Pages

Nombre total de pages vues

mardi 31 mars 2015

Les commémorations , on aime bien ça, dans nos sociétés occidentales . On nous ordonne de nous souvenir . Surtout de choses qu'on n'a jamais vécues . De la barbarie humaine aussi bien que de la transcendance divine . Au nom du sacro-saint devoir de Mémoire. A ces célébrations historiques ou religieuses se greffent un chapelet d'autres fêtes , à visée principalement commerciale , comme la Saint Valentin, où on nous impose d'assigner une valeur marchande à ce qui n'en a pas : l'amour. Comme si ça ne suffisait pas , on a décidé d'attribuer une fonction aux jours de l'année restants . Alors des instances supérieures ont planché sur la question , et le résultat mérite qu'on lui prête toute notre attention.

Pour une grande majorité , les journées mondiales sont dédiées à des populations dont le trait commun  est leur vulnérabilité . Parmi les mieux représentés , les sujets souffrant d'une pathologie ou d'un handicap invalidant: Sida , cancer , lèpre , tuberculose , pneumonie , Parkinson ,  paludisme , hémophilie,  pour les affections les plus graves ; surdité ou bégaiement , pour les handicaps . Ce sont les journées " contre " .

Il existe aussi les journées " sans " : sans voitures , sans achats , sans téléphone portable , sans tabac . Ce sont les journées anti-société de consommation , en quelque sorte , ou anti-addiction . Ce  qui n'est pas si mal, après tout . On se soucie de notre santé  et de notre équilibre. Et au passage, on en profite pour rendre hommage à  Dame Nature dans toute sa diversité.

Car, notons-le,  il y a beaucoup de journées mondiales  écolo, dans le calendrier grégorien . Il n'y a qu'à recenser celles où il est question de l'eau . Qu'il se décline en rivières , mers ou océans , l'élément liquide est maintes fois célébré dans l'année . La faune tient aussi une place de choix . Oiseaux migrateurs , chats , lions , éléphants même . De quoi réveiller nos envies d'exotisme .

Moins exotiques sont les journées consacrées aux femmes. Celles qui sont encensées , ce sont les femmes rurales , les infirmières , les secrétaires , les sages-femmes et les ... ménopausées ... Aucun risque de nous faire atteindre l'orgasme , lui qui , pourtant , est à l'honneur le 21 décembre . A quatre jours près , on était en plein blasphème ...Citons parmi les journées mondiales les plus insolites , celles du tricot, de la plomberie, des jeux vidéo et des toilettes... Il faut dire que sans les latrines, la vie serait un enfer .

Mais il faut garder le meilleur pour la fin . Il existe , fort heureusement , des journées placées sous le signe de la positivité . La maladie, la discrimination, la cruauté , on n'a qu'une envie , c'est de les oublier au plus vite . Il faut arrêter de nous faire culpabiliser .  Mes journées favorites , et les vôtres , sans nul doute , ce sont celles du sourire et du rire, de la gentillesse et de l'amitié , des câlins et du bonheur . Parlons-en du bonheur . Il n'est pas assez représenté , le bonheur. A lui seul,  il mériterait qu'on lui dédie les 365 jours de l'année!

jeudi 26 mars 2015


Dans cet univers  de l'hyperconnexion où l'on peut joindre n'importe quand, n'importe où, n'importe qui , force est de constater que nous vivons retranchés dans le bastion de notre indifférence au monde qui nous entoure , comme si le trop-plein d'informations et d'interactions digitales saturait notre besoin  d'immersion dans le bouillonnement incessant du réel .Pris au jeu, nous assumons notre condition de pion sur l'échiquier du désir  fluctuant, prompts à nouer et dénouer des amitiés virtuelles  , érigeant autour de nous un cordon de sécurité quand le cordon ombilical de nos relations sur la Toile se fait trop étouffant .

Nombreux sont ceux qui jettent l'anathème sur ce mode de consommation sauvage , arguant du fait qu'il fait fi de la sensibilité et susceptibilité des différents actants . Mais ils oublient, en passant , que hors de son contexte professionnel , le web n'est qu'un terrain de jeux , une partie de cache-cache aux bornes temporelles infinies puisque les écrans sont aussi résistants que des masques de fer tant que les participants ne décident pas de faire le grand saut dans l'ici et maintenant de la rencontre physique. On se farde de l'identité qu'on veut , à commencer par un pseudo, et, par un effet de miroirs vertigineux, se met en place une mise en abîme de faux semblants qui alimente le fantasme et trompe l'ennui.

Car , il faut bien le dire, on s'ennuie à en mourir dans nos sociétés à géométrie invariable, dans nos foyers centrés sur la sacro-sainte famille et le bien-être bon marché procuré par les émissions de télé-réalité et les voyages bon marché. Alors il faut bien s'évader. A moindre frais. Cela n'engage à rien. On parle à des inconnu(e)s. On se découvre des passions inavouables communes qui épicent notre imaginaire sclérosé par une vie de couple qui s'est émoussée. On se dit qu'on est moins seuls sur terre , qu'il est encore temps de refaire sa vie car, manifestement , on s'est trompés de partenaire.

Les plus naïfs d'entre nous sont prêts à tout sacrifier pour un shoot d'euphorie qui les fera décoller du ciment de leur quotidien. Sauf qu'ils oublient que , derrière l'écran, se tiennent des escrocs de l'apparence , des simulateurs/simulatrices n'ayant rien à perdre , des paumé(e)s dont la seule visée est de faire perdre l'équilibre à ceux qui se sont laissés berner par leur promesses fallacieuses. Car ce sont des joueurs tout-terrain, des aventuriers intrépides , et la Toile leur offre un nouveau défi qu'ils ont bien l'intention de gagner.

Alors pourquoi leur jeter la pierre, à ces imposteurs ? Reproche-t-on aux joueurs de poker de bluffer ? Plutôt que de les stigmatiser, jugeons avec plus de sévérité les pères/mères, époux et épouses démissionnaires, qui ont fui leurs responsabilités et ont cru, à tort, à une meilleure destinée en accordant leur confiance à des êtres dénués de réalité. Ils n'ont pas mérité ce qu'ils ont lâchement abandonné et paieront, un jour ou l'autre, le prix de  leur excès de crédulité.

dimanche 15 mars 2015




L'adage" Pour vivre heureux, vivons cachés " aurait bien du mal à se vérifier de nos jours. Car quand bien même nous  parviendrions à nous soustraire à la vue de notre prochain , il faudrait aussi nous dépouiller de nos vademecums électroniques, qui, bien qu'ils soient essentiels à notre survie psychique, n'en sont pas moins des mouchards de haut vol, nous soumettant à une géolocalisation sans concession .

En nous promettant de nous faciliter la vie grâce à une orientation géographique personnalisée, les applications pour smartphones font de nous des otages du service de renseignement digital. Le moindre de nos mouvements est traqué et tracé sur des fichiers numériques à des fins multiples: commerciales pour la majorité d'entre elles, sécuritaires pour une minorité . Mais pas seulement. Le domaine des sentiments est également circonscrit à un périmètre que l'on définit soi-même sur les sites de rencontre. On se fixe comme objectif de rencontrer l'âme sœur dans un rayon kilométrique donné, en  oubliant, au passage, que l'amour véritable ne connaît pas de frontières. 

Ainsi, avec le virtuel,  le réel devient tellement transparent qu'il en perd l'une de ses qualités essentielles : le mystère. Nous voilà désormais privés de notre capacité à nous étonner et à nous émerveiller. Le plaisir d'une trouvaille architecturale insolite au détour d'une rue nous est ôté . Tout est répertorié dans un atlas numérique planétaire qui ne laisse rien au hasard. Le mot découverte, dès lors, n'a plus de  sens. Nous faisons partie de la génération des terriens blasés car trop assistés , des moribonds de la surinformation  qui se bercent de la douce illusion qu'ils vivent dans le meilleur des mondes . 

Ironie suprême...Ce qu'ils reçoivent d'un côté , on le leur retire de l'autre.  Car pour jouer la carte de la sécurité, ce monde emprunte à la dystopie orwellienne son intrusivité totalitaire. Vous voulez vivre heureux ? Alors il ne faut plus vivre caché! Avec ses armadas de caméras de télésurveillance et bientôt de drones , tout notre espace vital se voit  quadrillé , disséqué, violé par des yeux invisibles coupables d'un voyeurisme à outrance, et ce , au nom du bien de la communauté . 

Alors quoi de plus naturel que de se livrer à de l'exhibitionnisme gratuit sur les réseaux sociaux! Pourquoi tancer notre propension à tout dévoiler de notre intimité alors qu' intimité , il n'y en a plus ! De toute façon , le cloud se charge un jour ou l'autre de nous trahir. Alors , un peu plus ou un peu moins . Le numérique a eu au moins le mérite de démystifier l'idée erronée selon laquelle le bonheur , pour durer , doit être tenu secret . Superstition, quand tu nous tiens! Le bonheur n'a peur de rien . Il est libre d'aller et de venir au gré de ses envies . Et ce n'est pas les ondes électroniques , bonnes ou mauvaises , qui influeront sur sa destinée. 

jeudi 5 mars 2015

Une dame, de taille modeste, à la tête chenue, arpente la rue du Faubourg Montmartre en direction des Grands Boulevards. Elle se déplace lentement, appuyant chacune de ses mains sur une canne en bois sombre. Elle me dépasse , et la simple idée de l'avoir perdue à jamais me devient intolérable. Je me retourne, avide de déchiffrer le mystère de cette apparition émouvante.

Des bas gris tentent de dissimuler deux chevilles à la déformation douloureuse. Pourtant , ce n'est pas la souffrance qui émane de cette singulière passante , mais une force tranquille. Elle tire de la raison même de sa différence une vigueur et une patience surprenantes. Elle progresse à pas lents, personnage anachronique égaré au mileu de cette foule électrisée. Ses cannes martèlent le pavé à cadence régulière.

Elle est sûre d'elle. Elle sait où elle va. Qu'importe si la vie lui a ôté à jamais la sensation vertigineuse qu'éprouve le corps quand il s'élance dans l'espace. Dans un tiroir de sa mémoire, elle garde précieusement le souvenir de l'envol délicieux que lui permettaient ses jambes d'enfant dans sa province natale.

Sur le trottoir parisien où se côtoient sans jamais se rencontrer les destinées les plus diverses , elle va son chemin, imperturbable, et ses chevilles torturées me font soudain penser aux souches de ces arbres centenaires qui nous offrent, en pleine forêt, leur hospitalité quand nos pieds ne peuvent plus nous porter.

27 Mars 2000

lundi 2 mars 2015


Quel homme n'a pas rêvé de s'élever dans les airs et de survoler les mers pour contempler la terre ! Il faut dire que  nous nous  sentons cruellement à l'étroit dans nos prisons. Où que l'on aille , on ne se heurte qu'à des cloisons , des interdictions qui font le lit de nos frustrations . Que ce soit notre habitation ou le lieu où nous exerçons notre profession , tout allume en nous notre désir d'évasion et enfante des fantasmes  d'assomption , qu'elle soit spatiale ou cérébrale .

Déjà Icare avait ouvert la voie . En s'échappant du labyrinthe , il nous montrait que l'inventivité pouvait venir à bout de tous les obstacles , qu'il suffisait d'être ingénieux pour se sortir des situations les plus inextricables . L'avènement de l'aviation , en mettant à notre disposition des machines volantes capables de traverser les nuées et voir que le soleil brille toujours là-haut , nous a ensuite permis de chausser des bottes de sept lieues pour rapprocher les  continents jusque-là si lointains. La conquête spatiale, comme une boite de Pandore,  nous a enfin bouleversés par l'infini des possibles qu'elle nous a fait entrevoir.
`
Mais la technologie n'est pas la seule à pouvoir combler nos attentes en matière de voyages . Notre imagination remplit une fonction tout aussi gratifiante. L'on peut voyager dans sa tête sans pour autant mouvoir son corps . L'activité onirique , qui plonge ses racines dans le puits sans fond de l'inconscient , nous donne les ailes d'Icare et nous permet de réaliser ce que le monde physique nous empêche d'accomplir . Pas besoin de la poudre magique de la fée Clochette pour décoller de terre . L'alliage raffiné de notre esprit et de notre âme est d'une pureté bien plus subtile  pour concrétiser ce prodige .

A cette aspiration vers les hauteurs répond une autre , tournée vers les profondeurs . Les entrailles de la terre , tout autant que les abysses sous-marins, n'ont de cesse de fasciner les dérisoires terriens que nous sommes.  Il nous faut explorer l'inexplorable, les lieux où toute vie humaine n'est pas envisageable . Sans doute pour nous faire oublier un temps les oripeaux de cette existence qui nous colle à la peau comme la tunique de Déjanire.

Mais toutes ces plongées dans l'inconnu , on a beau leur donner le nom rassurant de science . Qu'il s'agisse de spéléologie ou d'océanographie , elles ne peuvent déguiser cette  obsession qui nous tenaille  d'aller chercher , comme Alice , monts et merveilles dans le labyrinthe souterrain de notre âme.

dimanche 8 février 2015


Il est étonnant de constater le degré de popularité élevé que détiennent les chats sur le web. Leur visibilité sur les réseaux sociaux n'est plus à prouver . Une ailurophilie aiguë sévit ! Photos truquées,  gifs et "mèmes"hilarants inondent nos écrans. Rien de mieux, pour réveiller nos zygomatiques ankylosés par la morosité ambiante, que de voir apparaître la bouille patibulaire des Grumpy Cats,  sur lesquels nous projetons évidemment notre anthropomorphisme galopant . Des félins qui tirent la tronche , c'est quand même plus tordant que des humains à l'air chagrin . Après l'ère du Girl Power, voici celle du Cat Power !

Il faut dire qu'il n'y avait qu'un entrechat à faire entre Catwoman, farouche jusqu'au bout des griffes, et les Lolcats à la mine drolatique et aux mimines inoffensives. C'est qu'ils sont vraiment risibles à vouloir nous mimer. Du matou glouton au chaton patachon , les minets sont toujours pris en flagrant délit d'oisiveté prononcée. A travers eux, nous donnons corps à nos désirs les plus profonds, ceux-là mêmes pour lesquels nous culpabilisons quand nous les assouvissons. Car gourmandise et paresse tombent vite sous le coup de la répression dans notre société , tant cette dernière est régie par les impératifs de la minceur et de la performance. C'est pour cela qu'on les tient en respect, et qu'ils jouissent d'une impunité sacrée, ces sybarites sur quatre pattes. Car, après tout, au nombre des plaisirs de la vie, n'y a-t-il pas ceux qu'une table bien dressée procure et celui que dispense un repos bien mérité ?

  Ils étaient pourtant loin de jouir d'un tel prestige, ceux qui  apparaissaient dans les dessins animés  de notre enfance. Qu'on se souvienne des déboires de Grosminet face à Titi , ou de Tom face à Jerry . Ils n'étaient pas du tout dégourdis, les deux mistigris. Ils finissaient toujours par se faire berner par le canari zozotant et la souris au super QI. Pour redorer leur blason, Disney en a fait des chats de salon . Les Aristochats nous ont conquis par leur haute distinction, leur éducation accomplie et leurs dons artistiques . Puis Garfield a mis les pattes dans le plat en revendiquant haut et fort son goût immodéré pour les lasagnes, son aptitude inégalée pour la fainéantise, et son sadisme envers la gent canine. Le chat orange et son humour décalé arrivait à point nommé pour venger ses congénères trop souvent affligés, par des dessinateurs à la phobie féline avérée,  d'un crétinisme avancé .

Jusqu'à ce que le kitsch kawai ne s'en mêle et ne crée la chatte Hello Kitty, raz-de-marée commercial nippon qui, si elle n'a pas de bouche, saura néanmoins faire parler d'elle sur les cinq continents . Comme quoi la niaiserie n'a pas de frontières ...Que nous réservent les années à venir ? Des chats blancs ou des chats noirs ? Plutôt des chats gris , car nous sommes bien plongés dans la nuit . Vu l'actualité, on songerait plutôt à des Trashcats, des Bimbocats, des Kamikazecats aussi. Entre le sexe et la guerre , le lien n'a jamais été aussi étroit . Le chat a bien neuf vies . Il ressuscitera . Mais pas nous ...

lundi 26 janvier 2015


Moi qui affectionne les pérégrinations à destination de ma bien-aimée Albion , je dois dire que je suis bien mal payée en retour pour ma si noble dévotion. Une malédiction pèse sur moi! Et cela depuis ce jour fatal où je séjournai toute une nuit sous la Manche, prostrée sur un siège dont le revêtement rayé n'était pas sans rappeler le pyjama des forçats, confinée dans un compartiment de train gris comme un funérarium .

Trois déflagrations à l'entrée de l'Eurotunnel avaient pulvérisé mon optimisme congénital et catalysé mon imagination. Mon verdict fut explosif : Attentat terroriste! Des artificiers barbus avaient déposé des machines infernales sur les voies et menaient d'âpres tractations avec Gordon Brown ! Ma vie ne tenait plus qu'à un coup de fil entre Downing Street et le repaire clandestin des preneurs d'otages de mon fabuleux destin ...

Eh bien, le croirez -vous ? Pour une fois dans ma vie, je demeurai d'un calme olympien. Mon esprit, sans doute anesthésié par un trop-plein d'émotions, analysa froidement la situation. Bonne ou mauvaise, l'issue des événements  ne dépendait aucunement de mon intervention . Je me tournai donc vers la méditation, plutôt que de perdre mon temps en de vaines lamentations, et ce, pendant que d'autres voyageurs se découvraient une soudaine passion pour la religion et se livraient à d'intempestives oraisons.

Après tout, il faut bien mourir un jour, et finir en apothéose au milieu des maquereaux et des merlans , dans un feu d'artifice aquatique, n'est pas donné à tout le monde . Je me sentais même délivrée d'un  poids immense . La maladie et la vieillesse me seraient épargnées . J'allais franchir les portes du Paradis , fraîche comme un gardon , et l'on me réserverait  là-haut un accueil en grande pompe, à la suite duquel je ferais une allocution digne de ce nom pour remercier tous les Saints de leur plaisante réception .

Mais mon imagination alla trop vite en besogne, car, de terroriste, il n'y en eut point. Seule l'amplitude thermique excessive à l'entrée du tunnel avait été responsable de l'explosion des moteurs, condamnant le train à un arrêt forcé. De sorte que je parvins à Londres indemne, consciente que Dieu avait ajourné mon séjour en son royaume pour une raison obscure mais suffisamment claire pour m'engager à profiter des bienfaits de la vie sans restriction .

Loin de mettre un frein à mes pulsions de locomotion entre Paris et Londres , cet incident ne fit qu'attiser mon envie de refranchir le Rubicon . Quinze jours plus tard ,  j'étais à nouveau sur les rails , frissonnant de plaisir à l'idée de me replonger sous peu dans les entrailles du museum d'histoire naturelle, avec son Tyrannosaure Rex  automate aux yeux jaunes étincelants  et son appendice caudal plutôt déconcertant . L'Eurostar fendait l'air du crépuscule comme Buzz l'éclair, et moi , j'étais déjà au 7ème ciel , la tête dans les nuages , des étoiles plein les yeux jusqu'à ce qu'un choc violent me ramenât les pieds sur terre ...

Le train s'immobilisa avec fracas dans un crissement de freins épouvantable . Il me sembla que l'enfer avait ouvert ses pesantes grilles de fer et qu'allait se déverser ,dans notre compartiment, une horde de créatures grimaçantes et vociférantes , presque aussi terrifiantes que les volatiles préhistoriques aux mandibules démesurées que j'avais découverts au fil de mes recherches sur l'ère tertiaire .

Un silence mortel s'ensuivit. La sueur commençait à perler sur mon front. Les trois notes en prélude d'une annonce du chef de bord déchirèrent l'atmosphère oppressante qui régnait dans le wagon. Il fut conseillé aux passagers de bien vouloir patienter, le temps que le conducteur ( oui , le conducteur ) descende sur la voie pour déterminer la cause de l'incident. Il faisait nuit noire, et nous étions au milieu de nulle part. Rien de bien rassurant, d'autant que s'il arrivait malheur à notre précieux agent , nous serions bien en peine de reprendre notre chemin ...

Deux heures s'écoulèrent avant que la cause de l'arrêt ne fut identifiée. Deux heures interminables durant lesquelles les conjectures les plus folles allaient bon train. Il faut dire que nous trouvions le temps bien long, et que, pour couronner le tout, le wagon-restaurant était à court de ravitaillement . L'on trompait l'ennui en plaisantant et en liant d'éphémères connaissances avec nos voisins du moment . Les trois notes résonnèrent à nouveau  dans l'habitacle, ce qui nous figea dans un silence sépulcral .

"Ladies and gentlemen..." De gros éclats de rire se propagèrent dans le wagon à l'annonce du diagnostic. Le choc violent avait eu pour origine un sus crofa . Autrement dit :UN SANGLIER! Et moi qui croyais que ce mammifère ne prospérait que sur mon île natale . J'avais oublié qu'Obélix , qui en faisait son plat de prédilection, n'était pas corse , mais breton ... Notre hilarité prit fin quand nous apprîmes que le télescopage avait causé de tels  dommages qu'une reprise du trajet n'était guère envisageable. Il nous fallait maintenant attendre un train de remorquage !

Le mot fatal venait d'être prononcé: REMORQUAGE ! Dans ma tête , toute l'horreur de ma claustration souterraine du mois de décembre 2009 refit surface ! Car il m'avait fallu attendre toute une nuit, prostrée , déshydratée , plongée dans la quasi-obscurité , harassée par le déclenchement intempestif des alarmes , les crises de panique de passagers phobiques , sans parler des rires convulsifs des angoissés chroniques .

 Et je me dis que, par Toutatis , jamais plus je ne confierai mon destin à Eurostar, que je préférerai désormais avoir la tête dans les nuages et me fier à ma bonne étoile dans une carlingue dans les airs plutôt que de tenter le diable une fois encore sur le ballast . Car , au pire , je périrai en m'envoyant en l'air au lieu d'être piégée sur (ou sous) terre...

jeudi 8 janvier 2015

Ce soir, la France est en pleurs, et le monde est frappé d'horreur. Celle qui porte l'étendard de la liberté vient de voir son drapeau ensanglanté par la barbarie de hors-la-loi qui prétendent honorer leur foi en ne répandant que de l'effroi.

Fallait-il qu'ils aient si peu de cœur et autant de rancœur, ces hérétiques à l'âme noire, pour souhaiter malheur à nos Croisés légendaires, dont la seule arme était leur plume, et leur credo une irrépressible envie de nous divertir?

C'est l'enfer qui s'est ouvert aux pieds de ces guerriers de l'Apocalypse, et non le paradis! Aucun Dieu ne tolère que l'on sacrifie des vies, car aucun Dieu ne punit !

Nos chevaliers sans peur l'ont toujours su, eux qui ont maintenant rejoint un pays inconnu. Ils doivent faire le délice des Immortels, en sortant de leur boîte à malice des dessins inédits .

 Et on les remercie d'avoir, ces dernières décennies, osé braver les interdits et défier les mauvais esprits. On les envie aussi , ces clowns célestes, de faire sourire les anges et d'avoir fui notre monde en proie à la furie . Car, c'est bien triste à dire,  Il n'y a pas qu'au royaume du Danemark que quelque chose est pourri ...

mardi 30 décembre 2014




En ces périodes de fêtes hivernales dévolues, plus que toutes autres , aux  retrouvailles familiales , je me promis , une fois n'est pas coutume , de faire une bonne action et de prendre de fermes résolutions dans le domaine de la communication pour entrer dans les bonnes grâces de mes divins parents .

Étant une fervente prosélyte des nouveaux outils numériques, je m'étais souvent entendu reprocher mon manque d'implication dans tout ce qui touche à l'art de la conversation . Il est vrai qu'à force de glisser mes doigts fébriles sur des écrans tactiles , j'en oubliais même le boire et le manger , et ma langue commençait sérieusement à se scléroser du fait d'être si peu utilisée . 

Des detox , j'en avais déjà fait par le passé. Les défis , j'adore me les lancer . Il me plait de prendre des décisions brutales , trancher les nœuds gordiens , partir la baïonnette au point . Ainsi quand il fallut m'astreindre à restreindre mes inclinations congénitales pour les nourritures caloriquement fatales , je ne rechignai point . Cela devint le souverain bien que je devais sans plus attendre atteindre .

J'avais donc suivi le régime prescrit par mon nutritionniste et avais consommé des pommes sans modération , matin , midi et soir , jusqu'à n'en plus pouvoir . Je saisis , au bout de trois jours, toute la portée symbolique de ce fruit biblique . Car il m'expulsa , comme Eve, du paradis ( gustatif ) et m'infligea les pires tourments gastriques et bien des désagréments dyspeptiques . 

J'aurais dû en prendre de la graine et me méfier de mes entreprises trop téméraires . Mais étant butée de nature , je ne doutai aucunement que mon projet de detox digitale ne soit couronné de succès et rangeai donc au placard portables et tablettes susceptibles de faire obstacle à l'accomplissement d'un dessein aussi élevé . 

Une âme charitable , connaissant ma fibre de geek avérée  , m'avait mise en garde contre le démon de l'hyperconnectivité  . Dans un élan de générosité , elle m'avait conseillé de pratiquer la psychologie positive et , par prudence , d'adjoindre à ma cure quelques séances de sophrologie  . Je lui avais ri au nez ! Pour qui me prenait-elle donc ? À croire que je n'allais pas tenir mes engagements ! 

Quels délices furent les miens quand , à la première aurore de ma detox,  je me reveillai au chant du coq ( façon de parler ) et non à l'alarme programmée de mon smartphone ! Quel soulagement de ne pas devoir consulter ma messagerie 2.0 , retweeter  les  catastrophes synthétisées  par l'oiseau bleu (de si mauvais augure ), me réjouir des compliments de mes prétendants Tinderisés , commenter les statuts de mes amis facebookisés et liker les selfies de ceux instagrammisés ! 

Le mot de liberté prit d'emblée tout son sens  . Les chaînes de l'asservissement venaient de tomber . De vassal , j'étais devenue suzerain et prête à explorer les fiefs de ma créativité. J'entrai dans une nouvelle temporalité , non pas celle dictée par les alertes , les bannières , les sons inopinés en provenance des divers écrans de mon empire technologique , mais celle de l' "otium" tant vanté par les Sages de l'antiquité , ce temps béni où, dégagés des contingences matérielles ,  l'on médite fructueusement sur notre vie . 

J'en profitai pour relire Shakespeare . Je retrouvai la compagnie d'Hamlet , Macbeth et King Lear que j'avais injustement abandonnés depuis mes années d'université  . Alors commencèrent à émerger en moi des angoisses diffuses . Les doutes m'assaillirent . J'en perdis le boire et le manger . To eat or not to eat , that is the question ! C'est la question que se posèrent mes parents décontenancés , dépités de ne me voir toucher à aucun de leurs  mets raffinés .

Mes doigts commencèrent à pâtir de leur inactivité . J'eus soudain peur qu'ils ne perdent de leur agilité. Mon cerveau aussi commença à se dégénérer .  Un étrange symptôme , que les spécialistes ont baptisé le PPAC ( acronyme de "peur de passer à côté ") ne tarda pas à se manifester . J'eus le sentiment que la terre s'était brusquement arrêtée de tourner , moi  qui m'étais exclue de la communauté des ultraconnectés . 

L'envie me prit de confier mon désarroi à mon amie avisée , mais pour cela il me fallait me réapproprier le pharmakon ( oui , j'avoue , il m'arrive d'être cuistre ) que j'avais éloigné volontairement de ma portée . To phone or not to phone , that is the question . 

Sans hésiter , je la tranchai , cette question maudite . Je me saisis de l'objet du délit , l'allumai avec précipitation , fus la proie de palpitations cardiaques tellement intenses que je craignis devoir subir une défibrillation  . Une pomme à demi croquée apparut sur l'écran , qui me rappela des souvenirs déplaisants de digestion difficile . Je tempêtai contre la lenteur d'affichage de ma page d'accueil , avec , en médaillon , l'élu de mon cœur . ( Je ne vous dirai pas son nom, pour ne pas nuire à sa réputation ).


Quand, finalement , la lumière fut , mes questions existentielles se dissipèrent instantanément . Un sourire béat illumina mon visage. De douces sonorités tintèrent à mes oreilles . Des notifications à profusion , des SMS  , des emails, des  messages vocaux agitèrent mon portable de spasmes  ininterrompus que ma main eut du mal à contenir. J'en oubliai de joindre mon amie . Je tressaillis de bonheur ! J'avais retrouvé le goût à la vie! Mon appétit revint , ce qui rasséréna mes parents , qui se perdaient en conjectures sur l'origine de mon chagrin. Une chose est sûre , pour 2015, ma résolution est prise ! Je ne prendrai plus AUCUNE résolution ...

jeudi 18 décembre 2014



Ah, ces hommes! Ils me feront toujours sourire, eux et leurs tentatives de me séduire. Il est vrai qu'ils sont mieux armés pour faire la guerre, avec leurs bataillons et leurs stocks de munitions.Car  quand il s'agit de croiser le fer avec moi, les voilà bien "marris ", comme aurait dit Montaigne, et non pas " maris ". Loin de moi l'idée de les unir à ma destinée. Une fois m'aura suffi ...

Ce que je déplore , c'est l'indigence de leur lexique quand il s'agit de nous aborder nous, le beau sexe ! Plus ils ont de richesses matérielles, moins ils en ont de spirituelles. Leur humour semble s'être tari. Au lieu de mûrir et d'affûter leur esprit , ces messieurs s'atrophient et le laissent en friche, de sorte que l'ennui nous assaillit assez vite et que, pour lutter contre une telle accumulation de poncifs , il ne nous reste qu'à vider d'un trait la coupe de Ruinart que l'on a eu la bonne idée de commander.

Ravissante , jolie , charmante , mais encore ? Brodez , brodez!   s'exclame la Roxane de Rostand qui s'éveille en moi . Quels beaux yeux , quelle belle bouche , quels beaux pieds même ! (On reconnaît  les fétichistes à la façon dont ils  fixent avec insistance nos talons. ) Peine perdue ! Nos prétendants nous offrent du brouet alors que nous espérions  des crèmes. Ils sont de piètres cuisiniers , il est vrai , et les mises en bouche qu'ils nous servent sont soit trop fades soit trop épicées. Mais elles ne sont rien , comparées au plat de résistance ! C'est là qu'ils dévoilent  tout leur art...

Devinez la question qu'ils n'ont pas osé poser, mais qu'ils nous lancent comme un projectile via leur mobile,en catimini sous la table,  pour dissiper leur inquiétude ? " Es-tu  coquine ?". Pas au sens  de malicieuse évidemment , mais de licencieuse . Car certains ne cachent pas leur prédilection pour les ébats d'un type bien particulier dans des clubs d'un genre tout aussi particulier . Que voulez-vous ! Ils ont l'esprit tellement large qu'ils ne voient aucun mal à partager leur compagne . Et puis, comme dit  le dicton :  plus on est de fous , plus on rit !

Très drôle , en effet ! Moi, dans ces cas-là, je n'attends pas le dessert. Je les fixe langoureusement de mes si beaux yeux, je laisse se dessiner un  sourire coquin sur ma si belle bouche, et je tourne les talons sans même leur donner le temps de contempler mes jolis pieds. Et je les plains, ces pauvres hommes , qui ne connaissent ni l'art d'aimer d'Ovide , ni les élégies de Catulle, ni les poèmes de Ronsard ni les sonnets de Shakespeare, Je me dis aussi que, même si bas bleu rime  avec fleur bleue, j'en préfère la couleur à toute la grisaille des petits matins , quand ils sortent de leur club libertin , désenivrés et vidés de leurs envies , après avoir vainement essayé de  tromper l'ennui de leur vie...

dimanche 7 décembre 2014


J'ai testé pour vous Tinder . Pour celles qui ne connaissent pas , c'est l'appli mobile qui fait des étincelles dans le cœur des petites et des grandes de 7 à 77 ans. Finis  les sites de rencontre "has been" qui vous obligeaient  à remplir des questionnaires bidon pour dénicher les plus beaux étalons de la Création.  Les souris, c'est connu, font fuir les équidés. Surtout quand on clique trop dessus.

Désormais Tinder , qu'il ne faut pas confondre avec Kinder ( le chocolat ), nous réserve des surprises à gogo . Avec son logo en forme de flamme, ce nouveau réseau social met le feu aux poudres en nous proposant de "liker"ou non des brochettes de mâles alpha, mais surtout gros bêta, qui étalent leurs appâts sur des selfies artistiques ou artisanaux supposés déchaîner notre libido. J'ai bien dit "supposés". Car, pour ma part , la magie n'a guère opéré . En cliquant sur un coeur (pour signifier notre émoi) ou une croix ( pour manifester notre effroi), on voit défiler sur notre écran les clichés de  potentiels prétendants , vus de profil ou de face, en plongée ou contre-plongée.

 Statistiquement parlant , on note une forte proportion de bipèdes a la silhouette tronquée (volontairement  décapités en l'occurrence ) , sans doute pour nous inciter à nous focaliser exclusivement sur leurs abdomens musclés ( les fameuses tablettes de chocolat , mais pas celles de Kinder , hélas) . Les hommes troncs, ça n'a jamais fait fantasmer personne, sauf, peut-être, les amateurs de freak shows ( foires aux monstres ), mais ça,  c'était  il y a fort longtemps. 

En deuxième position se trouvent les fêtards  levant un verre à moitié rempli d'un breuvage aisément identifiable. Passe encore s'il s'agissait d'un élixir d'amour. Mais à voir la face hilare et le regard goguenard de ceux qui le brandissent, on se prend à douter des vertus aphrodisiaques de ce nectar nocturne. En tout cas , je dois avouer que le spectacle de telles libations ne m'a pas laissée tout feu tout flamme .

Une catégorie non négligeable de matamores au volant de décapotables ( probablement louées à la journée) a ensuite retenu mon attention. Bien mal leur en a pris. J'ai plus admiré la carrosserie du bolide dont ils faisaient la réclame que l'air fat qui émanait de leur visage. J'allais oublier les bikers , les rockeurs, les rappeurs , les dompteurs de tigres ( enfin, de bébés  tigres ), les amateurs de sport extrême ( skydiving, flyboarding, base jumping, kitesurfing ), les fumeurs de marijuana , les surfeurs etc. 

Mais c'est surtout les bluffeurs dont il faut à tout prix se méfier. Pour s'assurer qu'on va les remarquer et les liker, ils n'hésitent pas à uploader les clichés de golden boys surdiplômés qui exercent leurs talents en salle de marchés. Mauvais calcul! Il faut peu de temps pour découvrir leur supercherie. Au premier échange, les imposteurs sont démasqués. On découvre bien vite que l'arithmétique n'est pas leur fort et que l'orthographe n'est pas leur tasse de thé . 

Parlons-en, des échanges. Ils ne sont guère variés. Peu de gentlemen, en règle générale, et bien trop de queutards ! Que voulez-vous ! Le Viagra fait beaucoup de ravages. Au lieu de nous inviter à prendre un verre pour discuter, ces messieurs nous parlent directement de préliminaires et d'oreillers . Bref, avec Tinder comme avec Kinder, on n'est pas au bout de nos surprises . Reste que, contrairement au chocolat, l'appli nous laisse un goût des plus amers...

vendredi 28 novembre 2014

L'automobile, c'est mon dada. Il me suffit de voir la carrosserie coruscante d'un bolide supersonique avec ses 500 chevaux sous le capot pour que j'enfourche Pégase et que je déclame illico ma flamme à son occupant. Sans doute parce que, en chantre inconditionnel de la conquête spatiale, je perçois les vrombissements assourdissants et les accélérations sidérantes comme un avant-goût des vols suborbitaux que bientôt le touriste de l'espace sera en mesure d'effectuer .

Mais mon attraction pour les astres n'explique pas tout. Il y a autre chose qui fait que je préfère me blottir dans l'habitacle d'une Aston Martin plutôt que dans celui d'une Austin Mini. Se lover au creux de leurs sièges gainés de cuir, c'est régresser au stade utérin et retrouver la sensation perdue du ventre maternel qui nous a portés jusqu'à notre expulsion. C'est aussi lâcher prise, mettre un frein à notre incoercible besoin de nous agiter en tout sens, et accepter d'abandonner notre corps immobile aux vibrations sensuelles de la mécanique .

Mais avant d'atteindre le septième ciel et de pouvoir nous propulser sur les rubans d'asphalte à une vitesse euphorisante, il nous faut remplir une condition sine qua non. Faire les yeux doux au destin et prier tous les saints pour obtenir le passeport sans lequel nos désirs d'évasion demeureront à jamais à l'état de frustration: le permis de conduire! Oui! Ce bout de carton rose bonbon! Que de génuflexions et de compromissions serions-nous prêts à faire pour nous le procurer, lui qui nous donne le feu vert pour sillonner les routes de notre vaste terre, et réaliser, qui sait, peut-être un jour, des rallyes dans le désert!

Mais le chemin pour obtenir ce billet doux n'est guère pavé de roses. Il s'apparente plus à un parcours du combattant qu'à une promenade de santé. D'abord choisir l'auto-école appropriée, de préférence située à quelques enjambées de votre maisonnée. Proscrire à tout prix celles qui vous obligent à trop marcher à pied. Les tendons d'Achille doivent être préservés pour être à même d'actionner avec agilité le pédalier, certes pour accélérer,  mais aussi, sécurité oblige,  freiner avec tonicité .

Le poignet droit nécessite, par ailleurs, d'être choyé au même titre que vos pieds. Car il est aux commandes du boîtier sans lequel le passage des vitesses ne pourrait être opéré. Il est impératif de manipuler ce dernier avec dextérité, et surtout , de ne pas le brusquer . Il est très rancunier, ce boîtier , et n'hésite pas à vous faire caler en pleine montée si vous étiez coupable de la moindre inhabileté. Démarrer en côte, ce n'est pas très aisé, surtout quand on n'est pas très expérimenté. On ne manque jamais de se faire remarquer...

Faire des pieds et des mains pour avoir son permis, cela ne suffit pas. Il faut avoir bon pied, mais surtout bon œil. Pas tant pour zieuter le visage des autres conducteurs susceptibles de faire battre votre cœur ( quand le vôtre n'est pas encore pris ), mais pour le fixer sur les  rétroviseurs sans oublier le fatal angle mort, si mal nommé, car sans lui, il y a belle lurette que nous ne serions plus en vie .

Mais j'oublie le principal. Sans doute parce qu'il me fut fatal. Que voulez-vous! L'inspectrice, lèvres pincées et sourire en coin, m'ordonna de prendre la direction d'une charmante localité au moment où je m'extirpais péniblement de l'anneau d'un carrefour giratoire à branches multiples, suivie de près par un poids lourd aux dimensions épiques... La sueur perlait à mon front car, dans ma précipitation, je ne pus repérer la destination voulue assez rapidement. Et, bien évidemment, quand j'y parvins enfin, j'oubliai d'enclencher le CLIGNOTANT!!!!

Vous imaginez la suite : AJOURNÉE ! Adieu veaux, vaches, cochons! Je vis filer à vive allure  l'Aston Martin de mes rêves, et même l'Austin mini, trop contente de me faire la nique , moi qui  ne lui avais témoigné que du mépris. Depuis cette mésaventure, je tiens en respect tout véhicule à quatre roues, du moins sophistiqué au plus raffiné. Et, le croirez-vous, je suis passée maître en la signalisation des changements de direction. Ainsi, si vous croisez, par le plus grand des hasards, un véhicule usant et abusant des feux de détresse, vous devinerez sans hésitation qui se trouve au volant. Au moins, on ne pourra plus me reprocher d'avoir oublié le clignotant...

vendredi 21 novembre 2014




La vie, on la reçoit sans l'avoir demandée. Un jour, on naît, sans l'avoir décidé. Et on est bien obligé de faire avec. On ne se pose pas trop de questions. Pas encore du moins. C'est en grandissant qu'on se dit que c'est pas si simple que ça, de vivre. Que tout le monde n'a pas les mêmes chances au départ. Que pour rester en vie, il va falloir la gagner, cette vie. Un peu comme à la loterie .

On essaie alors de décrocher le gros lot, le super boulot qui va nous propulser un peu plus haut que les autres. Et quand on l'a, on se rend compte qu'on est tous au même niveau. Que la vie n'est pas si rose que ça. Qu'il y a plus souvent des matins gris où l'on préfère rester au lit que de se lancer des défis pour se prouver qu'on est bien en vie .

On choisit ensuite de la partager, notre vie. Mieux vaut affronter l'inconnu à deux plutôt que de monter seul au créneau. Car on en a engagé, des batailles. Et ce n'est pas fini. Notre instinct de survie est bien là, qui nous colle à la peau. Alors, on s'y accroche, à cette putain de vie. Car certains l'ont perdue sans même l'avoir voulu. Un accident, une maladie, et ils ont disparu. On sait seulement qu'on ne les reverra plus.

On comprend alors qu' il faut tenir bon. Surtout si on on a soi-même donné la vie. On ne peut plus faillir. On se sent désormais investi d'une mission, celle de la transmission. On a certes perdu nos illusions, mais on fait tout pour masquer notre amertume et oublier nos unions d'infortune .

C'est à ce moment qu'on lui découvre un sens, à la vie. On s'en veut de ne pas l'avoir découvert plus tôt, occupé qu'on était à courir après le bonheur et les honneurs. On se dit que puisqu'elle  ne tient qu'à un fil, il faut tout faire pour qu'il nous relie à ceux que l'on chérit. Et on se met enfin à lui sourire, et à lui pardonner de nous avoir parfois tant fait souffrir . Car, quoi qu'on dise, au bout du compte, on n'en aura  jamais qu'une seule, de vie.