Pages

Nombre total de pages vues

mardi 30 décembre 2014




En ces périodes de fêtes hivernales dévolues, plus que toutes autres , aux  retrouvailles familiales , je me promis , une fois n'est pas coutume , de faire une bonne action et de prendre de fermes résolutions dans le domaine de la communication pour entrer dans les bonnes grâces de mes divins parents .

Étant une fervente prosélyte des nouveaux outils numériques, je m'étais souvent entendu reprocher mon manque d'implication dans tout ce qui touche à l'art de la conversation . Il est vrai qu'à force de glisser mes doigts fébriles sur des écrans tactiles , j'en oubliais même le boire et le manger , et ma langue commençait sérieusement à se scléroser du fait d'être si peu utilisée . 

Des detox , j'en avais déjà fait par le passé. Les défis , j'adore me les lancer . Il me plait de prendre des décisions brutales , trancher les nœuds gordiens , partir la baïonnette au point . Ainsi quand il fallut m'astreindre à restreindre mes inclinations congénitales pour les nourritures caloriquement fatales , je ne rechignai point . Cela devint le souverain bien que je devais sans plus attendre atteindre .

J'avais donc suivi le régime prescrit par mon nutritionniste et avais consommé des pommes sans modération , matin , midi et soir , jusqu'à n'en plus pouvoir . Je saisis , au bout de trois jours, toute la portée symbolique de ce fruit biblique . Car il m'expulsa , comme Eve, du paradis ( gustatif ) et m'infligea les pires tourments gastriques et bien des désagréments dyspeptiques . 

J'aurais dû en prendre de la graine et me méfier de mes entreprises trop téméraires . Mais étant butée de nature , je ne doutai aucunement que mon projet de detox digitale ne soit couronné de succès et rangeai donc au placard portables et tablettes susceptibles de faire obstacle à l'accomplissement d'un dessein aussi élevé . 

Une âme charitable , connaissant ma fibre de geek avérée  , m'avait mise en garde contre le démon de l'hyperconnectivité  . Dans un élan de générosité , elle m'avait conseillé de pratiquer la psychologie positive et , par prudence , d'adjoindre à ma cure quelques séances de sophrologie  . Je lui avais ri au nez ! Pour qui me prenait-elle donc ? À croire que je n'allais pas tenir mes engagements ! 

Quels délices furent les miens quand , à la première aurore de ma detox,  je me reveillai au chant du coq ( façon de parler ) et non à l'alarme programmée de mon smartphone ! Quel soulagement de ne pas devoir consulter ma messagerie 2.0 , retweeter  les  catastrophes synthétisées  par l'oiseau bleu (de si mauvais augure ), me réjouir des compliments de mes prétendants Tinderisés , commenter les statuts de mes amis facebookisés et liker les selfies de ceux instagrammisés ! 

Le mot de liberté prit d'emblée tout son sens  . Les chaînes de l'asservissement venaient de tomber . De vassal , j'étais devenue suzerain et prête à explorer les fiefs de ma créativité. J'entrai dans une nouvelle temporalité , non pas celle dictée par les alertes , les bannières , les sons inopinés en provenance des divers écrans de mon empire technologique , mais celle de l' "otium" tant vanté par les Sages de l'antiquité , ce temps béni où, dégagés des contingences matérielles ,  l'on médite fructueusement sur notre vie . 

J'en profitai pour relire Shakespeare . Je retrouvai la compagnie d'Hamlet , Macbeth et King Lear que j'avais injustement abandonnés depuis mes années d'université  . Alors commencèrent à émerger en moi des angoisses diffuses . Les doutes m'assaillirent . J'en perdis le boire et le manger . To eat or not to eat , that is the question ! C'est la question que se posèrent mes parents décontenancés , dépités de ne me voir toucher à aucun de leurs  mets raffinés .

Mes doigts commencèrent à pâtir de leur inactivité . J'eus soudain peur qu'ils ne perdent de leur agilité. Mon cerveau aussi commença à se dégénérer .  Un étrange symptôme , que les spécialistes ont baptisé le PPAC ( acronyme de "peur de passer à côté ") ne tarda pas à se manifester . J'eus le sentiment que la terre s'était brusquement arrêtée de tourner , moi  qui m'étais exclue de la communauté des ultraconnectés . 

L'envie me prit de confier mon désarroi à mon amie avisée , mais pour cela il me fallait me réapproprier le pharmakon ( oui , j'avoue , il m'arrive d'être cuistre ) que j'avais éloigné volontairement de ma portée . To phone or not to phone , that is the question . 

Sans hésiter , je la tranchai , cette question maudite . Je me saisis de l'objet du délit , l'allumai avec précipitation , fus la proie de palpitations cardiaques tellement intenses que je craignis devoir subir une défibrillation  . Une pomme à demi croquée apparut sur l'écran , qui me rappela des souvenirs déplaisants de digestion difficile . Je tempêtai contre la lenteur d'affichage de ma page d'accueil , avec , en médaillon , l'élu de mon cœur . ( Je ne vous dirai pas son nom, pour ne pas nuire à sa réputation ).


Quand, finalement , la lumière fut , mes questions existentielles se dissipèrent instantanément . Un sourire béat illumina mon visage. De douces sonorités tintèrent à mes oreilles . Des notifications à profusion , des SMS  , des emails, des  messages vocaux agitèrent mon portable de spasmes  ininterrompus que ma main eut du mal à contenir. J'en oubliai de joindre mon amie . Je tressaillis de bonheur ! J'avais retrouvé le goût à la vie! Mon appétit revint , ce qui rasséréna mes parents , qui se perdaient en conjectures sur l'origine de mon chagrin. Une chose est sûre , pour 2015, ma résolution est prise ! Je ne prendrai plus AUCUNE résolution ...

jeudi 18 décembre 2014



Ah, ces hommes! Ils me feront toujours sourire, eux et leurs tentatives de me séduire. Il est vrai qu'ils sont mieux armés pour faire la guerre, avec leurs bataillons et leurs stocks de munitions.Car  quand il s'agit de croiser le fer avec moi, les voilà bien "marris ", comme aurait dit Montaigne, et non pas " maris ". Loin de moi l'idée de les unir à ma destinée. Une fois m'aura suffi ...

Ce que je déplore , c'est l'indigence de leur lexique quand il s'agit de nous aborder nous, le beau sexe ! Plus ils ont de richesses matérielles, moins ils en ont de spirituelles. Leur humour semble s'être tari. Au lieu de mûrir et d'affûter leur esprit , ces messieurs s'atrophient et le laissent en friche, de sorte que l'ennui nous assaillit assez vite et que, pour lutter contre une telle accumulation de poncifs , il ne nous reste qu'à vider d'un trait la coupe de Ruinart que l'on a eu la bonne idée de commander.

Ravissante , jolie , charmante , mais encore ? Brodez , brodez!   s'exclame la Roxane de Rostand qui s'éveille en moi . Quels beaux yeux , quelle belle bouche , quels beaux pieds même ! (On reconnaît  les fétichistes à la façon dont ils  fixent avec insistance nos talons. ) Peine perdue ! Nos prétendants nous offrent du brouet alors que nous espérions  des crèmes. Ils sont de piètres cuisiniers , il est vrai , et les mises en bouche qu'ils nous servent sont soit trop fades soit trop épicées. Mais elles ne sont rien , comparées au plat de résistance ! C'est là qu'ils dévoilent  tout leur art...

Devinez la question qu'ils n'ont pas osé poser, mais qu'ils nous lancent comme un projectile via leur mobile,en catimini sous la table,  pour dissiper leur inquiétude ? " Es-tu  coquine ?". Pas au sens  de malicieuse évidemment , mais de licencieuse . Car certains ne cachent pas leur prédilection pour les ébats d'un type bien particulier dans des clubs d'un genre tout aussi particulier . Que voulez-vous ! Ils ont l'esprit tellement large qu'ils ne voient aucun mal à partager leur compagne . Et puis, comme dit  le dicton :  plus on est de fous , plus on rit !

Très drôle , en effet ! Moi, dans ces cas-là, je n'attends pas le dessert. Je les fixe langoureusement de mes si beaux yeux, je laisse se dessiner un  sourire coquin sur ma si belle bouche, et je tourne les talons sans même leur donner le temps de contempler mes jolis pieds. Et je les plains, ces pauvres hommes , qui ne connaissent ni l'art d'aimer d'Ovide , ni les élégies de Catulle, ni les poèmes de Ronsard ni les sonnets de Shakespeare, Je me dis aussi que, même si bas bleu rime  avec fleur bleue, j'en préfère la couleur à toute la grisaille des petits matins , quand ils sortent de leur club libertin , désenivrés et vidés de leurs envies , après avoir vainement essayé de  tromper l'ennui de leur vie...

dimanche 7 décembre 2014


J'ai testé pour vous Tinder . Pour celles qui ne connaissent pas , c'est l'appli mobile qui fait des étincelles dans le cœur des petites et des grandes de 7 à 77 ans. Finis  les sites de rencontre "has been" qui vous obligeaient  à remplir des questionnaires bidon pour dénicher les plus beaux étalons de la Création.  Les souris, c'est connu, font fuir les équidés. Surtout quand on clique trop dessus.

Désormais Tinder , qu'il ne faut pas confondre avec Kinder ( le chocolat ), nous réserve des surprises à gogo . Avec son logo en forme de flamme, ce nouveau réseau social met le feu aux poudres en nous proposant de "liker"ou non des brochettes de mâles alpha, mais surtout gros bêta, qui étalent leurs appâts sur des selfies artistiques ou artisanaux supposés déchaîner notre libido. J'ai bien dit "supposés". Car, pour ma part , la magie n'a guère opéré . En cliquant sur un coeur (pour signifier notre émoi) ou une croix ( pour manifester notre effroi), on voit défiler sur notre écran les clichés de  potentiels prétendants , vus de profil ou de face, en plongée ou contre-plongée.

 Statistiquement parlant , on note une forte proportion de bipèdes a la silhouette tronquée (volontairement  décapités en l'occurrence ) , sans doute pour nous inciter à nous focaliser exclusivement sur leurs abdomens musclés ( les fameuses tablettes de chocolat , mais pas celles de Kinder , hélas) . Les hommes troncs, ça n'a jamais fait fantasmer personne, sauf, peut-être, les amateurs de freak shows ( foires aux monstres ), mais ça,  c'était  il y a fort longtemps. 

En deuxième position se trouvent les fêtards  levant un verre à moitié rempli d'un breuvage aisément identifiable. Passe encore s'il s'agissait d'un élixir d'amour. Mais à voir la face hilare et le regard goguenard de ceux qui le brandissent, on se prend à douter des vertus aphrodisiaques de ce nectar nocturne. En tout cas , je dois avouer que le spectacle de telles libations ne m'a pas laissée tout feu tout flamme .

Une catégorie non négligeable de matamores au volant de décapotables ( probablement louées à la journée) a ensuite retenu mon attention. Bien mal leur en a pris. J'ai plus admiré la carrosserie du bolide dont ils faisaient la réclame que l'air fat qui émanait de leur visage. J'allais oublier les bikers , les rockeurs, les rappeurs , les dompteurs de tigres ( enfin, de bébés  tigres ), les amateurs de sport extrême ( skydiving, flyboarding, base jumping, kitesurfing ), les fumeurs de marijuana , les surfeurs etc. 

Mais c'est surtout les bluffeurs dont il faut à tout prix se méfier. Pour s'assurer qu'on va les remarquer et les liker, ils n'hésitent pas à uploader les clichés de golden boys surdiplômés qui exercent leurs talents en salle de marchés. Mauvais calcul! Il faut peu de temps pour découvrir leur supercherie. Au premier échange, les imposteurs sont démasqués. On découvre bien vite que l'arithmétique n'est pas leur fort et que l'orthographe n'est pas leur tasse de thé . 

Parlons-en, des échanges. Ils ne sont guère variés. Peu de gentlemen, en règle générale, et bien trop de queutards ! Que voulez-vous ! Le Viagra fait beaucoup de ravages. Au lieu de nous inviter à prendre un verre pour discuter, ces messieurs nous parlent directement de préliminaires et d'oreillers . Bref, avec Tinder comme avec Kinder, on n'est pas au bout de nos surprises . Reste que, contrairement au chocolat, l'appli nous laisse un goût des plus amers...

vendredi 28 novembre 2014

L'automobile, c'est mon dada. Il me suffit de voir la carrosserie coruscante d'un bolide supersonique avec ses 500 chevaux sous le capot pour que j'enfourche Pégase et que je déclame illico ma flamme à son occupant. Sans doute parce que, en chantre inconditionnel de la conquête spatiale, je perçois les vrombissements assourdissants et les accélérations sidérantes comme un avant-goût des vols suborbitaux que bientôt le touriste de l'espace sera en mesure d'effectuer .

Mais mon attraction pour les astres n'explique pas tout. Il y a autre chose qui fait que je préfère me blottir dans l'habitacle d'une Aston Martin plutôt que dans celui d'une Austin Mini. Se lover au creux de leurs sièges gainés de cuir, c'est régresser au stade utérin et retrouver la sensation perdue du ventre maternel qui nous a portés jusqu'à notre expulsion. C'est aussi lâcher prise, mettre un frein à notre incoercible besoin de nous agiter en tout sens, et accepter d'abandonner notre corps immobile aux vibrations sensuelles de la mécanique .

Mais avant d'atteindre le septième ciel et de pouvoir nous propulser sur les rubans d'asphalte à une vitesse euphorisante, il nous faut remplir une condition sine qua non. Faire les yeux doux au destin et prier tous les saints pour obtenir le passeport sans lequel nos désirs d'évasion demeureront à jamais à l'état de frustration: le permis de conduire! Oui! Ce bout de carton rose bonbon! Que de génuflexions et de compromissions serions-nous prêts à faire pour nous le procurer, lui qui nous donne le feu vert pour sillonner les routes de notre vaste terre, et réaliser, qui sait, peut-être un jour, des rallyes dans le désert!

Mais le chemin pour obtenir ce billet doux n'est guère pavé de roses. Il s'apparente plus à un parcours du combattant qu'à une promenade de santé. D'abord choisir l'auto-école appropriée, de préférence située à quelques enjambées de votre maisonnée. Proscrire à tout prix celles qui vous obligent à trop marcher à pied. Les tendons d'Achille doivent être préservés pour être à même d'actionner avec agilité le pédalier, certes pour accélérer,  mais aussi, sécurité oblige,  freiner avec tonicité .

Le poignet droit nécessite, par ailleurs, d'être choyé au même titre que vos pieds. Car il est aux commandes du boîtier sans lequel le passage des vitesses ne pourrait être opéré. Il est impératif de manipuler ce dernier avec dextérité, et surtout , de ne pas le brusquer . Il est très rancunier, ce boîtier , et n'hésite pas à vous faire caler en pleine montée si vous étiez coupable de la moindre inhabileté. Démarrer en côte, ce n'est pas très aisé, surtout quand on n'est pas très expérimenté. On ne manque jamais de se faire remarquer...

Faire des pieds et des mains pour avoir son permis, cela ne suffit pas. Il faut avoir bon pied, mais surtout bon œil. Pas tant pour zieuter le visage des autres conducteurs susceptibles de faire battre votre cœur ( quand le vôtre n'est pas encore pris ), mais pour le fixer sur les  rétroviseurs sans oublier le fatal angle mort, si mal nommé, car sans lui, il y a belle lurette que nous ne serions plus en vie .

Mais j'oublie le principal. Sans doute parce qu'il me fut fatal. Que voulez-vous! L'inspectrice, lèvres pincées et sourire en coin, m'ordonna de prendre la direction d'une charmante localité au moment où je m'extirpais péniblement de l'anneau d'un carrefour giratoire à branches multiples, suivie de près par un poids lourd aux dimensions épiques... La sueur perlait à mon front car, dans ma précipitation, je ne pus repérer la destination voulue assez rapidement. Et, bien évidemment, quand j'y parvins enfin, j'oubliai d'enclencher le CLIGNOTANT!!!!

Vous imaginez la suite : AJOURNÉE ! Adieu veaux, vaches, cochons! Je vis filer à vive allure  l'Aston Martin de mes rêves, et même l'Austin mini, trop contente de me faire la nique , moi qui  ne lui avais témoigné que du mépris. Depuis cette mésaventure, je tiens en respect tout véhicule à quatre roues, du moins sophistiqué au plus raffiné. Et, le croirez-vous, je suis passée maître en la signalisation des changements de direction. Ainsi, si vous croisez, par le plus grand des hasards, un véhicule usant et abusant des feux de détresse, vous devinerez sans hésitation qui se trouve au volant. Au moins, on ne pourra plus me reprocher d'avoir oublié le clignotant...

vendredi 21 novembre 2014




La vie, on la reçoit sans l'avoir demandée. Un jour, on naît, sans l'avoir décidé. Et on est bien obligé de faire avec. On ne se pose pas trop de questions. Pas encore du moins. C'est en grandissant qu'on se dit que c'est pas si simple que ça, de vivre. Que tout le monde n'a pas les mêmes chances au départ. Que pour rester en vie, il va falloir la gagner, cette vie. Un peu comme à la loterie .

On essaie alors de décrocher le gros lot, le super boulot qui va nous propulser un peu plus haut que les autres. Et quand on l'a, on se rend compte qu'on est tous au même niveau. Que la vie n'est pas si rose que ça. Qu'il y a plus souvent des matins gris où l'on préfère rester au lit que de se lancer des défis pour se prouver qu'on est bien en vie .

On choisit ensuite de la partager, notre vie. Mieux vaut affronter l'inconnu à deux plutôt que de monter seul au créneau. Car on en a engagé, des batailles. Et ce n'est pas fini. Notre instinct de survie est bien là, qui nous colle à la peau. Alors, on s'y accroche, à cette putain de vie. Car certains l'ont perdue sans même l'avoir voulu. Un accident, une maladie, et ils ont disparu. On sait seulement qu'on ne les reverra plus.

On comprend alors qu' il faut tenir bon. Surtout si on on a soi-même donné la vie. On ne peut plus faillir. On se sent désormais investi d'une mission, celle de la transmission. On a certes perdu nos illusions, mais on fait tout pour masquer notre amertume et oublier nos unions d'infortune .

C'est à ce moment qu'on lui découvre un sens, à la vie. On s'en veut de ne pas l'avoir découvert plus tôt, occupé qu'on était à courir après le bonheur et les honneurs. On se dit que puisqu'elle  ne tient qu'à un fil, il faut tout faire pour qu'il nous relie à ceux que l'on chérit. Et on se met enfin à lui sourire, et à lui pardonner de nous avoir parfois tant fait souffrir . Car, quoi qu'on dise, au bout du compte, on n'en aura  jamais qu'une seule, de vie.

vendredi 14 novembre 2014

On mesure la décadence d'une société au baromètre de ses centres d'intérêt. Il suffit que la masse hétéroclite qui la compose, hommes et femmes confondus, porte une attention trop soutenue à la corporéité pour que, brusquement, la chute de l'humanité soit amorcée. Par corporéité, j'entends tout ce qui a trait au corps humain, de la  présentation qu'on choisit de faire de son propre corps au monde  à la représentation plastique, graphique ou discursive dont il est l'objet dans le domaine des arts ou de la discussion courante.

On ne peut nier que notre époque voue un culte hyperbolique aux anatomies sculpturales, modelées par les séances intensives de musculation dans les salles de sport à l'éventail d'activités variées. Même les plus réfractaires d'entre nous sont certaines de trouver de quoi satisfaire leur envie de dégourdir leurs membres ankylosés par une sédentarité forcée . Pilates, yoga, fitness, arts martiaux, sans oublier les multiples danses latines tropicales (salsa , tango, bachata) nous promettent des plastiques de rêve qu'on veut à tout prix transformer en réalité . On fait de son corps un champ de bataille, non pas tant pour séduire les hommes que pour se séduire soi-même.

Cette glorification du corps par l'effort se couple, pour certaines, à une obstination à vouloir le conformer, par des moyens artificiels, aux oukazes esthétiques que la dictature masculine impose. En ce moment, poitrines et postérieurs se doivent d'avoir des volumes aux proportions felliniennes, obligeant les collections de lingerie à miser sur le XXL plutôt que le XXS. Les nus de Botéro, peintre  qui clamait haut et fort sa dilection pour les femmes girondes aux poitrines opulentes, n'ont jamais été aussi convoités. Les bronzes décharnés de Giacometti sont désormais boudés par les amateurs d'art qui leur préfèrent les sculptures africaines aux formes voluptueusement pleines.

La nudité s'étale sans plus aucune retenue: sur les couvertures de magazines et les profils des réseaux sociaux; dans les cafés aussi, où des intégristes féministes n'hésitent plus à exhiber leurs seins gorgés de lait pour donner la tétée à leurs bambins. La pornographie a supplanté l'érotisme. Good bye Emmanuelle, Welcome Gorge Profonde. Les porn stars, lassées d'utiliser leur cul, commencent à utiliser leur tête. Certaines s'improvisent écrivains. Il est fort à parier que plus d'hommes connaissent le style de Sasha Grey plutôt que celui de Wilde dans Dorian Gray.

 Cette obsession pour le corps boursouflé et surexposé a même imprégné les discours journaliers. Les discussions sont remplies de langage grossier, de vocabulaire ordurier centré sur les parties de notre anatomie ordinairement cachées. Sur les plateaux télé, dans les blogs primés, dans les cours de récré, ce ne sont qu'obscénités et insanités. Le corps, autrefois vénéré par les poètes et sanctifié par la papauté, se retrouve immolé sur l'autel de l'indécence . Les parties génitales et l'orifice fécal en prennent plein leur grade. Entre les " Va chier!", " Enculé! ", "Couille molle!" " Nique ta race!" , "Tête de cul" ,  et j'en passe, on ne sait plus à quel saint se vouer.

Moi-même, je crains d'être contaminée. Après le règne de la culture, voici l'intronisation de la cul-ture! Bientôt les bimbos se lanceront dans la politique, et les énarques deviendront des bimbos. Les présidents de la république nommeront des ministres aux mensurations bien spécifiées. Le sénat et l'assemblée ne seront pas en reste. On fera sortir de l'hémicycle celles qui ne porteront ni mini-jupes ni bas résille. Du coup, dans la chambre des députés, les débats ne risqueront plus de s'éterniser  et les hommes ne seront plus surpris en train de sommeiller. Est-ce à dire que la France sera finalement sauvée? Ça, par contre, ce n'est pas du tout gagné...

vendredi 7 novembre 2014

Dans le monde au sein duquel nous vivons, le propre de l'homme,  ce n'est plus de rire, mais de compter. Oui, de compter. Le chiffre est roi. Il gouverne notre moi. Nous évoluons dans une dictature du nombre avec, pour seul ministère, celui de la computation .

Notre corps, par exemple. Il est la première victime de notre assujettissement à l'arithmétique. On le pèse, le mesure, l'ausculte. Trop de kilos et nous voilà, nous les femmes,  devenues son bourreau, avec, en prime, notre moral à zéro. Chasser les calories devient le maître-mot . On les traque sans relâche , et chaque passage sur notre balance a pour effet d'accroître le nombre de nos palpitations cardiaques .

Si l'on veut perdre des kilos, on veut, en revanche, gagner des euros . Et pour cela, il faut exercer un boulot sûr de nous rapporter gros. Sur nos copies d'école, c'est le chiffre 20 qu'il faut viser. Pour parodier César, on choisit comme devise : j'eus vingt, je vis et je vainquis. Et pour tenir le haut du pavé , mieux vaut être médaillée sur le podium des vanités. On y gagne en popularité, même si on y perd en authenticité.

Si on est médiocre en maths et mauvaise en français, il nous reste à décrocher le gros lot, soit en jouant au loto, soit en épousant un rentier nigaud, et lui faire croire qu'on est accro. Mais pour le garder bien au chaud et éviter qu'il ne file avec une bimbo, il faudra dépenser quelques lingots pour garder une peau bien comme il faut.

Car l'horloge ne s'arrête pas de tourner, et, quoi qu'on fasse, le nombre des années de notre vie est le seul dont on est certain qu'il ne cessera d'augmenter. À un moment donné, il faudra bien faire les comptes. On s'en voudra alors d'avoir perdu tant de temps à dénombrer kilos et euros, amis et ennemis, degrés et mètres carrés.

Car, lors du jugement dernier, seul le poids de nos péchés pèsera dans la balance, et pas celui de nos propriétés . Il sera alors trop tard de réaliser que le seul chiffre qui vaille la peine d'être valorisé, c'est le chiffre "un", celui de l'unité et de l'unicité, celui du grand amour d'une vie qu'on a laissé, par lâcheté ou immaturité, nous échapper, tant nous effrayait l'idée qu'il aurait pu durer.

lundi 3 novembre 2014

Les femmes ont le pouvoir et elles le font savoir! Il est loin le temps où elles se conformaient au bon vouloir d'un père ou d'un époux. On voulait leur faire croire qu'elles servaient juste de faire-valoir. Qu'il valait mieux pour elles qu'elles ne s'éloignent pas trop des passoires, de l'égouttoir, et du séchoir. Et surtout qu'elles ne fassent pas d'histoires. Point de revendications surtout! Une pincée d'instruction seulement! Hors de question de voir germer en elles le spectre de la rébellion !

Ça, c'était avant leur émancipation. Car un beau jour, elles ont envoyé au diable veaux, vaches et cochons, et accueilli en grande pompe la contraception. À plus tard, la procréation! Les hommes ont alors commencé  à se faire du mouron. Ils ont compris qu'elles avaient gagné la révolution, et que s'ils voulaient des rejetons, ils devaient être doux comme des moutons et se laisser faire des guilis sous le menton.

Certains d'entre eux, pourtant, ont fait sécession. Ils ne pouvaient admettre que des "femelles" puissent leur damer le pion. "Que ces dames retournent à de saines occupations! Leur mission est de donner le téton à leurs poupons, et pas de nous faire de grands sermons! ", s'exclamèrent-ils d'un air bougon.

La réponse des femmes ne se fit pas attendre. Elles furent offusquées d'entendre des propos aussi désobligeants. Après de longues délibérations, elles mirent sur pied un "comité de libération du mamelon" et se lancèrent, poitrine à l'air, dans l'organisation de manifestations. Elles s'en prirent à toutes les institutions , et même à la  religion.

 Et puis quoi encore ! On n'est plus à l'ère de Cro-Magnon! Les femmes occupent maintenant de hautes fonctions! Elles ne sont plus uniquement vouées à élever des morpions! Certaines poussèrent si loin le bouchon qu'elles se retrouvèrent en prison. Leurs garçons furent envoyés en pension, et on leur fit apprendre, en leçon, la tirade d'un faux cureton: "Madame,  couvrez ce sein que je ne saurais voir !"

La suite? Eh bien, je ne la connais point. Mais je crois avoir entendu dire que la révolte gronde au sein des filles des détenues, et qu'elles fomentent une révolution pour libérer leurs mères du joug de l'oppression . Plutôt mourir que de subir la sujétion de mâles dominants! Aux dernières nouvelles, elles auraient l'intention de prendre la Bastille . Enfin, c'est ce que j'ai lu dans Le Monde. Ah non, pardon , dans le Gorafi ...

samedi 1 novembre 2014

Il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger, disait Socrate. Si ce précepte a le mérite d'être clair, il reste cependant obscur quant à ce que le terme "manger" peut signifier. Or il faut bien avouer que l'on ne sait plus à quel saint se vouer tellement les bibles alimentaires pullulent et pulvérisent nos certitudes.  Depuis une bonne décennie, nous assistons à d'incessantes querelles de clocher entre apôtres végétariens et intégristes végétaliens d'un côté, carnivores et piscivores de l'autre .

Heureusement que les deux camps, à couteaux tirés, ont finalement trouvé un terrain d'entente : quoi que l'on mange, il faut que ce soit " bio". De l'œuf au poulet, en passant  par le lait et le veau, la pomme et le poireau , on bannit à tout prix  le mot "batterie" des  discours. C'est que dans notre imaginaire collectif, l'on se berce de la douce illusion de croire que les produits de Dame Nature, qui se disputent la vedette sur les étals des marchés, ont été récoltés à la ferme des Contes du Chat Perché.

Sous la plume de Marcel Aymé, les bipèdes et quadrupèdes à poils ou à plumes nous font certes saliver. Le cochon , par exemple ! Tellement gras qu'il en devient beau, aux dires des parents des deux petites. Jusqu'à ce que, sur les conseils du paon, un régime d'ascète ne vienne entamer les kilos non superflus du dodu porcin, dont l 'unique visée est de ressembler au volatile prisé pour sa huppe et sa queue ocellée.

Un pépin de pomme reinette et une gorgée d'eau fraiche n'ont jamais rassasié quiconque.  Et pourtant,  indestructible est le noyau d'irréductibles qui croient dur comme fer que l'ingestion exclusive de graines est garante de longévité . Quinoa, azuki, kamut, boulgour, ces céréales à la consonance exotique sont devenues, dans les prêches des gourous culinaires, les sésames du pays de la jeunesse éternelle. C'est tellement plus dépaysant que de consommer du blé ou du riz, fût-il complet.

Mais c'est surtout la vénération du chiffre 5 qui, depuis quelques années, me laisse bouche bée. Il était sans doute blasphématoire d'emprunter le chiffre 3, réservé à la Sainte Trinité, ou le chiffre 7, dénombrant les jours de la semaine nécessités pour la création du monde sublunaire.  Quelle autre raison, sinon, pour justifier le choix de ce numéral accolé aux fruits et légumes que nous sommes censés ingérer pour être en bonne santé ?

Il m'horripile, le chiffre 5! Car dans mon inconscient, il crée des nœuds qui, dès le lever, m'empoisonnent toute la journée. J'ai dû même "consulter " dans l'espoir de gagner quelques doses de sérénité. Devant ma perplexité, la nutritionniste m'a conseillé de commencer par absorber, au petit-déjeuner, un jus de citron et un verre de pamplemousse pressé . Et déjà de deux ! Pour les trois autres , me déclara -t-elle,  rien ne sert de névroser. Laissez-vous  guider par les menus proposés dans les bistrots inscrits au "comité du bien manger ".

Et moi qui voulais être rassurée! Il me faut maintenant parcourir tout Paris pour que mon estomac soit proprement garni. Parlons-en de mon estomac! Il en est à son troisième ulcère, tant il macère dans la hantise de ne pas trouver repas bio à mon gosier. Alors, pour éviter de le malmener  et prévenir les crises d'anxiété, je vais dare-dare chez mon chocolatier faire provision d'orangettes, de gingembrettes et de bananettes. Comme ça, d'une pierre, deux coups! Le cacao, c'est un antiblues réputé , alors s'il fait bon ménage avec 3 fruits d'un coup,  à moi la vie en rose, et au diable les kilos !


vendredi 31 octobre 2014

L'arrivée de la Toussaint me fait toujours la même impression que celle de la Saint-Valentin. Non pas que je nourrisse, en moi, un penchant morbide pour les amours défuntes. Mais je ne peux m'empêcher de déplorer le manque d'originalité dont témoignent les marchands de fleurs pour attirer les chalands des quatre coins de France .

Chaque 1er Novembre, ce sont des chrysanthèmes à profusion  qui font leur appartition sur les tombes. Les allées des cimetières, jusque-là  colonisées par les herbes folles, sont ratissées de frais . Les sépultures, après avoir subi, une année durant,  les outrages de la pluie et du vent, font brusquement l'objet de soins intenses. On se souvient soudain que l'on a des ascendants reposant à six pieds sous terre, quelque part, loin du bruit et de la fureur urbaine. Et cette brusque réminiscence déclenche en nous le réflexe pavlovien bien connu du mouton : C'est en procession que nous allons faire l'acquisition du pot de fleurs imposé pour l'occasion .

Quelle punition nous nous infligeons! A-t-on idée, en temps normal, de fleurir notre maison de cette espèce végétale à la chair grasse et à l 'effluve nauséeuse? Vénérons-nous si peu nos morts pour les gratifier d'une offrande aussi commune? Oublions-nous que, de leur vivant, les jardins secrets qu'ils cultivaient étaient à nul autre pareils, et que, si nous les chérissions, c'était en raison de leur singularité quintessentielle?

Mais la célébration de la Toussaint n'est pas la seule à détenir le monopole de la fleur unique. Il en est de même pour la Saint-Valentin. Je plains mes consœurs de devoir feindre l'enthousiasme quand elles reçoivent, des mains de leur cher et tendre, l'inévitable, l'indémodable et surtout l'hyperbanal bouquet de roses rouges. Comme si les hommes, à court d'inspiration, n'osaient s'aventurer sur le terrain fertile de la symbolique en composant des gerbes de capucines, d'héliotropes, de camélias et de jacinthes à l'élue de leur cœur .

A moins que, malheureusement, l'amour qu'ils prétendent éprouver ne soit qu'un amour convenu, aux fondations fragiles et voué à périr. On comprend, dès lors, les précautions dont ils s'entourent en offrant des roses rouges à la signification si limpide: trop peu nombreux seraient ceux qui goûteraient, ne serait-ce que fugitivement, l'enivrement , l'ardeur , l'admiration et, surtout, la dévotion pérenne que supposent l'héliotrope , la capucine , le camélia et la jacinthe ...

mardi 28 octobre 2014

Ça n'a pas l'air comme ça, mais être artiste , de nos jours , comporte certains risques. La surexposition médiatique, qu'elle soit voulue ou subie, peut concourir à mettre une vie en péril. En dévoilant son intimité sur papier glacé, avec interviews et photos à la clé, on ne peut que s'attendre à la consolidation d'une sympathie ou, inversement, d'une antipathie, dont l'expression se manifeste aussitôt sur les multiples réseaux sociaux. Stalkers , hackers ou trolls s'en donnent à cœur joie sur la toile grâce à l'anonymat que cette dernière leur procure.

Mais au sein de la communauté artistique , ceux qui ont le plus à craindre pour leur vie sont les Happy Few bénéficiant, on ne sait pourquoi, des insignes faveurs des autorités suprêmes. Enhardis par le crédit qu'une poignée d'élus leur a accordé, ils créent, au gré de leur fantaisie et surtout de leurs fantasmes, des œuvres destinées à être érigées en place publique. Bien mal leur en prend, quelquefois, de penser jouir d'une impunité quand leur unique souci est de générer une onde de choc, à défaut d'une onde de chic. En exposant des créations dont la seule valeur marchande est la provocation qu'elles ne manqueront pas de susciter, ils surestiment l'impact médiatique qu'elles vont engendrer, et sous-estiment, erreur fatale, les inclinations d'une population attachée à sa culture et surtout à son histoire.

La récente défiguration de la Place Vendôme, à Paris, par la mise en place d'une structure gonflable monumentale en forme de plug anal nous a donné la mesure de l'irrespect que certains représentants de l'art contemporain témoignent à l'endroit des Parisiens. Des tentatives avaient déjà été faites, par le passé, pour donner un coup de jeune au plus vieux pont de Paris. Christo nous avait fait, tant bien que mal, partager son obsession à empaqueter le Pont Neuf , qu'Henri IV avait honoré de sa présence lors de son inauguration. Envelopper un pont de pierres de gigantesques langes en polyamide doré n'était sans doute pas banal. Les Parisiens ont certes un peu grogné, mais l'œuvre de l'artiste ne fut pas pour autant conspuée. Après tout , une couche-culotte a une utilité dont beaucoup de nouveaux-nés auraient du mal à se passer .

Étrangement , c'est aussi la même partie anatomique du corps humain qui a inspiré l'artiste commandité pour la "transfiguration "de la place forte des joailliers . Il est vrai que les fessiers rebondis sont vénérés par la frange masculine de notre société et que l'on assiste à une consécration de bimbos callipyges sans précédent ces dernières années . Mais de là à célébrer un objet censé pénétrer l'orifice associé à la fécalité ! Sans compter que le sextoy vert démesuré criait haut et fort sa parenté avec un monstre aux flatulences avérées : Shrek!

Vous comprendrez que c'en était trop pour le Parisien aux narines délicates et aux mœurs policées. L'un d'entre eux, dit- on, exaspéré, a porté la main sur l'auteur de l'excroissance disgracieuse, tandis que d'autres, à la faveur de la nuit, ont été jusqu'à dégonfler la boursouflure au parfum sulfureux. Il était temps! Des artisans peu scrupuleux commençaient à commercialiser l'objet délictueux auprès de touristes désireux d'explorer des pans ignorés de leur sexualité . Henri IV ne s'était pas trompé: Paris vaut bien une messe! Mais  pas une fessée...

lundi 27 octobre 2014

Halloween a pris ses quartiers d'automne bien plus tôt que prévu, cette année. La chasse aux sorcières est ouverte. Mais, pour une fois, ce ne sont pas les créatures douées pour la locomotion aérienne et dotées de compagnons félins qui font les frais de l'ire collective. Ceux qui sont la cible d'une impitoyable traque depuis quelques semaines jouissent, en temps normal, d'un prestige à faire pâlir de jalousie vampires, démons et succubes, ne serait-ce que par le public juvénile qu'ils séduisent. Les clowns, pour les nommer, ont cessé de nous faire rire.

 Échappés des chapiteaux de cirque , ils hantent les lieux publics et rôdent autour des lycées, non pour divertir mais pour faire déguerpir nos concitoyens apeurés. Armés jusqu'aux dents et pétris de mauvaises intentions, ils poursuivent les malheureux enfants ou agressent leurs parents dans des one-man shows macabres aux scénarios tout droit sortis de films d'épouvante .

La contagion gagne toutes les régions. Du nord au sud, la police est mobilisée sur tous les fronts. On compose le 17 à tout bout de champ. La psychose est à son comble. Veto est donné aux magasins de déguisement d'écouler costumes bariolés, faux nez et perruques trop voyantes. Il est désormais mal vu de porter des habits colorés et fortement déconseillé de découvrir son nez. Un rhinophyma , et vous voilà embarqués dans un panier à salade à destination du commissariat!

Les plus à plaindre, ce sont les alcoolos. Vu qu'ils se sentent visés, ils  évitent de sortir en soirée et demeurent cloîtrés comme des pestiférés. Pour noyer leur chagrin, ils passent leur temps à écluser des godets, ce qui amplifie leur rougeur nasale et fait rougir de rage leurs femmes. Certains ménages sont au bord du naufrage. Après  le mariage pour tous, certains réclament le divorce pour tous !

 Et tout ça en raison de clowns qui s'amusent à faire les clowns. A cause d'une cocasse mise en abime, la population se retrouve au bord de l'abîme. La solution ? elle est pourtant bien simple. Au royaume des clowns, le clown blanc est roi. Avec son bagou, il saura faire entendre raison à son comparse diabolique. Mais au fait, le clown blanc, qui nous dit qu'il est encore vivant ? Si ça se trouve ...

Plus qu'une chose à faire, dans ce cas . Convoquer les sorcières et les mauvais esprits , et leur demander de faire un sort au maléfique Auguste. Pour une fois , Halloween , ce ne sera pas si nul que ça ...

samedi 25 octobre 2014

Dans les années 90, pour être un super mannequin, il fallait mesurer 1m80 , peser presque rien , et surtout exiger des montagnes de sequins avant de risquer un peton du lit et atterrir en couv  glossy  des fashion magazines . Dans les années 2010, pour être un super mannequin, il faut soit être une putain (pour joueurs de milieu de terrain) , soit être accro à l'héro ( histoire de ne pas prendre de kilos) ou mieux encore , se distinguer grâce à une maladie de peau ( le vitiligo) ou exhiber sur les catwalks  une poche de stomie ou une pompe à insuline ( pour plus de réalisme ) . De l'ère des Rastignac, à l'œil malin et à l'âpreté au gain ( vivent les zeugmes!)  on est passé à l'ère des Rougon-macquart, à l'avenir incertain et à l'œil éteint ( vivent les chiasmes !). Pour faire court , Balzac s'est fait damer le pion par Zola ! Et ce n'est ni la faute à Voltaire , ni la faute à Rousseau ( Merci Hugo!)

Pour parodier Scapin, et rendre hommage au divin Poquelin , je dirais aux fashion designers du nouveau millénaire : Que diable allez-vous donc faire dans cette galère ? Pourquoi jeter en pâture à la presse ces pauvres hères ? À quoi certains me rétorqueraient sûrement : " Toi, l'intello, si tu veux toujours avoir ta place en front row, tu ferais mieux de consacrer ta prose à la seule gloire de nos  paletots et tricots , et penser que ces créatures de chair ne sont ni plus ni moins que des porte-manteaux ." Tu parles, Karl! ( vive la paronomase!) , tu veux sans doute dire " créatures sans chair "? À moins que tu n'aies commis un lapsus et que tu n'aies voulu dire "créatures trop chères "?

" Insupportable , cette petite est ! " hurlerait mon idole aux verres fumés ( vive l'hyperbate !) . J'ose une digression : Eh oui ! Maître Yoda était un fin lettré. En plus d'être un Jedi, il connaissait toutes les figures de style consignées dans le Littré. Mais revenons à Karl et à l'insupportable petite Emmanuelle, qui veut toujours mettre son grain de sel , quand bien même elle sait que c'est la première cause d'accidents cardiovasculaires . Pourquoi faut-il qu'elle fustige le choix des créateurs en matière de mannequins ? Ignorerait-elle qu'une nouvelle loi est en préparation, visant à instaurer une discrimination positive au sein de la guilde de la Haute Couture ? Et que tous les critères de sélection jusque-là en vigueur , i.e poids , taille , tour de hanches et de poitrine , seraient repensés de façon à permettre au plus grand nombre de femmes de s'identifier aux modèles en train de défiler ?

"Herr Karl, si je comprends bien , vous insinuez donc que moi , la petite Emmanuelle, au modeste poids , à la modeste taille , au modeste tour de hanches et de poitrine , je vais pouvoir maintenant intégrer la caste tant convoitée des mannequins de grands couturiers ? "."Tu as tout pigé, belle oiselle! Et crois-moi ! Je ferai en sorte que tu sois pistonnée ! Car, vois-tu, lorsque je te vois, chaque fois, prendre tes airs de déesse offensée alors que je te fais l'insigne honneur de te placer à côté d'un rappeur coké, ou d'une bimbo écervelée , je manque toujours d'avoir un AVC en pensant au papier assassin que tu vas encore publier pour rendre compte de mon défilé ! Ainsi , dorénavant , tu porteras mes créations , et tu laisseras le soin à un autre écrivaillon de décortiquer le déroulement des shows hollywoodiens que je réserve à mes collections . Ça te fera le plus grand bien , car je m'en voudrais que ton cerveau puisse un jour connaître le sort de celui d'un Cyrano , qui , à force de dire tout haut ce qu'il pensait , finit par en  avoir le crâne fracassé! "