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jeudi 22 mai 2014


   D'ici 50 ans , l'on n'aura plus besoin , comme Faust , de vendre son âme au diable pour accéder à l'immortalité . Avec les progrès des nanotechnologies , les limites de l'humain seront repoussées , et la mort sera contournée . La science terrassera donc la religion en battant en brèche l'idée d'un Dieu tout-puissant, pourvoyeur de vie comme de mort .

    Tel est le projet du courant transhumaniste , qui mise sur la création de l'homme 2.0, aux capacités physiques et cérébrales tellement démultipliées qu'elles ôteraient aux Parques le soin de couper le fil de notre destinée puisque nous échapperions à la mortalité . Toute une mythologie à refaire ...

   Certes les avancées scientifiques ont permis , au cours des décennies passées,  de pallier à des infirmités physiques congénitales ou accidentelles . La pose de prothèses articulaires internes  , ou  le recours à des exoprothèses en cas de mutilation d'un membre , ont amélioré la qualité de vie de beaucoup d'hommes . Aucune objection n'a été soulevée lors de cette adjonction de matériaux métalliques au corps humain , qu'elle soit endogène ou exogène .

    Et pourtant un grand pas à été franchi . La fusion entre le vivant et le mécanique . En bref , les premiers cyborgs ont vu le jour . Discrètement . Sans faire de bruit . Après tout il n'était question que de réparer les parties du corps humain endommagées . Qui reprocherait à un unijambiste de recouvrer sa capacité à remarcher ?

    Mais l'insatiabilité est au cœur de l'homme . Il lui fallait donc aller encore plus loin. Si l'unijambiste peut remarcher à nouveau comme un homme normal , pourquoi ce dernier ne pourrait-il courir plus vite que son ombre ? L'idée d'un "homme augmenté" à donc germé et  fleuri dans les cerveaux de chercheurs désireux de construire un surhomme capable de surpasser la créature de Dieu.

    Après tout , la science -fiction nous a familiarisés avec son panthéon de super-héros venus à la rescousse de l'humanité . Homme araignée ou homme chauve-souris , leur hybridité homme - animal ne nous a pas effrayés outre - mesure . Bien au contraire . Nous n'avons de cesse de les chérir et achetons ,pour nos enfants, panoplies de déguisement et produits dérivés à leur effigie .

    Pourquoi donc cette  subite levée de boucliers et cette diabolisation des apôtres de l'homme augmenté ?  Les nombreux pharisiens brûlent d'envie de voir périr sur le bûcher  les  transhumanistes ,  traités d'hérétiques menaçant  la survie de l'espèce humaine existante . Ils brandissent le spectre des inégalités à venir si l'avènement de l'homme nouveau se réalisait .

    Une humanité à deux vitesses ! Voilà ce qu'ils dénoncent ! À les écouter , seuls quelques "happy few" nantis pourraient s'octroyer le privilège d'implanter dans leurs cerveaux , ou de greffer sur leurs corps , des nanoélectrodes connectées à un  ordinateur qui amélioreraient leurs performances intellectuelles ou physiques . Et les body hackers? Ils en font quoi ? Quitte à bricoler , autant le faire sur son propre corps . D'ici 2050, chacun disposera d'un kit de nano-implants  personnalisé qu'il se greffera à son gré.

    Hypocrites détracteurs ! Vos yeux pétillent rien qu'à l'idée de chausser prochainement les lunettes à réalité augmentée , et vous osez clouer au pilori ceux qui se proposent d'équiper vos prunelles d'implants rétiniens pour vous doter d'un œil de lynx ? Vous criez au scandale lorsque l'on vous parle des exploits que pourra réaliser l'homme bionique , alors que vous rêvez de l'égaler en vous essoufflant vainement sur les engins de torture d'une salle de fitness? Et vos femmes ? Vous ne vous posez pas tant de questions quand elles se font implanter des prothèses mammaires pour satisfaire vos instincts primaires !

    Vivons avec notre temps ! Et laissons le choix,  à qui le désire , de réaliser ses fantasmes d'humain  "amélioré".  Et si , un jour , nous parvenons à télécharger notre esprit dans un robot-avatar , comme le propose un milliardaire russe,  pourquoi pas ! Après tout, pourquoi nous refuser à l'immortalité?   Cela voudra dire que la science fiction appartient désormais au passé,  et que le  meilleur des mondes d'Aldous Huxley n'est pas si éloigné que ça de la réalité .

dimanche 11 mai 2014



   Si , avant, le médecin jouissait d'un prestige comparable  à celui du curé de village , de nos jours il est tout aussi ignoré que lui . Une irréligion grandissante s'est développée conjointement avec une méfiance accrue envers l'institution médicale . Pour faire court, on se détourne autant d'Esculape que de Dieu .

    C'est qu'une autre divinité a fait son apparition dans le panthéon des guérisseurs du corps et de l'esprit : le thérapeute ! Finis les traitements médicamenteux foireux ! Certains dévots de la minceur  y ont même laissé leur peau , eux qui voulaient justement n'avoir plus que la peau sur les os. Paix à leur âme!  Beaucoup  se sont retrouvés les deux pieds dans la tombe sans avoir même reçu l'extrême onction. On comprend , après ça , que les médecins ne soient plus en odeur de sainteté du tout.

    Plutôt que de tenter le diable , on préfère désormais placer  sa confiance dans la thérapie qui a les bonnes grâces des médias . Autant vous dire qu'on change souvent d'avis , car les médias , comme chacun sait , encensent aujourd'hui ce qu'ils conspuent  demain .  À leur décharge , on doit dire que certaines de ces thérapies se fondent sur des théories pour le moins hérétiques .

    La thérapie quantique , par exemple , défie l'orthodoxie . Comme beaucoup d'entre nous l'ignorent , nos cellules communiquent entre elles en émettant des particules lumineuses . Dès lors , toute défaillance dans ce vaste réseau de bio photons se traduit par des troubles soit physiques soit psychiques . Au thérapeute quantique la mission de pallier ce dysfonctionnement en appliquant, sur le corps du patient, des électrodes reliées à un appareil électronique censé recadrer les ondes électromagnétiques de notre corps.

    Si cette théorie ne remporte pas votre adhésion ,  essayez plutôt la zoothérapie . Il n'y a que l'embarras du choix pour désigner quel animal soulagera vos maux psychiques . Si vous résidez sur une île , pourquoi ne pas tenter la delphinothérapie, histoire de réactiver vos souvenirs de Flipper le dauphin. En métropole , un cynothérapeute sera vivement conseillé . Les toutous sont beaucoup plus faciles à trouver et aussi  à domestiquer .

    Si vous êtes allergiques aux bêtes , allez donc consulter un hypnothérapeute . Rassurez-vous ! Il ne s'agit pas de regarder fixement un pendule et de tomber dans un état second! Le spécialiste en question se défend d'être un charlatan . Et pour le prouver , il ira jusqu'à pourfendre les champions de la  thérapie analytique , qui , il faut bien le dire , lui font encore de l'ombre .   Selon lui , seul le lobe droit du cerveau ( et non le gauche ) a droit à tous les égards . Ah bon ?

    Entre toutes ces thérapies , on ne sait plus trop bien  à quel saint se vouer. Le mieux , à mon humble avis , est de concocter une thérapie à votre  sauce . Pour ma part , je préconise une pincée de chocotherapie, trois cuillères à soupe d'héliotherapie et de thalassothérapie ( le soleil et la mer , ça ne fait jamais de mal ) , une dose non négligeable d'art thérapie ( Dieu soit loué ! Les arts sont multiples et variés ) , le tout nappé de gym thérapie . Et cerise sur le gâteau, de l'amour thérapie! Il ne me reste plus maintenant qu'à vous souhaiter un BON APPÉTIT!

jeudi 8 mai 2014


    La plus belle déclaration d'amour du septième art , on la doit à Godard , dans LE  MÉPRIS  . Une seule phrase , je devrais dire un seul vers , presque un alexandrin.  Et surtout  la déclinaison de trois adverbes , puissants et fragiles comme une hirondelle qui s'élance dans un ciel azuré , et dont l'élan se brise contre une paroi de granit . "Je t'aime totalement , tendrement , tragiquement ", dit Paul à Camille . Comme si le rythme ternaire était propre à la fatalité. Comme si le véritable amour était punissable , condamné d'avance  à cause de ce trop plein , cette hubris des sentiments .

    Aimer trop n'est plus aimer . C'est adorer . Et l'on  sait que les dieux jaloux ne peuvent souffrir que les hommes témoignent à leurs semblables ce qui leur est réservé en propre . Mais laissons-là les dieux .  Ils sont un prétexte trop futile  pour cacher une vérité immarcescible.  Disons  plutôt que le coeur de l'homme ne peut contenir que pour une durée limitée un élan amoureux illimité . À force de brûler d'amour pour l'autre  , le cœur se consume . Il se calcine plus qu'il ne se brise .


    Mais le cœur est un phénix qui renaît toujours de ses cendres . Pour se consumer à nouveau , pour un autre ou une autre . Nous sommes tous des Sisyphes qui gravissons la montagne le cœur léger pour en redescendre le cœur lourd . Faut-il s'en plaindre ? Est-il préférable d'avoir un cœur de pierre ?

    Certes non . Sans amour , on n'aurait plus goût à la vie . On ne donnerait plus la vie aussi. À quoi bon servirait-il de jouer les prolongations sur cette terre sans  personne pour nous y retenir ? À quoi bon servirait-il de prolonger une lignée sans aucune lueur d'espoir pour éclairer son avenir?

    Totalement , tendrement , tragiquement :  telle est notre devise . Même si l'on doit souffrir, ne nous épargnons pas le délice de faire provision de souvenirs .  L'amour , on a beau dire , est une île enchantée où il est doux de vivre , même si l'on sait , qu'un jour, elle sombrera comme l'Atlantide sous le poids de nos  soupirs .

mardi 6 mai 2014




   On récolte ce qu'on s'aime . Là est la secret du bonheur . Mais pourquoi donc , si l'on en connaît la recette , le bonheur s'avère-t-il inaccessible pour certains  d'entre nous ? Est-ce parce qu'ils ne savent pas séparer le bon grain de l'ivraie qu'ils ne font que de piètres moissons?

   Disons plutôt que, par une excentricité  de la nature , ils préfèrent l'ivraie au bon grain . Ainsi  certains s'aiment tellement qu' ils s'aliènent leurs semblables en réclamant d'eux une dévotion sans faille . Dressés sur leur  piédestal , ils attendent  qu'on se prosterne à leurs pieds , comme ces idoles païennes exigeant  sacrifices et offrandes .  Dans leur sillage , ne vous attendez  à trouver que des personnages qui lustrent leur plumage et se pâment à l'ouïe de leur ramage.

    Sont- ils heureux , ces dieux et déesses terrestres ? Hélas non . Pas plus que ceux qui ne s'aiment pas assez . Car il est une engeance encore pire que les idolâtres de l' ego. Je veux parler de ces adeptes de la mortification qui se répandent en lamentations depuis le jour de leur naissance . Ils ne comprennent pas que l'on puisse un jour les aimer , eux qui portent  leur cœur  en bandoulière  le long du chemin de croix de leur destinée .Chaque jour ,  leur miroir leur renvoie l' image d'un  moi honni, qu'ils  meurtrissent à l'envi, pour je-ne -sais quelle raison enfouie .

   Dans les deux cas , la récolte est bien maigre  . Qu'il s'agisse d'un ego hypertrophié ou , à l'inverse, hypotrophié, l'excès ou le manque d'amour de soi a peu de chance de faire germer l'amour chez autrui .  Les Narcisse ne jettent leur dévolu que sur un aréopage fasciné par leur illusoire majesté ; et les mordus de l'autoflagellation , sur la harde d'individus aigris  et âpres à la dépréciation d'autrui .

   Or la vénération aussi bien que la dévalorisation n'ont jamais fait le lit de l'amour . Bien au contraire . Elles ne réussissent qu'à le défaire . Qu'on ne me parle pas de l'amour vache qui oscille continûment entre ces deux extrémités.  Il ne concerne que les créatures hybrides dont l'estime de soi fluctue au gré de leur humeur . Ils vivent un enfer et font vivre un enfer à l'autre .

   Aimer quelqu'un , c'est l'aimer constamment .C'est accepter ses qualités sans pour autant les encenser , et tolérer ses défauts sans pour autant les fustiger . Mais , pour ce faire, il convient de bien s'aimer : ni trop , ni trop peu, et faire confiance à la vie . Rien ne sert de pleurer. Il faut sourire à point. Pour faire moisson du bonheur, il ne faut rien de moins qu'attendre  la bonne saison.


mardi 29 avril 2014


   On n'arrête pas le progrès . Surtout quand il se mêle des affaires de coeur ...

    Avant, Cupidon n'avait, pour accomplir sa mission, qu'à tirer une flèche de son carquois  et transpercer le cœur de ses proies . S'ensuivaient  des associations malencontreuses débouchant sur des unions malheureuses et des séparations douloureuses . Car bien qu'ayant plusieurs cordes à son arc , il arrivait bien souvent au piètre archer de manquer sa cible , ayant, comme chacun sait ,  les yeux éternellement bandés.

    Puis ce fut le grand Big Bang ( informatique) et le patient tissage d'une Toile dans l'espace intersidéral ( du  digital ) . Hors de question  , pour le  fils de Vénus, de battre de l'aile et de s'avouer vaincu . Il enfourcha Pégase et partit à l'assaut du virtuel , qu'il conquit sans coup férir . Il se lia d'amitié avec une souris qui lui permit, en quelques clics , d'étendre son empire sur la vaste sphère cybernétique.

    Plus besoin , désormais , pour Cupidon, de décocher de flèches afin d' unir , pour le meilleur ou pour le pire, les destins de deux humains . Il ne lui suffit que de munir leurs mains fébriles d'une tablette tactile,  et de les laisser surfer sur le flot des  ondes électromagnétiques  . Le courant passe indubitablement . Par le biais d'un écran , on raconte sa vie , on l'enjolive même,  en  omettant de mentionner, il va sans dire, les détails les moins croustillants .

    C'est qu'il faut donner envie, et ouvrir l'appétit du futur prétendant. Alors , dans la communauté des e-lovers , on prend soin de soigner son profil . Qui sait ! un coup de foudre est si vite arrivé! Mieux vaut donc se présenter sous son  jour le meilleur . Les selfies sont, sans conteste,  la meilleure devise pour vendre ses appâts dans cette foire aux illusions  . Ils sont de nature à séduire tout public, avec leur  je-ne -sais-quoi de faussement authentique.

    Mieux encore ! Le Dieu de l'Amour a  pourvu ses cyber conquérants d'un système d'espionnage  à faire pâlir James Bond. Le radar de rencontre géolocalisée! À quoi bon chercher l'âme sœur à des milliers de kilomètres à la ronde,  quand un soupirant transi attend , peut-être,  à quelques encablures de chez vous, que vous le mettiez en transe !

   Espérons que, sous peu , Cupidon fera la paix avec Poséidon et se lancera dans l'élaboration d' un sonar de rencontre aqualocalisée ! Sur terre , on s'ennuie tellement . Quitte à avoir des illusions , autant les avoir à vingt mille lieues sous l'océan . Eprouver l'ivresse des grands fonds et  nager en plein délire avec son amant, n'est-ce pas ce qu'il y a de plus grisant?

mercredi 23 avril 2014


   En avril , ne te découvre pas d'un fil ; en mai , fais ce qu' il te plait ! Certes, le dicton a du vrai . Mais il ne remporte pas l'adhésion de tous nos congénères .

   Pour certaines habitantes  du globe ,  avril dure douze mois par an . Que le mercure fasse des bonds de carpe, et que leur corps sudant réclame, à cor et à cri,  un dénudement partiel, elles n'en ont cure . Au nom d'un dieu sans doute frileux , et surtout d'un époux trop jaloux , elles répugnent à exposer la moindre parcelle de leur anatomie aux rayons de Phébus et aux flots de Neptune .

   Ne les en blâmons pas ! Après tout , ce ne sont que  les épigones des ascètes d'antan . Cela étant, leur cilice manque de discrétion. C'est même vanité que de vouloir étaler un tel accoutrement ! Elles pèchent donc par excès , là où la religion prescrit modération .

    De l'autre côté du globe , ce n'est pas la religion qui dicte un tel comportement , mais un snobisme éminemment désopilant . Dans l'Empire du Milieu, le facekini  séduit les estivants, tout sexe confondu. Il s'agit de protéger son visage des stigmates du Dieu Râ , que l'on juge trop libéral dans la distribution de ses bienfaits . Le bronzage doit rester l'apanage des paysans des champs . Un citadin se doit d'arborer une peau aussi blanche qu'un tofu flottant .

    Il est fort à parier que les plages de la province du Shandong intéresseraient le peintre Eugène Boudin , s'il était encore de ce monde . Il déserterait , tambour battant, les côtes normandes ; emballerait palettes et  pinceaux , et embarquerait illico sur le premier paquebot  . Les bals masqués sur le sable fin , ça mérite d'être immortalisé . D'autant que l'on y croise des super héros. Que voulez-vous! Las de faire  leur cirque en Amérique,  ils préfèrent faire les pitres en Asie. Le batmanning balnéaire, c'est quand même planant   !

    Dans l'Hexagone, ce n'est ni le fanatisme ni le snobisme qui est en vogue sur nos belles plages . C'est l'exotisme et sa compagne si pleine de charme : l'érotisme ! Exit le burkini et le facekini ! La mode  est au  mono-, au bi- , ou au trikini. Les préfixes gréco-latins , on les aime bien , nous , les Gaulois . Surtout quand ils désignent nos costumes de bain  . Ils ont l'avantage d'alimenter les fantasmes masculins.

    Des trois préfixes cités,  il faut bien l'avouer , celui qui remporte tous les suffrages , c'est indéniablement  le premier. Il y en a même qui préféreraient  le zérokini! Au moins , lui , il est indémodable . Le problème , c'est qu'il risque de causer une révolution si l'on entérine son adoption . Imaginez la réaction des champions du burkini et du facekini ! Ils en perdraient la face .

    Remarquez, on ne la voit pas , leur face , tellement ils la cachent . Comme quoi , une  révolution , ça aurait du bon ! Ça ferait  tomber les masques des donneurs de leçon , et ça en dirait long sur l'état de notre  civilisation . Quand le zérokini sera intronisé en grande pompe sur toutes les plages du monde , on pourra tirer comme conclusion que la nôtre sera inévitablement arrivée à péremption ...

dimanche 13 avril 2014

EN HOMMAGE À MONSIEUR CHRISTIAN DAVID (1929-2013)

Place de la Trinité, l’église Second Empire où Messiaen, nouvel Orphée , tint les orgues et s’entretint avec les anges, s’étire vers le ciel. Devant moi, la rue Blanche se déroule comme une page où j’inscris mes espoirs . 

Je jette un bouquet de tendresse à l’angle de la rue Moncey, puis vire à tribord. La rue La Bruyère s’éveille en douceur, tandis que sa cadette, la rue Henner, rêve encore de grandeur. 

Arrêt obligé à la boulangerie de la rue Chaptal, où je satisfais ma gourmandise d’une tarte au sucre aux joues dorées. Puis c’est l’ascension de la rue Fontaine, lieu de plaisirs où les noctambules aiment se perdre jusqu’au confins de l’aube.

 Sur mon passage, un magasin d’antiquités exhibe cuirasses et décorations de guerre d’un siècle éteint, tandis qu’une boutique d’accessoires ressuscite le cirque et ses clowns chamarrés. 

Mon périple prend fin avant l’intersection avec la rue Mansart. Là, au fond d’une petite cour, à l’ombre d’un ailante centenaire, dans son atelier de peintre tapissé de livres, un Sage m’attend.

Certains mercredis , quand mon âme claudique, je gravis allègrement le bas Montmartre pour me recueillir dans ce havre de paix. Dans cet atelier où Degas esquissa des danseuses, un poète–peintre au regard azuré redessine pour moi les contours de ma vie.

 Recroquevillée dans un fauteuil de velours, je l’écoute, et sa voix lumineuse me conduit sur les sentiers de l’espoir. Il tisse patiemment la toile de mon avenir , dénouant les nœuds de mon passé obscur. 

Et l’angoisse qui m’étreint comme une amante trop vorace consent à se détourner de moi. Mon esprit se pare des lauriers de la gloire, et je virevolte sur scène sous les applaudissements d’une foule .

 Mais bientôt, la salle se vide . Et j’adresse mes saluts à un parterre vide. 

Mais qu’importe ! Tel Prospero sur son île , vous sûtes recréer le calme après l’orage. Et cet instant de gloire, aussi bref fût –il, vous lui avez donné la plénitude du BONHEUR..

Paris, 21 Juin 2006