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lundi 23 septembre 2013

   Marguerite, c'est le nom d'une fleur . Et pas de n'importe laquelle. C' est la fleur-oracle de notre enfance, celle qui nous révèle , par son effeuillage, l'amour que nous porte l'élu de notre cœur . C'est aussi le nom de la célèbre courtisane immortalisée par Dumas fils: la Dame aux camélias. Une femme-fleur  arborant des camélias ! Dumas avait du flair quand il transmue Marie Duplessis en Marguerite Gautier. Car quoi de plus enivrant que de se glisser dans le sillage capiteux de cette hétaïre sulfureuse , qui traversa le ciel des demi-mondaines comme une étoile filante . Les météores laissent une empreinte bien plus profonde  que les astres éternellement fixés à la voûte céleste . Aussi lumineux soient-ils , ces derniers suscitent certes notre admiration, mais ils ne possèdent pas cette fulgurance capable de nous ébranler dans tout notre être .

Ce soir , à l'Opéra Garnier , une Etoile a incarné l'héroïne au destin tragique. Une étoile pas comme les autres. D'abord parce que c'est ma sœur et qu'elle illumine ma vie depuis des siècles . Et puis aussi parce que Dieu, en la créant, l' a dotée d'un don surnaturel , celui de séduire  les anges. Les séraphins ont sans doute été charmés par cette danseuse gracile , au teint diaphane moucheté d'éphélides et aux jambes interstellaires . Ils ont été conquis par sa bonté et son humilité aussi. Et sa ténacité . C'est pour cela qu ils l'ont prise sous leur aile . Quand elle évolue sur scène ,  ils descendent des cieux pour la bénir. Ce soir , ils étaient venus en grand nombre. Je les ai senti effleurer mon âme à plusieurs reprises . Je les ai même entendu sangloter quand Marguerite rejoint l'éternité . Réussir à émouvoir les anges , c'est un privilège qui  n'est pas donné à tout le monde . Alors , si un jour, vous avez la chance de contempler ma sœur danser, ne vous inquiétez pas de vous sentir parcourir de frissons. Ce sera simplement le frôlement des  plumes d'un ange , qui passe....



dimanche 22 septembre 2013


   Essaouira, le vent s’engouffre par tes créneaux en ton sein , et gonfle tes poumons de cité corsaire.Tel un navire de guerre,  tes  canons pointés vers l’horizon,  tu défies l’océan et ses lames en furie.  La blancheur de tes murs claque comme une voile, tandis que tes portes de bois posent leur regard bleu turquoise sur les  frêles silhouettes colorées s’écoulant le long des ruelles. En cet après-midi de printemps,  le soleil ruisselle sur  tes toits aplatis par la chaleur.

   Ignorant les passants,  deux chats noir ébène , enroulés comme deux rubans de réglisse, reposent à l’ombre d’un banc de pierre. Non loin, Amine , treize ans, me sourit et me fait signe de le suivre avec un air de mystère.Ses yeux noisette respirent la candeur et semblent heureux de me conduire là où personne ne va.

    Au détour d’un bâtiment lépreux , une cour secrète, de modestes dimensions, se révèle à ma vue. Là, emplissant l’espace de sa toute-puissance végétale, un ficus géant déploie ses vigoureuses ramures vers l’azur étincelant. Le colosse trône sur un entrelacs de racines , agrippant la terre  de ses doigts noueux.

   « Il a trois siècles », me dit Amine tout-bas, avec un respect empli de fierté.Puis il s‘assoit au pied de l’arbre , comme  pour m’en faire mesurer la grandeur , lui , le petit prince à la peau dorée au royaume des baobabs. Mes yeux éblouis remontent vers la couronne émeraude du vénérable ancêtre. Là-haut, depuis des siècles, les feuilles tissent un vaste étendard percé, à maints endroits,  par les coups de rapière du dieu soleil , et ce sont autant d’ étoiles qui me  clignent des yeux avec malice, dans cette petite cour aux mille et un délices.








samedi 21 septembre 2013

C’est la nuit, que, se dressant telle un phare au-dessus de la marée humaine qui déferle à ses pieds, la Koutoubia prend vie. Il faut être patient, guetter la venue du crépuscule depuis les hauteurs du Café de France, pour  être témoin de  sa métamorphose. Simple minaret le jour, elle se voile , la nuit, de mystère, et , s’harnachant de lumières, guide les pas du promeneur solitaire à travers cet océan de clameurs, d’odeurs et de saveurs ,vers la place Jemaa El Fna.

Peu à peu, les lampions des carrioles des marchands ambulants ouvrent leurs yeux d’or . Et déjà montent des réchauds à brochettes une fumée épaisse qui rappelle ces lourds nuages d’encens en suspension lors des célébrations religieuses. La place , jusque-là engourdie par le va-et-vient rhapsodique des touristes réchappés du souk,  émerge lentement  de sa torpeur. Elle se recueille avant d’accueillir d’autres hôtes, d’autres atmosphères . Et  on se plaît à imaginer qu’un génie tout-puissant se matérialise subitement dans le creuset de cette lampe merveilleuse .

Gesticulant comme une marionnette  dans sa djellaba blanche, un conteur officie devant son auditoire accroupi. Ses bras scandent la musique de ses paroles, tandis qu’au loin, s’élève dans les airs comme la voix aigrelette d’une cornemuse . Mais l’instrument est nerveux, et ses contorsions sonores , appuyées par le rythme effréné d’un tamtam,  tiennent plus de l’incantation propre à évoquer les djinns.

Mais déjà ,ce n’est plus l’Ecosse et ses lochs brumeux qui jaillissent à mes yeux, mais la Chine et son dragon fabuleux qui  fait trembler les hommes. L’animal, jusque-là tapi dans des profondeurs insondables , a fait brusquement surface ,et son corps de reptile aux écailles de feu ondule dans la foule. L’air, devenu irrespirable , s’embrase à son passage. Et tel Néron contemplant  Rome incendiée, je tréssaille de bonheur  quand enfin le cœur rougeoyant  de Marrakech se met à battre violemment .


mercredi 18 septembre 2013

Ça n'a pas l air , mais cela fait bientôt  trois semaines que BB Blog a vu le jour . Je m'en souviens encore . Ni péridurale , ni forceps ! Un accouchement sans douleur ! Le rêve ! Depuis , les insomnies sont devenues mes alliées . Normal , j'occupe mes nuits à le bichonner. Après consultation d' un spécialiste, le nourrisson se porte plutôt bien . Sa courbe de croissance est plus qu'honorable . Croisons les doigts !

Il faut dire que je l'emmène partout avec moi . Il a pris le soleil sur les plages de l'Ile de Beauté, a arpenté le Grand Foyer de l' Opéra Garnier ,  a parcouru la rue des Martyrs en  long et en large , et a même discouru avec feu les carpes du domaine de Marly-le-Roi. Versailles , ce sera pour plus tard . Procédons par étapes. 

Une chose est certaine ,  BB Blog possède un avantage indéniable sur ses congénères: il parle ! Rendez-vous compte ! C'est inouï . Il faut dire que la gestation a été longue . Il a fallu quelques années avant qu il ne soit finalement expulsé du  cortex de sa maman. Alors , il faut le comprendre . Il devait s'ennuyer ferme là-haut . Surtout que ses  idées se bousculent vite , et que le sang lui monte vite a la tête . Alors il a fallu qu il réagisse . Il a pris son courage à deux mains , a passé de longues nuits à parfaire son maniement de la langue française , et a mis un peu d'ordre dans la cervelle maternelle. C'est un BB très prévenant , comme vous pouvez le constater. Et surtout très prévoyant . Car il se doutait bien qu'un jour ou l'autre , sa génitrice partirait en vrille  si rien n était fait .

Pas étonnant donc , que BB Blog soit très choyé sur la blogosphère. Il reçoit beaucoup de courriers électroniques  . Il ne sait plus où donner de la tête parfois. Il a même reçu des demandes en  mariage . Vous imaginez ? Heureusement que sa maman veille au grain. Un BB Blog , c'était inespéré pour elle . Alors rien n'est trop beau pour lui.  Elle le pomponne . En ce moment , il est vêtu d'une grenouillère rouge . Le bleu , c'est trop commun. Il fallait qu'il se distingue des autres  . D'autant qu'il vient d'être sélectionné par le comité des Golden Blog Awards.  Ce n'est pas rien. Alors , soyez gentils . Votez pour lui . Il en a besoin . Car, il ne faut pas l'oublier , "Dur , dur d'être un BB!".





mardi 17 septembre 2013

Qu’on se rende au domaine de de Marly-le-Roi, et le premier sentiment qui nous étreint est la déception . Une majestueuse allée , bordée de sentinelles végétales, nous conduit avec pompe à un écrin de verdure. Mais cet écrin, il est désespérément vide. Seul un tracé approximatif suggère l’emplacement d’un château aujourd’hui disparu.

Jadis se dressait la vaste demeure royale, agrémentée de marbres et de dorures, où des laquais en livrée prévenaient le moindre des désirs royaux.On raconte que le Roi-Soleil affectionnait tout particulièrement de nourrir les carpes d’un bassin. Etrange prédilection , certes, mais, comme chacun sait, les carpes sont muettes et se contentent de faire des bonds . Subtile invitation au silence que Louis XIV adressait aux courtisans trop volubiles…A la place du bassin aux carpes, s’étale une cavité béante, parcourue d’herbes folles, où des chiens en liberté conditionnelle aiment à folâtrer.

Un autre tracé témoigne de l’emplacement des pavillons des invités royaux : Louis-le Grand choisissait avec soin les rares hôtes qui auraient le privilège de l’accompagner à Marly. Car plus qu’une résidence secondaire, Marly se voulait l’anti-Versailles, jardin secret d’un roi redevenu simple mortel. C’est ici que le monarque se dépouillait de sa grandeur , s’étourdissait au son des cascades de Le Nôtre , s’abîmait dans la contemplation des chevaux de pierre se cabrant sous la main de l’homme. Les cascades ont , elles aussi, déserté les lieux. On a du mal à concevoir que cette succession de talus herbeux avait pour vocation de recevoir l’eau vive.

Plus rien ne subsiste des splendeurs passées , comme si , par pudeur, l’histoire avait voulu effacer la part d’humain du fils de Louis XIII , pour ne retenir que la magnificence du grand monarque et de son Versailles. Le Roi-Soleil ne pouvait avoir sa part d’ombre, semble nous dire la postérité. Qu’en serait t’il si le bassin aux carpes existait toujours ? Aurait-on fait tomber le roi de son piédestal, lui qui traverse les siècles auréolé de gloire ? Saint-François charmait bien les oiseaux , et Orphée les bêtes sauvages . Pourquoi donc refuser au grand Louis le plaisir de commercer avec le monde aquatique ? 

A Marly, les pierres ne parlent pas. Point n’est besoin de s’extasier devant les œuvres d’artistes de renom. Mais, une fois surmontée la déception de ne pas succomber au sublime, alors nous vient imperceptiblement un sentiment nouveau. Le bonheur simple d’être si proche et si lointain d’un grand souverain , que l’on a du plaisir à imaginer au pied d’un bassin, l’œil pétillant, et riant aux éclats aux bonds de carpe de l’humanité.




dimanche 15 septembre 2013

   La Rue des Martyrs porte bien mal son nom ou alors je suis une masochiste qui s'ignore . Car , à mon corps défendant, je ne peux m'empêcher d'égrener son chapelet d'échoppes chaque dimanche matin que Dieu fait.  À ses pieds, l'église Notre-Dame-de-Lorette monte la garde. Au cas où l'on oublierait d'accomplir ses devoirs de piété. Le péril est grand, il faut bien le dire. Car  d'un lieu de dévotion à un  lieu de perdition, il n'y a qu'un pas . Même plusieurs .  Car il faut quand même faire grimpette si l'on veut s'encanailler et atteindre le boulevard de Clichy et ses promesses d'ivresse éphémère. 

   Mais avant d'atteindre la lettre X , qui se déploie sur les hauteurs avec force  sex shops, peep shows et spectacles coquins, la rue des Martyrs permet aux petits écoliers d'élargir leur  vocabulaire de base en explorant les premières lettres  de l'alphabet . 
   La lettre "C " y est extrêmement  bien représentée : cafés , chocolatiers , chausseurs et coiffeurs . Rien de bien singulier, me direz-vous . Mais lorsque l'on arrive au mot confiserie du numéro 15 , et surtout au réglisse suédois au goût  si particulier , on ne peut manquer de se pâmer, même si  l'on  n'est plus écolier . 
    La lettre " B" jouit d' un grand prestige :  bars et bazars, boulangeries et bijouteries, et , pour terminer , bouchers , s'y sont taillé la part du lion. 
   Puis viennent en vrac les lettres "E" et ses  épiceries fines " F" et ses fromagers , "H" et son huilerie provençale , "M" et ses maraîchers , "P" et ses poissonniers,  Q" et sa quincaillerie , " R" et ses rôtisseries au fumet si prometteur , " S" et ses salons de thé , et finalement " T" et ses traiteurs du monde entier . 

   Allons donc! me direz-vous . Vous faites beaucoup de bruit pour rien ! Car , somme toute, la Rue des Martyrs, c'est une rue commerçante comme une autre . Oh que non!  D'abord , Maurice Ravel y a vécu . Écoutez son concerto pour la main gauche pour commencer, et vous comprendrez tout . Sachez aussi  qu'au numéro 75, Toulouse-Lautrec y a peint la danseuse Jane Avril . Et si vous n'êtes sensible ni à la musique , ni à la danse, ni à la peinture, peut-être le serez-vous à la poésie.Car s'il est vrai que la Rue des Martyrs propose aux blasés que nous sommes une gamme de produits similaires à ceux de sa rivale, la rue Lepic, elle le fait avec éloquence . Les enseignes de ses boutiques en témoignent .  Car quoi de plus délicieux à l' ouïe que les sonorités d' " Orphée"ou de "Bacchus" ? Ne salivez- vous pas déjà quand vous franchissez le seuil des " Papilles Gourmandes" ? Ne vous sentez-vous pas pousser des ailes quand vous fumez des Vogue  à la terrasse du café "Ariel"? Tout ça pour vous dire que , la Rue des Martyrs , on devrait la rebaptiser Rue des Délices , et que même si la gourmandise est un péché, on aura tôt fait de l'expier à confesse . Après tout , l' église Notre-Dame-de-Lorette , elle n est pas là pour rien !


vendredi 13 septembre 2013

À mon goût , il n'est pas de boutique plus magique et plus diabolique qu'un bazar. Magique , tout 
d'abord, car il exauce les vœux de la fée du logis tapie  en vous . Il vous prend une furieuse envie de faire les vitres un dimanche de pluie , mais  vous vous trouvez démunie sans le liquide fabuleux  pour combler votre désir ?   Le bazar , de sa baguette magique, vous donne satisfaction.Votre compagnon a t-il besoin d un tourne-vis pour monter le meuble  Ikea dont vous venez de faire l'acquisition? Le bazar est  là pour vous apporter une  solution . Vous voulez enjoliver votre logis d'une boule à facettes , histoire de mettre dans votre vie quelques  paillettes  ? Le  bazar est là pour illuminer vos soirs de fête . Du bac à  litière  aux articles de literie, du parapluie au paravent , du tabouret à la table basse, des faux ongles , made in Taiwan à la matraque , made in China , tout s'y achète,  et à un prix modique .


Chose inestimable, un bazar , il se voit de loin. Vous le repérez sans lorgnette grâce au bric-à-brac indescriptible qu il exhibe sur le trottoir. Mais il faut le mériter , l'article indispensable qu'on espère y dénicher . Et c'est là qu' il déploie tout son côté diabolique , le bazar aux mille et une merveilles . Car , dans cette caverne d'Ali Baba , c est à une véritable chasse au trésor que l'on doit se livrer pour décrocher le lot tant convoité. Vous qui entrez ici, abandonnez tout espoir! , susurre à votre oreille un mauvais génie lettré. Et il n'a pas tort.  Alors , plutôt que d'être sous influence ,   faites  appel au génie de la lampe qui saura vous guider.   Car  il vous faudra avoir un œil exercé et  les dents bien serrées pour ne pas  baisser les armes, et retenir  vos larmes. Des larmes , me direz-vous?  N'exagérons pas . Il n y a pas de quoi émouvoir les bonnes âmes. . Mais si, vous rétorquerai-je , de vraies larmes !  Car , il faut bien le dire,  dans un bazar , ce qui saute aux yeux et chatouille les narines, c est bien la nappe  poussiéreuse qui recouvre  les étalages .


De quoi repousser les plus délicates...Mais alors pourquoi  certaines d'entre nous sont-elles en  proie à une fascination pour ce haut lieu du toc ? Que cache notre compulsion à acheter des articles de décoration au kitsch déconcertant ? Comment expliquer notre attirance pour ces empilements d'objets hétéroclites  , sans lien logique ni utilité avérée? Rien de plus simple. C'est leur manque de valeur qui en fait tout leur prix.  Peu nous importe si quantité ne rime pas avec qualité. Ce qui compte, c est que  nous puissions donner libre cours à des pulsions obscures et à notre instinct d'appropriation . Un bazar , c est l'antithèse d'un musée des arts. Pas de parcours thématique ni de fil d 'Ariane . Et c'est ça qui nous séduit. Nous sommes libres d aller et venir sans aucun but , sans aucune illusion , et sans gratification esthétique . Un bazar , en fin de compte , ne serait ce pas le degré zéro du plaisir, et le degré suprême du désir ?