compte , on finit par s'en féliciter. Car ce temps qu'on a passé à se laisser séduire par cette vérité grimée  a été un temps béni . D'abord parce que nous avons baigné dans la sérénité, ensuite parce que , grâce à lui , nous parvenons enfin à agencer les pièces manquantes du puzzle de notre identité.

samedi 14 novembre 2015

Nous sommes bien peu de choses sur terre . On a souvent tendance à l'oublier . Ce n'est qu'en des circonstances dramatiques que soudain nous est rappelée la précarité de notre existence, notre vulnérabilité physique tout autant que psychique, nous qui  ingérons à longueur de journée des maximes vitaminées mensongères qui proclament notre invincibilité .
 
Que celui qui ne s'est pas vanté de posséder en lui les armes pour conquérir le monde me jette la première pierre ! On nous enseigne que nous sommes maîtres de notre destin; que vouloir, c'est pouvoir; que nous possédons en nous les clés de la félicité et de la réussite. Harnachés de pensées positives, nous avançons d'un pas décidé, le corps discipliné et l'esprit galvanisé, prêt à en découdre avec quiconque entravera notre chemin.

Mais nous oublions que la vie n'est qu'un château de cartes. Que nos constructions ne sont qu'éphémères et que nos passions nous conduisent inévitablement sur le chemin de la Passion christique. Nos réussites ne sont que l'envers de nos échecs, et nos unions , qu'elles soient amicales, conjugales ou professionnelles finissent toujours, tôt ou tard, par des séparations .

Si nous naissons un jour à nous-mêmes, ce n'est que pour saisir notre impermanence en ce monde , notre proximité ontologique gênante avec les choses inertes qui nous entourent, une fois que le souffle divin qui nous anime nous aura été dérobé. Oui, nous sommes décidément bien peu de choses sur terre. Nous avons beau marcher la fleur au fusil , nous ne serons jamais que de la chair à canon pour ceux qui tuent et meurent pour des idées car ils sont trop lâches pour avouer qu'ils ont perdu le combat contre eux-mêmes.

dimanche 25 octobre 2015




Raconte-moi une histoire! Telle est l'injonction que l'enfant donne à l'un de ses parents quand la nuit tombe et qu'il est temps pour lui de se coucher . Comme si ce rituel était le passage obligé de la veille au sommeil , un moyen comme un autre de conjurer la plongée aussi nécessaire que terrifiante dans l' inconnu nocturne.

Car cette suspension provisoire de la conscience , cette mise entre parenthèses de la vie n'est que la préfiguration du néant à venir , de celui dont l'enfant a le pressentiment avant même qu'il n'ait affecté son environnement immédiat . La mort , même s'il n'en a aucune connaissance physique, sait ne pas se faire oublier en s'affichant avec ostentation dans les médias . Elle s'étale en gros titres sur les journaux , en bannières sur nos écrans .Elle se venge de son impopularité en s'invitant , comme la fée Carabosse, au baptême des nouveaux-nés mais aussi à toutes les festivités .

Elle nous raconte toujours la même histoire , en somme . Quoi qu'on fasse , elle a toujours le dernier mot . C'est une romancière hors-pair, irriguant ses intrigues de suspense , se nourrissant sans cesse de l'effet de surprise qu'elle produit . Elle est toujours là où on ne l'attend pas . Et c'est pourquoi elle nous fascine , tout autant qu'elle  nous terrifie . Jeunes , vieux , tout le monde y passe . Seul son mode opératoire varie .

Femme fatale , faucheuse hideuse , l'iconographie l'embellit ou l'enlaidit. Que lui importe l'apparence qu'on lui donne . Elle ne se donne jamais à voir . Sans substance , et pourtant consubstantielle à notre existence , elle n'est pas à un paradoxe près . Elle ourle nos songes de l'appréhension qu'elle nous inspire et alimente nos fantasmes d'anéantissement les plus fous .

 L'histoire que l'on raconte au jeune enfant la met en scène aussi . Mais ce n'est pas n'importe quelle histoire . Elle se situe toujours dans des contrées lointaines et des temps reculés , comme si l'on voulait l'exorciser en la circonscrivant à un cadre spatio-temporel bien délimité.

C'est pour cela que l'enfant la réclame , chaque soir, son histoire , et que plus tard , il s'en racontera lui-même , des histoires , aussi  abracadabrantes que celles de sorcières et de sortilèges , dans la tentative de rompre les maléfices de la vie et repousser  la part grandissante d'obscurité en lui .

samedi 3 octobre 2015



Il est une question qui nous taraude toute notre vie, depuis nos premiers pas sur la scène du langage jusqu'à notre sortie de scène finale , qu'elle soit lente ou brutale. Cette question, c'est celle du pourquoi.

L'enfant , quand il découvre le monde  physique qui l'entoure et tente de le comprendre , nous harcèle de ses interrogations constantes , cherchant par là-même à se rassurer tout autant qu'à poser la première pierre du château branlant de ses connaissances . Nous sommes , à ce stade , en mesure de lui apporter la  réponse qu'il attend  , vu le faible degré d'abstraction que celle-ci requiert . Il est en effet à notre portée de lui expliquer la raison pour laquelle un être humain a besoin d'air pour vivre , et un poisson d'eau . 

Là où nous risquons de perdre pied et boire la tasse , c'est quand surgissent dans son cerveau en construction les premières  questions existentielles relatives à notre durée de vie limitée sur terre . Pour couper court à une investigation poussée , on s'entendra  lui dire que si grand-mère n'est plus chez elle , c'est parce qu'elle est montée au ciel . Et l'on s'en mordra les doigts ensuite quand il nous dévisagera  d'un air sceptique , car pourquoi  grand-mère saurait-elle donc voler , alors que lui ne le pourrait pas  ?

C'est en  lui cachant  la vérité sur notre finitude que l'on prend  vraiment conscience de notre incapacité à résoudre les équations métaphysiques qui codent nos existences. Pourquoi devons-nous donc mourir ? Pourquoi devons-nous donc souffrir ? Pourquoi un plus un ne fera   jamais deux pour certains , mais continuera de faire toujours un plus un ?  Pourquoi ?

Certes la religion et les mythes nous apportent quelques lumières sur l'origine du monde . Ils comblent les hiatus que la science ne parvient pas encore à expliquer . Mais si nous aimons tant croire aux histoires qu'ils nous racontent , si nous  nous satisfaisons depuis des millénaires de ces versions de la Création bien qu'elles défient l'imagination  , n'est-ce pas dans la mesure où elles masquent  notre incompréhension anxieuse des mystères du monde ? En fin de compte , nous ne serions pas moins naïfs que l'enfant qui feint de croire au ciel pour repousser l'idée qu'il finira un jour sous terre.

dimanche 20 septembre 2015

"Ça n'arrive pas qu'aux autres!". Cette phrase , on se l'entend dire quand il est déjà trop tard , que le destin a frappé à la porte de notre corps et de notre âme pour en renverser l'équilibre et nous obliger à nous confronter à nous-mêmes , avec toute l'angoisse et le désarroi que cela implique. C'est la prise de conscience fulgurante  de notre impuissance face aux choses de la vie , la déchirure du voile serein qui recouvrait le réel et qui aboutit à un déchirement moral souvent brutal . 


Qu'il s'agisse d'un vol ou d'un viol , d'un divorce ou d'un deuil , d'une maladie ou d'un accident , nous avons soudain le sentiment  d'être  injustement malmenés par les circonstances , de n'avoir pas mérité ce qui nous arrive , que la vie est assez dure comme ça  pour ne pas encombrer notre horizon d'obstacles qui entravent notre élan.


Il serait plus sage de se demander pourquoi on n'y a pas pensé avant , pourquoi l'on a fait preuve de tant de naïveté dans ce domaine alors qu'on manifeste tant de sagacité dans d'autres . Si ça arrive aux autres , ne sommes-nous pas nous-mêmes les autres des autres ? D'où vient notre prétention à vouloir être  préservé des préjudices subis par notre prochain ? Est-ce à dire que ce dernier , lui , a une prédisposition plus grande au malheur que nous, et qu'il est donc tout désigné pour jouer le rôle de  la victime expiatoire ? 


On se rappelle notre air fataliste quand telle ou telle de nos connaissances avait subi un coup du sort . On se souvient d'avoir prononcé des paroles comme : il ( elle ) n'a pas de chance ! Il ( elle ) est né(e) sous une mauvaise étoile! En disant cela , on tentait ainsi de s'immuniser contre le malheur , lui assigner une sphère d'influence éloignée de notre existence  , en en rejetant  la faute aux astres . 


L'on aurait dû plutôt y voir un signe annonciateur de notre avenir prochain , s'estimer chanceux d'avoir été épargné jusque-là , et se préparer non plus seulement au meilleur mais aussi au pire . La chute , qu'elle arrive tôt ou tard , sera inévitable . Alors pour lui ôter son caractère redoutable , autant l'anticiper pour mieux l'apprivoiser . Et remercions les autres de nous avoir enseigné , sans le vouloir , que si nous ne sommes pas des dieux, nous n'en sommes pas moins des hommes.

dimanche 13 septembre 2015

Un gros plan sur un enfant couché sur le sable , sur une plage huppée , un beau matin d'été . Non, ce n'est pas le Lido de Venise et ce n'est pas non plus Tadzio. Mais le petit garçon est tout aussi élégant . Son polo rouge, son bermuda bleu , ses mocassins de cuir brun lui donnent un air de Petit Prince au pays des embruns .

On sent qu'il a été aimé , on sait qu'il sera aimé du monde entier maintenant qu'il n'est plus de ce monde . Les vagues l'ont englouti , et avec lui tous nos espoirs de le voir grandir un jour . La mer, honteuse d'avoir perdu son bras de fer avec la mort , l'a déposé sur le rivage dans un linceul d'écume .

Il repose là, inerte , comme un nouveau-né endormi , le visage enfoui dans le sable . On ne veut pas croire qu'il ne se réveillera plus . Son petit corps bien nourri semble encore plein de vie . On devine ses rires , ses yeux émerveillés quand il a découvert la mer et l'esquif qui allait lui être fatal. On veut oublier sa peur et ses pleurs . Ses cris aussi.

Ce qui nous poursuivra tant que notre mémoire gardera trace de cette image de lui , c'est cette horizontalité dérangeante , cette confusion entre sommeil et absence de vie. Un enfant qui dort, c'est un enfant qui vit . Un enfant qui gît est un enfant sans vie.

On lui en veut , à la mort , de nous avoir trompés en copiant aussi bien la vie . On s'en veut surtout d'avoir été assez naïfs pour croire qu'un enfant allongé ne peut forcément que dormir , et ne jamais mourir.

samedi 22 août 2015


Si la curiosité est un vilain défaut , force est de constater qu'une quantité croissante d'objets de curiosité s'exhibent sur la Toile pour faire leur  numéro de cirque sous le chapiteau électromagnétique . Exit les profils de camée aux traits réguliers et les plastiques aux proportions bien calibrées ! Exit aussi les vies bien rangées et les parcours professionnels sans aspérité . Ce qui fait l'unanimité , ce sont les it-girls camées — à force d'inhaler des lignes de coke immaculée; les call-girls se rachetant une virginité — en défendant la cause des animaux martyrisés;les gangsters politisés —qui financent des galas de charité.

 Mais ce qui recueille le plus de suffrages ces derniers temps , c'est ce qu'on appelle le   "coming out " , autrement dit la révélation , par une personnalité publique , de son orientation sexuelle,  pourvu qu'elle ait été jadis réprouvée par la bonne société . Alors qu'autrefois, il était fortement déconseillé de  s'épancher sur son intimité, aujourd'hui, toute déclaration en ce sens vaut, à celui qui la fait, d'être panthéonisé. Les médias sont la nouvelle agora où l'on parle sans embarras de ses ébats .

En tête de gondole, la transsexualité qui vient de supplanter l'homosexualité, banalisée récemment par une loi. Grâce aux avancées de la chirurgie esthétique, il est désormais possible de se doter ou de se délester de ses parties génitales si l'on veut faire un pied de nez à Dame Nature. Sautez le pas publiquement, et vous serez louangé comme un héros , et non vilipendé comme un apostat! Ce qui restait l'apanage de la communauté péripatéticienne sylvestre des abords de Paris ( i.e les travailleurs du sexe Brésiliens du bois de Boulogne ) s'est soudainement propagé au milieu artistique de la variété  où , comme chacun sait ,  l'originalité est survalorisée. Le Nec plus ultra, c'est d'arborer la barbe d'un bûcheron sur le décolleté plongeant d'une robe à volants.

Autres fous du volant dans cette course endiablée, les Satanas et Diabola à la sexualité débridée. La conversion à la transsexualité demande, il faut l'avouer, des sacrifices financiers qui peuvent décontenancer les moins fortunés, tandis qu'échanger sa partenaire dans des lieux consacrés, c'est participer, à l'échelle du sexe, à l'économie collaborative tant vantée. Si l'on est politicien néanmoins, cela peut vous coûter votre carrière, d'autant que vous serez victime de " outing" un jour ou l'autre : vos mœurs légères seront étalées dans tous les médias et vous perdrez, de ce fait, partie de votre électorat .

Pour faire son " coming out" en tant que célébrité , il faut donc s'assurer que le jeu en vaille  la chandelle . Pour ceux qui digèrent mal leur déclin en popularité , cela peut s'avérer une aubaine inespérée . C'est l'occasion de s'attirer une attention imméritée et de gagner un peu de visibilité .  Mais bon, si vous appreniez de leur bouche que vos it-girls préférées fréquentent des gangsters partouzeurs qui fricotent avec des call-girls transgenres, cela vous plairait - il vraiment ?

mercredi 12 août 2015

On parle beaucoup d'intégrisme religieux de nos jours en pointant du doigt l'asservissement répugnant auquel il contraint les femmes , mais on omet de dire qu'il en existe un , tout aussi contemptible, qui se répand comme une traînée de poudre dans notre société : l'intégrisme féministe . Le mors aux dents, les adeptes de cette idéologie extrémiste crient haut et fort leur mépris de l'homme, sans penser que leurs actions d'éclat ternissent plus l'aura des femmes qu'elles ne la rehaussent...

Dans cette guerre sans merci qu'elles livrent aux bataillons de mâles alpha censés imposer leur loi , elles usent et abusent de leur arme principale : leur corps . Loin de proposer d'elles l'image d'un corps susceptible de susciter le désir , elles exposent sur la Toile , dans un geste de provocation puérile, leurs imperfections ou dégradations physiques . Que ce soit l'ablation de leur sein ( mastectomie), la dépigmentation de leur peau ( vitiligo) , leur amblyopie , leur bec de lièvre ou leur triple menton , elles n'ont de cesse d'offrir à la société connectée une vision dérangeante de leur féminité . 

Support indispensable à la diffusion de leurs revendications : le web 2.0. Grâce à l'immédiateté et la disponibilité planétaire de l'information qu'elles véhiculent , les diverses plateformes des réseaux sociaux se font vite l'écho de leurs actions , ou pire , de leurs exactions. Car non contentes de s'exhiber graphiquement dans les positions et situations les moins avantageuses, ( maculées de sang menstruel ou constellées de vergetures , pour n'en citer que deux ), les plus enragées d'entre elles s'en prennent aux institutions de notre démocratie . C'est la nouvelle révolution des sans-culottes ....au sens propre.

Oui, pour attirer l'attention des médias , elles ne font pas dans la dentelle . Pas de fanfreluche! A bas les silhouettes de portemanteau glamourisées sur les catwalk! Elles ne veulent pas séduire , elles! Leur visée est juste de punir ceux coupables de préférer le beau au monstrueux. Aussi elles leur infligent le spectacle de leur nudité en pensant les guérir de leur lubricité . C'est ce qu'on appelle de la naïveté caractérisée. Si elles avaient étudié le comportement de leurs boucs-émissaires masculins euphorisés par les sextapes de certaines fakes de la télé-réalité , elles se seraient peut-être ravisées ...

Comme par contamination , cet ultraféminisme dévastateur métastase notre culture populaire et se propage  à grande vitesse dans les arts visuels. Que ce soit dans les films, les clips , ou les publicités , le personnage féminin incarné est bien loin des stéréotypes de la femme au foyer . Entre  la superhéroine steroidée et la dominatrice en latex , le cœur des réalisateurs balance . En conséquence , il est désormais indécent de montrer de l'affection à son compagnon , au risque d'être taxée de haute trahison . Pour être une femme digne de ce nom , il faut impérativement lui damer le pion et l'utiliser uniquement en cas de besoin sexuel pressant.

Si on ne l'excuse pas , on comprend mieux que certaines femmes préfèrent se soumettre aveuglément à un mâle dominant plutôt que de jouer le rôle de la castratrice en jupons. A force d'excès , celles qui veulent tant revaloriser le statut de la femme lui causent beaucoup de tort . Que dirions-nous si les hommes partaient à leur tour en croisade et se pavanaient sur la Toile en tenue d'Adam , se glorifiant de leur calvitie et de leur ventre bedonnant ? Ils ne feraient que susciter notre compassion , et au pire , notre abjection . Restons esthètes ! Aimons le beau tout en acceptant le laid . Mais surtout aimons-nous les uns les autres!

mardi 4 août 2015







Les vacances, elles se méritent . Elles exigent de nous un sens de l'organisation pointu tout autant qu'une force mentale aiguë, surtout si l'on décide d'explorer les continents lointains. Le seul moyen de locomotion envisageable dans ce cas étant l'avion, nous ne pouvons évidemment  faire l'économie d'une préparation matérielle minutieuse  ( la sacro-sainte corvée des bagages)  mais aussi, on a tendance à l'oublier, psychologique .

Comme chacun sait, en amont de toute migration aérienne , nous incombe la lourde tâche  de rassembler nos  effets personnels, qu'ils soient utiles ou  futiles, et de les comprimer dans une valise à la taille malheureusement incompressible. Cela fait des décennies que l'on attend que le concours Lépine récompense le concepteur du bagage rétractable et à géométrie variable, mais apparemment , les inventeurs en herbe privilégient les activités de la sphère domestique aux dépens de celle des loisirs.

 Pas du tout sérieux, ces gens ingénieux .  Des nostalgiques d'Inspecteur Gadget, à moins qu'ils ne vouent un culte à l'inventif Q, sans qui James ne serait pas Bond. Car qui peut me dire l'intérêt que peut susciter un système de repassage vapeur intégré dans un miroir mural pivotant , ou un dispositif pour enlever les bas et les chaussettes sans se baisser? Gageons que nous avons affaire à des phobiques du déplacement géographique , qui préfèrent le voyage immobile devant leur établi à celui, plus risqué, par la voie des airs.

Le mot " risqué", d'ailleurs, n'est pas galvaudé. Prendre l'avion , de nos jours, n'est pas exempt de dangerosité. On n'est jamais à l'abri d'une erreur de pilotage ou pire, d'une prise d'otages qui tourne mal. Dans les deux cas , on monte  au ciel plus tôt que prévu. Risqué aussi au sens où , si l'on arrive indemne à bon (aéro)port, on peut cependant atterrir en miettes. Nerveusement parlant.

Certes, on peut dorénavant choisir son siège et se délecter à l'avance de  pouvoir contempler le paysage ,la tête dans les nuages. Mais ce plaisir esthétique peut vite être gâté par la proximité génante  d'un passager particulier.  Un bébé , par exemple , dont les vagissements pourront vous faire regretter d'avoir choisi l'Océan Indien pour destination . Une heure, passe encore . Mais dix heures ! Fort heureusement , les chances de devoir ruser et faire risette à  ce type de passager  se sont raréfiées dans nos contrées . C'est peut-être le seul cas où l'on apprécie la baisse du taux de natalité .

Mais ce serait trop beau si la liste des doléances s'arrêtait là. Pensez à la patience que vous devez déployer, et l'énergie que vous devez dépenser rien que pour gagner les WC ! Enjamber votre voisin en prenant soin de ne pas vous luxer le genou ( j'en parle en connaissance de cause ...) , éviter de télescoper des individus non identifiés  quand vous empruntez l'étroite allée, et surtout vous boucher les oreilles quand vous actionnez la chasse d'eau assourdissante une fois que vous vous êtes soulagé...

Mais ce que j'appréhende le plus et qui me fait relativiser les turbulences abominables , les flatulences abdominales, les sifflements auriculaires , et les tempéraments atrabilaires, c'est, une fois l'avion posé, la fébrilité à ouvrir les coffres à bagages manifestée par les autres participants de cette expédition . Comme s'ils craignaient d'avoir été dévalisés en cours de vol par une brigade nuisible de malfrats invisibles .

Je vous épargne l'attente interminable avant de s'extraire de l'habitacle, et celle encore plus insoutenable devant le tapis à bagages. Ne parlons pas des valises égarées ou embarquées par erreur par un passager perturbé par les péripéties rencontrées . Bref , vous l'aurez compris , mieux vaut faire le plein de sérénité avant de vous engouffrer dans la carlingue d'un long-courrier , ou tout simplement espérer qu'un jour, le rêve de téléportation devienne réalité . Mais alors, les vacances n'existeraient plus , car quitte à se téléporter, on choisirait de ne jamais plus revenir sur terre . Car, ces derniers temps , c'est devenu l'enfer, et on n'attend plus qu'une chose, c'est de finir au paradis !