Pages

Nombre total de pages vues

mercredi 28 mai 2014

Soyons honnêtes ! Le plus grand défi qu'une femme ait à relever quand elle est en couple , c'est de  le faire durer . Or la navigation conjugale ne dispose pas d'instruments d'orientation assez perfectionnés pour déjouer les écueils de la traversée . Il faut parfois naviguer à vue, et surtout se méfier des sirènes qui s'ennuient dans les profondeurs et se divertissent à noyer de désir les marins rattrapés par le démon de midi . Car le désir est la voie d'eau la plus redoutable pour le frêle esquif matrimonial . Et s'il reste par mégarde en rade , le couple va au naufrage .

    Heureusement, nous,  les femmes,  ne sommes jamais à court d'inspiration pour raviver la flamme . Nous avons toutes compris que le talon d'Achille des hommes , c'est notre corps et ses artifices . Aussi ne nous privons-nous pas d'en façonner les contours à notre gré , d'autant de façons que nous le voulons. Pour circonvenir capitons et autres imperfections, nous avons un bataillon de solutions à notre disposition . Onguents miraculeux et  potions magiques sont les dernières  inventions d'une nouvelle génération de druides savant manier alambics , pipettes , chromatographes, et autres instruments barbares .

    Mais là ne s'arrête pas notre quête du corps idéal . Pour captiver le mâle alpha , il faut souvent vendre son âme aux grands mages de la chirurgie , qui  burinent, cisèlent ou emplissent de gel  ,  seins , mollets , fessiers , cuisses , pommettes et abdomen . Le bistouri est aussi révéré que le silex lors de la découverte du secret de fabrication du feu . Il donne au chirurgien plastique la même aura que Prométhée , lui qui déroba le feu à Zeus pour en faire don  aux hommes  . À ceci près que , désormais , le feu divin est tombé entre les mains des femmes , et qu'elles l'utilisent , non plus pour réchauffer des plats , mais pour allumer des brasiers dans le cœur de leurs proies .

    Et comme si cela ne suffisait pas , elles ajoutent , depuis quelques temps , des cordes supplémentaires à leur arc , pour décocher la flèche fatale à celui qui aurait l'audace de devenir volage. Les plus sportives se métamorphosent en femmes élastiques , apprenant à se contorsionner lascivement autour d'une barre X-Pole plantée en plein  milieu de leur salon , histoire de ravir la vedette à leur rivale bavarde et son choix de chaînes à la carte . Qu'on ne s'étonne pas si les strip-teaseuses sont bientôt contraintes de faire la queue à Pôle Emploi ...

    Pour les plus exhibitionnistes et les plus endurantes , celles qui trouvent que leur salon n'est pas une scène assez éclatante pour étaler leurs exploits physiques, reste à suivre l'entrainement intensif des pom-pom girls sur les terrains de foot . C'est sûr que les figures acrobatiques des cheerleaders sont à vous couper le souffle . Alors si les stunts ( portés) , les flyers ( équilibres en l'air  sur un pied ) et les toe-touch ( grands  écarts faciaux en l'air avec toucher des orteils ), laissent votre homme de marbre ,  c'est qu'il ne vous mérite pas . Cheer up ! Un de perdu, dix de retrouvés ! Et même 11! Dans une équipe de football , on est certaine de trouver un joueur à son / ses pieds !

jeudi 22 mai 2014


   D'ici 50 ans , l'on n'aura plus besoin , comme Faust , de vendre son âme au diable pour accéder à l'immortalité . Avec les progrès des nanotechnologies , les limites de l'humain seront repoussées , et la mort sera contournée . La science terrassera donc la religion en battant en brèche l'idée d'un Dieu tout-puissant, pourvoyeur de vie comme de mort .

    Tel est le projet du courant transhumaniste , qui mise sur la création de l'homme 2.0, aux capacités physiques et cérébrales tellement démultipliées qu'elles ôteraient aux Parques le soin de couper le fil de notre destinée puisque nous échapperions à la mortalité . Toute une mythologie à refaire ...

   Certes les avancées scientifiques ont permis , au cours des décennies passées,  de pallier à des infirmités physiques congénitales ou accidentelles . La pose de prothèses articulaires internes  , ou  le recours à des exoprothèses en cas de mutilation d'un membre , ont amélioré la qualité de vie de beaucoup d'hommes . Aucune objection n'a été soulevée lors de cette adjonction de matériaux métalliques au corps humain , qu'elle soit endogène ou exogène .

    Et pourtant un grand pas à été franchi . La fusion entre le vivant et le mécanique . En bref , les premiers cyborgs ont vu le jour . Discrètement . Sans faire de bruit . Après tout il n'était question que de réparer les parties du corps humain endommagées . Qui reprocherait à un unijambiste de recouvrer sa capacité à remarcher ?

    Mais l'insatiabilité est au cœur de l'homme . Il lui fallait donc aller encore plus loin. Si l'unijambiste peut remarcher à nouveau comme un homme normal , pourquoi ce dernier ne pourrait-il courir plus vite que son ombre ? L'idée d'un "homme augmenté" à donc germé et  fleuri dans les cerveaux de chercheurs désireux de construire un surhomme capable de surpasser la créature de Dieu.

    Après tout , la science -fiction nous a familiarisés avec son panthéon de super-héros venus à la rescousse de l'humanité . Homme araignée ou homme chauve-souris , leur hybridité homme - animal ne nous a pas effrayés outre - mesure . Bien au contraire . Nous n'avons de cesse de les chérir et achetons ,pour nos enfants, panoplies de déguisement et produits dérivés à leur effigie .

    Pourquoi donc cette  subite levée de boucliers et cette diabolisation des apôtres de l'homme augmenté ?  Les nombreux pharisiens brûlent d'envie de voir périr sur le bûcher  les  transhumanistes ,  traités d'hérétiques menaçant  la survie de l'espèce humaine existante . Ils brandissent le spectre des inégalités à venir si l'avènement de l'homme nouveau se réalisait .

    Une humanité à deux vitesses ! Voilà ce qu'ils dénoncent ! À les écouter , seuls quelques "happy few" nantis pourraient s'octroyer le privilège d'implanter dans leurs cerveaux , ou de greffer sur leurs corps , des nanoélectrodes connectées à un  ordinateur qui amélioreraient leurs performances intellectuelles ou physiques . Et les body hackers? Ils en font quoi ? Quitte à bricoler , autant le faire sur son propre corps . D'ici 2050, chacun disposera d'un kit de nano-implants  personnalisé qu'il se greffera à son gré.

    Hypocrites détracteurs ! Vos yeux pétillent rien qu'à l'idée de chausser prochainement les lunettes à réalité augmentée , et vous osez clouer au pilori ceux qui se proposent d'équiper vos prunelles d'implants rétiniens pour vous doter d'un œil de lynx ? Vous criez au scandale lorsque l'on vous parle des exploits que pourra réaliser l'homme bionique , alors que vous rêvez de l'égaler en vous essoufflant vainement sur les engins de torture d'une salle de fitness? Et vos femmes ? Vous ne vous posez pas tant de questions quand elles se font implanter des prothèses mammaires pour satisfaire vos instincts primaires !

    Vivons avec notre temps ! Et laissons le choix,  à qui le désire , de réaliser ses fantasmes d'humain  "amélioré".  Et si , un jour , nous parvenons à télécharger notre esprit dans un robot-avatar , comme le propose un milliardaire russe,  pourquoi pas ! Après tout, pourquoi nous refuser à l'immortalité?   Cela voudra dire que la science fiction appartient désormais au passé,  et que le  meilleur des mondes d'Aldous Huxley n'est pas si éloigné que ça de la réalité .

dimanche 11 mai 2014



   Si , avant, le médecin jouissait d'un prestige comparable  à celui du curé de village , de nos jours il est tout aussi ignoré que lui . Une irréligion grandissante s'est développée conjointement avec une méfiance accrue envers l'institution médicale . Pour faire court, on se détourne autant d'Esculape que de Dieu .

    C'est qu'une autre divinité a fait son apparition dans le panthéon des guérisseurs du corps et de l'esprit : le thérapeute ! Finis les traitements médicamenteux foireux ! Certains dévots de la minceur  y ont même laissé leur peau , eux qui voulaient justement n'avoir plus que la peau sur les os. Paix à leur âme!  Beaucoup  se sont retrouvés les deux pieds dans la tombe sans avoir même reçu l'extrême onction. On comprend , après ça , que les médecins ne soient plus en odeur de sainteté du tout.

    Plutôt que de tenter le diable , on préfère désormais placer  sa confiance dans la thérapie qui a les bonnes grâces des médias . Autant vous dire qu'on change souvent d'avis , car les médias , comme chacun sait , encensent aujourd'hui ce qu'ils conspuent  demain .  À leur décharge , on doit dire que certaines de ces thérapies se fondent sur des théories pour le moins hérétiques .

    La thérapie quantique , par exemple , défie l'orthodoxie . Comme beaucoup d'entre nous l'ignorent , nos cellules communiquent entre elles en émettant des particules lumineuses . Dès lors , toute défaillance dans ce vaste réseau de bio photons se traduit par des troubles soit physiques soit psychiques . Au thérapeute quantique la mission de pallier ce dysfonctionnement en appliquant, sur le corps du patient, des électrodes reliées à un appareil électronique censé recadrer les ondes électromagnétiques de notre corps.

    Si cette théorie ne remporte pas votre adhésion ,  essayez plutôt la zoothérapie . Il n'y a que l'embarras du choix pour désigner quel animal soulagera vos maux psychiques . Si vous résidez sur une île , pourquoi ne pas tenter la delphinothérapie, histoire de réactiver vos souvenirs de Flipper le dauphin. En métropole , un cynothérapeute sera vivement conseillé . Les toutous sont beaucoup plus faciles à trouver et aussi  à domestiquer .

    Si vous êtes allergiques aux bêtes , allez donc consulter un hypnothérapeute . Rassurez-vous ! Il ne s'agit pas de regarder fixement un pendule et de tomber dans un état second! Le spécialiste en question se défend d'être un charlatan . Et pour le prouver , il ira jusqu'à pourfendre les champions de la  thérapie analytique , qui , il faut bien le dire , lui font encore de l'ombre .   Selon lui , seul le lobe droit du cerveau ( et non le gauche ) a droit à tous les égards . Ah bon ?

    Entre toutes ces thérapies , on ne sait plus trop bien  à quel saint se vouer. Le mieux , à mon humble avis , est de concocter une thérapie à votre  sauce . Pour ma part , je préconise une pincée de chocotherapie, trois cuillères à soupe d'héliotherapie et de thalassothérapie ( le soleil et la mer , ça ne fait jamais de mal ) , une dose non négligeable d'art thérapie ( Dieu soit loué ! Les arts sont multiples et variés ) , le tout nappé de gym thérapie . Et cerise sur le gâteau, de l'amour thérapie! Il ne me reste plus maintenant qu'à vous souhaiter un BON APPÉTIT!

jeudi 8 mai 2014


    La plus belle déclaration d'amour du septième art , on la doit à Godard , dans LE  MÉPRIS  . Une seule phrase , je devrais dire un seul vers , presque un alexandrin.  Et surtout  la déclinaison de trois adverbes , puissants et fragiles comme une hirondelle qui s'élance dans un ciel azuré , et dont l'élan se brise contre une paroi de granit . "Je t'aime totalement , tendrement , tragiquement ", dit Paul à Camille . Comme si le rythme ternaire était propre à la fatalité. Comme si le véritable amour était punissable , condamné d'avance  à cause de ce trop plein , cette hubris des sentiments .

    Aimer trop n'est plus aimer . C'est adorer . Et l'on  sait que les dieux jaloux ne peuvent souffrir que les hommes témoignent à leurs semblables ce qui leur est réservé en propre . Mais laissons-là les dieux .  Ils sont un prétexte trop futile  pour cacher une vérité immarcescible.  Disons  plutôt que le coeur de l'homme ne peut contenir que pour une durée limitée un élan amoureux illimité . À force de brûler d'amour pour l'autre  , le cœur se consume . Il se calcine plus qu'il ne se brise .


    Mais le cœur est un phénix qui renaît toujours de ses cendres . Pour se consumer à nouveau , pour un autre ou une autre . Nous sommes tous des Sisyphes qui gravissons la montagne le cœur léger pour en redescendre le cœur lourd . Faut-il s'en plaindre ? Est-il préférable d'avoir un cœur de pierre ?

    Certes non . Sans amour , on n'aurait plus goût à la vie . On ne donnerait plus la vie aussi. À quoi bon servirait-il de jouer les prolongations sur cette terre sans  personne pour nous y retenir ? À quoi bon servirait-il de prolonger une lignée sans aucune lueur d'espoir pour éclairer son avenir?

    Totalement , tendrement , tragiquement :  telle est notre devise . Même si l'on doit souffrir, ne nous épargnons pas le délice de faire provision de souvenirs .  L'amour , on a beau dire , est une île enchantée où il est doux de vivre , même si l'on sait , qu'un jour, elle sombrera comme l'Atlantide sous le poids de nos  soupirs .

mardi 6 mai 2014




   On récolte ce qu'on s'aime . Là est la secret du bonheur . Mais pourquoi donc , si l'on en connaît la recette , le bonheur s'avère-t-il inaccessible pour certains  d'entre nous ? Est-ce parce qu'ils ne savent pas séparer le bon grain de l'ivraie qu'ils ne font que de piètres moissons?

   Disons plutôt que, par une excentricité  de la nature , ils préfèrent l'ivraie au bon grain . Ainsi  certains s'aiment tellement qu' ils s'aliènent leurs semblables en réclamant d'eux une dévotion sans faille . Dressés sur leur  piédestal , ils attendent  qu'on se prosterne à leurs pieds , comme ces idoles païennes exigeant  sacrifices et offrandes .  Dans leur sillage , ne vous attendez  à trouver que des personnages qui lustrent leur plumage et se pâment à l'ouïe de leur ramage.

    Sont- ils heureux , ces dieux et déesses terrestres ? Hélas non . Pas plus que ceux qui ne s'aiment pas assez . Car il est une engeance encore pire que les idolâtres de l' ego. Je veux parler de ces adeptes de la mortification qui se répandent en lamentations depuis le jour de leur naissance . Ils ne comprennent pas que l'on puisse un jour les aimer , eux qui portent  leur cœur  en bandoulière  le long du chemin de croix de leur destinée .Chaque jour ,  leur miroir leur renvoie l' image d'un  moi honni, qu'ils  meurtrissent à l'envi, pour je-ne -sais quelle raison enfouie .

   Dans les deux cas , la récolte est bien maigre  . Qu'il s'agisse d'un ego hypertrophié ou , à l'inverse, hypotrophié, l'excès ou le manque d'amour de soi a peu de chance de faire germer l'amour chez autrui .  Les Narcisse ne jettent leur dévolu que sur un aréopage fasciné par leur illusoire majesté ; et les mordus de l'autoflagellation , sur la harde d'individus aigris  et âpres à la dépréciation d'autrui .

   Or la vénération aussi bien que la dévalorisation n'ont jamais fait le lit de l'amour . Bien au contraire . Elles ne réussissent qu'à le défaire . Qu'on ne me parle pas de l'amour vache qui oscille continûment entre ces deux extrémités.  Il ne concerne que les créatures hybrides dont l'estime de soi fluctue au gré de leur humeur . Ils vivent un enfer et font vivre un enfer à l'autre .

   Aimer quelqu'un , c'est l'aimer constamment .C'est accepter ses qualités sans pour autant les encenser , et tolérer ses défauts sans pour autant les fustiger . Mais , pour ce faire, il convient de bien s'aimer : ni trop , ni trop peu, et faire confiance à la vie . Rien ne sert de pleurer. Il faut sourire à point. Pour faire moisson du bonheur, il ne faut rien de moins qu'attendre  la bonne saison.


mardi 29 avril 2014


   On n'arrête pas le progrès . Surtout quand il se mêle des affaires de coeur ...

    Avant, Cupidon n'avait, pour accomplir sa mission, qu'à tirer une flèche de son carquois  et transpercer le cœur de ses proies . S'ensuivaient  des associations malencontreuses débouchant sur des unions malheureuses et des séparations douloureuses . Car bien qu'ayant plusieurs cordes à son arc , il arrivait bien souvent au piètre archer de manquer sa cible , ayant, comme chacun sait ,  les yeux éternellement bandés.

    Puis ce fut le grand Big Bang ( informatique) et le patient tissage d'une Toile dans l'espace intersidéral ( du  digital ) . Hors de question  , pour le  fils de Vénus, de battre de l'aile et de s'avouer vaincu . Il enfourcha Pégase et partit à l'assaut du virtuel , qu'il conquit sans coup férir . Il se lia d'amitié avec une souris qui lui permit, en quelques clics , d'étendre son empire sur la vaste sphère cybernétique.

    Plus besoin , désormais , pour Cupidon, de décocher de flèches afin d' unir , pour le meilleur ou pour le pire, les destins de deux humains . Il ne lui suffit que de munir leurs mains fébriles d'une tablette tactile,  et de les laisser surfer sur le flot des  ondes électromagnétiques  . Le courant passe indubitablement . Par le biais d'un écran , on raconte sa vie , on l'enjolive même,  en  omettant de mentionner, il va sans dire, les détails les moins croustillants .

    C'est qu'il faut donner envie, et ouvrir l'appétit du futur prétendant. Alors , dans la communauté des e-lovers , on prend soin de soigner son profil . Qui sait ! un coup de foudre est si vite arrivé! Mieux vaut donc se présenter sous son  jour le meilleur . Les selfies sont, sans conteste,  la meilleure devise pour vendre ses appâts dans cette foire aux illusions  . Ils sont de nature à séduire tout public, avec leur  je-ne -sais-quoi de faussement authentique.

    Mieux encore ! Le Dieu de l'Amour a  pourvu ses cyber conquérants d'un système d'espionnage  à faire pâlir James Bond. Le radar de rencontre géolocalisée! À quoi bon chercher l'âme sœur à des milliers de kilomètres à la ronde,  quand un soupirant transi attend , peut-être,  à quelques encablures de chez vous, que vous le mettiez en transe !

   Espérons que, sous peu , Cupidon fera la paix avec Poséidon et se lancera dans l'élaboration d' un sonar de rencontre aqualocalisée ! Sur terre , on s'ennuie tellement . Quitte à avoir des illusions , autant les avoir à vingt mille lieues sous l'océan . Eprouver l'ivresse des grands fonds et  nager en plein délire avec son amant, n'est-ce pas ce qu'il y a de plus grisant?

mercredi 23 avril 2014


   En avril , ne te découvre pas d'un fil ; en mai , fais ce qu' il te plait ! Certes, le dicton a du vrai . Mais il ne remporte pas l'adhésion de tous nos congénères .

   Pour certaines habitantes  du globe ,  avril dure douze mois par an . Que le mercure fasse des bonds de carpe, et que leur corps sudant réclame, à cor et à cri,  un dénudement partiel, elles n'en ont cure . Au nom d'un dieu sans doute frileux , et surtout d'un époux trop jaloux , elles répugnent à exposer la moindre parcelle de leur anatomie aux rayons de Phébus et aux flots de Neptune .

   Ne les en blâmons pas ! Après tout , ce ne sont que  les épigones des ascètes d'antan . Cela étant, leur cilice manque de discrétion. C'est même vanité que de vouloir étaler un tel accoutrement ! Elles pèchent donc par excès , là où la religion prescrit modération .

    De l'autre côté du globe , ce n'est pas la religion qui dicte un tel comportement , mais un snobisme éminemment désopilant . Dans l'Empire du Milieu, le facekini  séduit les estivants, tout sexe confondu. Il s'agit de protéger son visage des stigmates du Dieu Râ , que l'on juge trop libéral dans la distribution de ses bienfaits . Le bronzage doit rester l'apanage des paysans des champs . Un citadin se doit d'arborer une peau aussi blanche qu'un tofu flottant .

    Il est fort à parier que les plages de la province du Shandong intéresseraient le peintre Eugène Boudin , s'il était encore de ce monde . Il déserterait , tambour battant, les côtes normandes ; emballerait palettes et  pinceaux , et embarquerait illico sur le premier paquebot  . Les bals masqués sur le sable fin , ça mérite d'être immortalisé . D'autant que l'on y croise des super héros. Que voulez-vous! Las de faire  leur cirque en Amérique,  ils préfèrent faire les pitres en Asie. Le batmanning balnéaire, c'est quand même planant   !

    Dans l'Hexagone, ce n'est ni le fanatisme ni le snobisme qui est en vogue sur nos belles plages . C'est l'exotisme et sa compagne si pleine de charme : l'érotisme ! Exit le burkini et le facekini ! La mode  est au  mono-, au bi- , ou au trikini. Les préfixes gréco-latins , on les aime bien , nous , les Gaulois . Surtout quand ils désignent nos costumes de bain  . Ils ont l'avantage d'alimenter les fantasmes masculins.

    Des trois préfixes cités,  il faut bien l'avouer , celui qui remporte tous les suffrages , c'est indéniablement  le premier. Il y en a même qui préféreraient  le zérokini! Au moins , lui , il est indémodable . Le problème , c'est qu'il risque de causer une révolution si l'on entérine son adoption . Imaginez la réaction des champions du burkini et du facekini ! Ils en perdraient la face .

    Remarquez, on ne la voit pas , leur face , tellement ils la cachent . Comme quoi , une  révolution , ça aurait du bon ! Ça ferait  tomber les masques des donneurs de leçon , et ça en dirait long sur l'état de notre  civilisation . Quand le zérokini sera intronisé en grande pompe sur toutes les plages du monde , on pourra tirer comme conclusion que la nôtre sera inévitablement arrivée à péremption ...

dimanche 13 avril 2014

EN HOMMAGE À MONSIEUR CHRISTIAN DAVID (1929-2013)

Place de la Trinité, l’église Second Empire où Messiaen, nouvel Orphée , tint les orgues et s’entretint avec les anges, s’étire vers le ciel. Devant moi, la rue Blanche se déroule comme une page où j’inscris mes espoirs . 

Je jette un bouquet de tendresse à l’angle de la rue Moncey, puis vire à tribord. La rue La Bruyère s’éveille en douceur, tandis que sa cadette, la rue Henner, rêve encore de grandeur. 

Arrêt obligé à la boulangerie de la rue Chaptal, où je satisfais ma gourmandise d’une tarte au sucre aux joues dorées. Puis c’est l’ascension de la rue Fontaine, lieu de plaisirs où les noctambules aiment se perdre jusqu’au confins de l’aube.

 Sur mon passage, un magasin d’antiquités exhibe cuirasses et décorations de guerre d’un siècle éteint, tandis qu’une boutique d’accessoires ressuscite le cirque et ses clowns chamarrés. 

Mon périple prend fin avant l’intersection avec la rue Mansart. Là, au fond d’une petite cour, à l’ombre d’un ailante centenaire, dans son atelier de peintre tapissé de livres, un Sage m’attend.

Certains mercredis , quand mon âme claudique, je gravis allègrement le bas Montmartre pour me recueillir dans ce havre de paix. Dans cet atelier où Degas esquissa des danseuses, un poète–peintre au regard azuré redessine pour moi les contours de ma vie.

 Recroquevillée dans un fauteuil de velours, je l’écoute, et sa voix lumineuse me conduit sur les sentiers de l’espoir. Il tisse patiemment la toile de mon avenir , dénouant les nœuds de mon passé obscur. 

Et l’angoisse qui m’étreint comme une amante trop vorace consent à se détourner de moi. Mon esprit se pare des lauriers de la gloire, et je virevolte sur scène sous les applaudissements d’une foule .

 Mais bientôt, la salle se vide . Et j’adresse mes saluts à un parterre vide. 

Mais qu’importe ! Tel Prospero sur son île , vous sûtes recréer le calme après l’orage. Et cet instant de gloire, aussi bref fût –il, vous lui avez donné la plénitude du BONHEUR..

Paris, 21 Juin 2006

Avoir un toit sur la tête , quand on y réfléchit bien,  n'est pas une priorité pour tout le monde . Derrière des motifs purement économiques , se cachent des motivations hautement philosophiques . Certains humains préfèrent vivre à la belle étoile plutôt que de se retrouver piégés entre quatre murs . Ils sont rares, certes, mais pas inexistants. Dans l'antiquité, le sage Diogène , pour braver les conventions sociales, n'avait-il pas élu domicile dans une jarre ? Opter pour des conditions de vie dénuées de confort , cela n'est pas courant et demande réflexion .

 Or, la réflexion, c'est ce dont nous manquons cruellement en ce monde . Et pour cause . Nous ne nous accordons aucune pause pour nous y adonner . Au lieu de consacrer du temps au temps , nous ne cessons de l'accabler d'imprécations sous prétexte qu'il nous échappe irrémédiablement . C'est sûr, nos professions nous accaparent tellement qu'elles ne nous laissent plus le loisir de penser. Et le peu de temps libre qui nous reste  est happé par l'hydre de la surinformation numérique . Nous devenons des Gargantuas de l'actualité tous azimuts , incapables de digérer autant de matière brute , faisant nôtre la pensée des autres sans penser qu'elle extermine la nôtre .

Comment , après cela , décider du type d'habitat qui nous conviendrait le mieux ? Peut-être , après tout , souhaiterions-nous construire une cabane en pin comme le divin Thoreau , et nous y retirer non loin d'un étang , loin du bruit et de la fureur urbaine ? Peut-être préfèrerions- nous couler des jours heureux dans une yourte mongole ou  un tipi amérindien ? Le problème , c'est que tipi ou yourte , il faut les planter quelque part , et certainement pas sur du béton . Donc à moins de migrer vers  les grandes plaines d'Asie ou celles d'Amérique , il nous reste peu de chance de mener à bien notre entreprise.

Grâce au ciel, des architectes  se  sont penchés  sur la question . Ils ont compris qu'en chacun de nous sommeille un Peter Pan. Ils ont compris qu'enfoui dans notre inconscient se loge notre désir d'une cabane de Robinson  . Celle dans laquelle on trouvait refuge dans notre enfance , au fin fond du jardin d'une maison de campagne . Alors plutôt que de miser sur la pierre et la brique , ils ont  opté pour le bois . Pour faire plus sérieux et faire semblant de préserver l'environnement  , ils ont appelé ça eco- construction. Et ça a marché ! Des lotissements entiers de maisons en bois sont sortis de terre . Mieux encore , des cabanes ont poussé dans les arbres , pour accueillir des touristes nouvelle tendance : les glampeurs , adeptes du glamping ou  camping glamour ...

La brique, le bois , mais que reste-t-il donc ? Vous ne voyez vraiment pas ? Cherchez encore . Les trois petits cochons , ça ne vous dit rien ? La paille , bien-sûr! C'est encore plus écologique et encore plus économique . Et puis au moins , si on s'en lasse , on aura qu'à appeler le Grand Méchant Loup . Il soufflera et soufflera, et la maison s'envolera.

 En somme , le  toit qu'on a  sur la tête est  bien plus révélateur qu'il n'y paraît . Tout adulte que nous sommes , le choix de notre habitat en dit long sur l'enfant que nous avons été . Que l'on décide de vivre dans une yourte , un tipi, une cabane  , une roulotte ou un igloo, inutile de nous faire croire que nous avons grandi . Après tout , ne partons-nous pas , chaque nuit, à destination du pays des songes?



mercredi 9 avril 2014

L'éclosion du printemps génère toujours une grande effervescence dans la vie de tout un chacun . C'est l'antichambre de l'été , saison par excellence du farniente  et de la Dolce Vita. Il fait bon s 'y attarder et s'y apprêter afin de briller de mille feux sur les plages de l'Ile de Beauté . Après de longs mois de déambulation forcée dans les couloirs interminables de l'hiver , quel ravissement de pouvoir arpenter à nouveau les allées bordées de rosiers bourgeonnant et bourdonnant , et de s'imprégner de l'air embaumé qui s'en dégage . C'est à un festin des sens que le printemps nous convie . La vue , l'ouïe , l'odorat  , jusque-là soumis à un régime sévère , font soudainement bombance , entraînant dans leur sillage le goûter et le toucher .

 Cette  moisson de sensations , notre corps n'est pas le seul à en bénéficier . Notre esprit aussi en savoure les bienfaits  . Comme si les noces de la chaleur et de la lumière ouvraient , devant  lui , le champ autrefois clos des possibilités. L'œil de l'espoir se remet à luire , et, avec lui, un appétit de vivre et de conquérir . Les nappes de doutes qui s'étendaient sur le paysage de notre vie s'estompent . L'horizon se dégage , les nuages quittent leur pelage gris . Le ciel , s'il verse quelquefois des larmes , ne le fait que sur le coup de l'émotion . On se sent brusquement à l'unisson avec le monde .

Le printemps , c'est aussi le temps des bonnes résolutions . Celles qu'on a oublié de mettre à exécution le lendemain du jour de l'an. On se regarde le nombril et l'on comprend qu'il est grand temps de mettre un frein aux bonbons . Un coup d'œil dans le miroir et l'on pressent que la nicotine aura bientôt raison de notre carnation. On fait alors le plein de motivation, et en route pour la  détoxination , la musculation , et la  désintoxication ! Tous les moyens sont bons pour refocaliser son attention sur son apparence , maintenant que le nombre croissant de photons ne laisse plus de place à la dissimulation . Le corps de rêve , on y croit dur comme fer , et à tout âge . Illusion suprême ....

L'homme de ses rêves aussi , d'ailleurs . Les remises en question refont leur incursion.  On commence à regarder d'un œil torve son compagnon . C'est qu'il a pris du bidon ! À vivre une vie de Patachon , le voilà affublé d'un  triple menton !  Une changement d'alimentation s'impose ! Adieu veaux , vaches, cochons ! Il faut suivre le conseil du paon d'un célèbre conte :  un pépin de pomme reinette et une gorgée d'eau claire ! Ni plus ni moins ! Et si cela ne suffit pas , reste le supplice de l'inanition . L'union fait la force , dit- on! Force est de constater que le manque d'efforts mène à la désunion .

Oui, le printemps sert aussi à ça ! Faire le grand nettoyage des diktats imposés  par une société rétrograde , où le mâle croit toujours détenir un rôle dominant . Nous autres , les femmes , avons suffisamment combattu pour obtenir  notre émancipation ! Pourquoi serions-nous donc contraintes d'obéir aux injonctions d'une minorité de fanfarons ? Les poignées d'amour ne sont pas l'apanage de notre seul sexe . Si on ne veut pas qu'elles deviennent des tue-l'amour , les hommes savent ce qu'il leur reste à faire ...

samedi 5 avril 2014


Addiction! Il n'est pas de son plus doux à mon oreille que ce mot de trois syllabes . C'est que je pratique cette religion avec dévotion . Si d'aucuns s'attachent à la combattre comme un poison , moi j'y cède avec délectation et n'ai que faire des sermons qu'on pourra me faire sur la question. Oui, je l'avoue, je voue une véritable passion à la compulsion.

Rassurez- vous ! Mes addictions , si elles atteignent des proportions défiant l'imagination, ne sont pas de celles qui tombent sous le coup de la réprobation. Oseriez-vous me blâmer d'aimer quelqu'un à la déraison ? Si vous le faisiez, je ne pourrais que vous témoigner ma commisération. Car vivre sans passion , c'est bien là le propre des moutons.

L'addiction n'a de plus grand ennemi que la modération et ne connaît pas le sens du mot saturation. Un addict digne de ce nom est en rébellion constante contre la restriction. Son champ d'expérimentation est en perpétuelle expansion , allant du bonbon à la boisson, de la natation au marathon, de la fornication à la masturbation mentale. Inutile de poursuivre l'énumération. L'addiction est irréductible à toute classification. Et le compagnon de l'addict pourra , certes , corroborer mon assertion.

S'il y a quelqu'un  à plaindre dans tout ça , c'est bien lui. Pourquoi donc fallait-il qu'il serve de chair à canon au facétieux Cupidon  ? Il se demande vraiment pourquoi l'addict l'a élu pour assouvir ses pulsions . Ce n 'est plus de la passion, c'est de la phagocytation! L'addict qui a développé une fixation sur lui n'est jamais à court d'inspiration.

Surtout depuis les mutations dans les  technologies de l'information. Le telephon' ne son' plus chez Gaston.  L'addict a un goût prononcé pour les innovations . Elle tweete, textote, sextote, et surtout radote. Elle veut être sûre de parvenir à une optimisation de la communication . Si , par malheur , le compagnon ne répond pas fissa, la dépression succède à l'exaltation , et l'addiction , telle une bombe à fragmentation , atteint son plus haut niveau de propagation .  Bonbons , boissons, natation, marathon, fornication, masturbation mentale, c'est l'explosion !

Que l'on ne s'étonne pas si le compagnon finit, un jour ou l'autre, par jeter l'éponge . Trêve de bonnes actions ! Il a beau être animé de bonnes intentions , il tient à préserver intacte sa raison . Tant pis pour lui ! Il ne mérite même pas la compassion. L'addict, elle , n'a que faire d'un canasson . Il lui faut un étalon. Alors elle fait appel à son imagination. Et la voilà repartie pour de nouvelles explorations , l'œil vif , le cœur vaillant ! Quelle faculté de récupération !

En somme, l'addiction, ça a du bon.  C'est le meilleur remède contre la stagnation , et , surtout, ça permet de faire le tri parmi vos compagnons. Alors honte aux impies qui osent brandir le spectre  d'une désintoxication ! il ne  méritent aucunement votre considération...

mercredi 2 avril 2014



Que ne ferait-on pas pour connaître l'avenir ! L'ignorance du lendemain nous effraye tellement , que nous sommes disposés , parfois , à confier nos interrogations les plus intimes à des inconnues que nous investissons d'un pouvoir égal à celui du divin.

Certes la voyante , de nos jours , n'est plus la bohémienne au fichu qui arpente les rues en quête de quelques misérables écus . Elle a pignon sur rue et officie dans un cadre cossu . En se sédentarisant, elle  a troqué sa roulotte bringuebalante pour un appartement élégant . On doit faire antichambre avant de fouler le parquet  de son salon. C'est que les grands de ce monde s'y pressent . Du politicien au capitaine d'industrie, tous accourent pour lui demander audience.

 La boule  de cristal , si elle subsiste, n'est plus qu'un objet ornemental.  Plus besoin aussi de tendre la paume de la main avec son entrelacs de lignes de vie ,  de cœur , et de destin . La chiromancie ne fait plus recette . On préfère s'inspirer de la révolution  des planètes . Quoi de plus enivrant que de se sentir exister au sein de l'univers , sous l'influence de Venus ou de Jupiter , comme Ulysse bravant vents et tempêtes avant de regagner enfin  la paisible Ithaque !

 Car la vie est une Odyssée . Ce n'est pas un simple parcours de santé . Parfois il nous arrive de perdre pied et d'être embarqué, bon gré mal gré, sur le radeau de la Méduse . Alors, pour pour éviter de sombrer,  on s'en remet aux astres , et à leur grande prêtresse . Le spectacle certes est moins exaltant que celui de la Pythie rendant l'oracle d'Apollon . Point de transe ni de langage abscons. La sphinge des temps modernes incarne la raison . Elle manie chiffres et compas à la perfection . Qui eût cru qu'une simple date de naissance recélât une telle foison d'informations !

Mais gare aux mauvaises interprétations ! On peut  passer sa vie à craindre le pire , comme le dramaturge grec Eschyle , à qui un augure  avait prédit qu'il perdrait la vie lors de la chute d'une maison . Le poète tragique  prenait donc soin de passer le plus clair de son temps hors de sa demeure. Cela ne l'empêcha pas d'avoir le crâne fracassé  par la carapace d'une tortue qu'un gypaète avait laissé tomber à dessein sur sa tête , l'assimilant à tort à une grosse pierre . La raison de son  trépas fut bien la chute d'une maison , mais pas celle qu'il redoutait.

Quant aux superstitions , elles sont , pour certains,  un poison quotidien. Les chats noirs , les échelles , les miroirs deviennent les bêtes noires des angoissées congénitales . Le mauvais œil aussi, mieux vaut l'éviter , en se bardant d'amulettes et en faisant discrètement les cornes ( du diable ) pour conjurer le mauvais sort . Pour ce qui est d' avoir la baraka , il est d'usage de toucher du bois . Et les manchots dans tout ça ? Ils font quoi ?

Une chose est sûre . Quoi qu'on fasse , rien n'arrêtera les sombres Parques dans leur implacable tâche . On peut toujours essayer de leur faire les yeux doux , elles sont aveugles . Le jour venu , elles couperont le fil de notre vie et l'on ira rejoindre les astres , débarrassés de ce fatras de doutes et de craintes , d'espoirs et de gloires . La vie est un jeu de hasard . Alors battons les cartes nous-mêmes au lieu de recourir à la cartomancie , chiromancie et autres mantiques dernier cri. L'avenir adviendra quoi qu'on fasse . Alors vivons pleinement le présent , et croisons les doigts...

samedi 29 mars 2014



Tout le monde n'a pas la chance de s'appeler Pygmalion . Non seulement le sculpteur virtuose est-il parvenu à façonner , de ses propres mains , la statue incarnant son idéal féminin ,  mais il a aussi eu l'immense privilège de jouir de la haute considération de Vénus , qui, une fois n'est pas coutume,  a bien voulu jouer les bonnes fées .  La déesse ne lui a-t-elle pas accordé l'insigne faveur de métamorphoser l'ivoire en chair , une fois conçue la Galatée de ses rêves  ? Quel humain n'a pas rêvé de voir un jour prendre corps la créature de ses fantasmes ...

C'est surtout au XIXe  siècle que l'on observe la résurgence du mythe dans un certain nombre d'œuvres littéraires entre  autres  .  Le ballet Coppélia , inspiré d'un conte fantastique d'Hoffmann ,  retrace l'obstination folle du Dr Coppélius à vouloir insuffler vie à une automate de sa composition . L'obsession , qui l'habite , d'extraire  l'étincelle vitale d'un humain pour la transférer à sa poupée , le conduira à mettre au point un stratagème diabolique : Appâter le jeune Frantz ,  qui se pâme d'amour pour "la fille aux yeux d'émail"  et dont il ne soupçonne pas l'inappartenance au monde humain . Désireux de lier connaissance avec Coppélia, le jeune homme s'introduit dans le logis du savant fou  et n'en  ressort vivant que grâce à  l'intervention providentielle de sa fiancée Swanilda .

Au  XXIe siècle ,  ce sont les inventeurs les plus hardis de la Silicon Valley qui ont décidé d'exaucer le vœu prioritaire de toutes les wish lists : la conception DU ou de LA partenaire idéal(e). Au fil du temps l'on s'est bien rendu compte qu'il est vain d attendre l'homme ou la femme de sa vie. Soit l'on tombe sur un corps bien fait et une cervelle mal faite , soit le contraire . Alors , on s' est fait une raison . Plutôt que de se tourner vers la religion, on a placé sa foi dans les innovations technologiques . En misant sur le numérique, on a eu tout bon !

Ainsi , la réalité virtuelle , terrain d'élection d'amateurs de sensations extrêmes , est-elle aussi devenue le giron des romantiques exacerbés ou des libertins patentés. Grâce à un casque  High Tech équipé  de capteurs  ,  il est maintenant possible de s'immerger dans le monde parallèle de notre choix . L'on n'aura plus besoin de perdre son temps sur des sites de rencontre à la recherche de l'âme sœur . Il suffira de configurer le casque du futur pour que se matérialise , sous nos yeux, le compagnon ou la compagne de nos rêves . Fini le temps des couples en crise ! Voici venir le temps des rires et des chants . Dans cette île enchantée , ce sera toujours le printemps !

Pour les messieurs plus tactiles et moins portés sur l'interaction virtuelle , l'importation des Love Dolls made in Japan demeure la meilleure option .  II  n'y a qu'à voir comment les Nippons passent du bon temps auprès de ces plantureuses poupées de silicone à taille humaine , substitut idéal pour assouvir leurs fantasmes les plus coquins .  Il faut dire que l'on peut choisir non seulement leurs mensurations , mais aussi la forme de leur visage , leurs cheveux et , bien-sûr, leur habillement . De la collégienne en socquettes à la vamp ravageuse , l'éventail est large. On est loin de la poupée gonflable qui , dans le feu de l'action, risque de vous éclater entre les mains . La Love Doll a une durée de vie illimitée , de sorte que l'on peut même la léguer à ses héritiers en cas de départ précipité vers l'au-delà .

Enfin , pour les irréductibles , ceux qui sont réfractaires aux avancées technologiques et qui n'ont pas envie de jouer à la poupée , reste le rêve . C'est le plus sûr moyen de ne jamais être déçu . À quoi bon solliciter le secours des autres quand on a , à sa disposition,  la machine la plus puissante qui soit sur terre : l'imagination . Inutile d'invoquer dieux et déesses. La divinité, c'est votre esprit. Il vous connait par coeur et saura repétrir , tel Pygmalion, le visage de l'être aimé que vous avez croisé , un soir de mai, sur le sentier de votre vie , et qui restera à jamais gravé dans votre mémoire, cathédrale du souvenir,  comme le mot Ananké jadis inscrit  dans la pierre d'une sombre tour de Notre-Dame.