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mercredi 4 septembre 2013

On a beau essayer de le courtiser en lui offrant , comme écrin , le cadran diamanté d une montre de prestige, rien n y fait ! Le temps refuse de se laisser acheter , car il sait pertinemment qu'il est sans prix , " priceless", comme le disent si bien les Anglais , c est-à-dire , inestimable. Contrairement à son conjoint devant l Éternel , l 'espace ( qu on peut toujours se donner l'illusion de dompter ), le temps conserve son caractère farouche et vainc toutes les vanités de ce monde quand l'heure de la tombe a sonné. Car, de nos premiers vagissements à notre dernier râle , son armée d années en marche nous escorte et repousse avec panache nos tentatives dérisoires de l'amadouer, lui , l ennemi fidèle à l'amitié indéfectible .

Force est de constater avec quelle ambivalence nous accueillons , chaque année , le jour de notre mise au monde, les témoignages exubérants de notre entourage . Partagés entre reconnaissance et désir de fuir, nous vivons chaque minute de ce jour faste comme les dernières minutes d un condamné, tant la hantise que ne soit mentionné le poids des ans nous obsède. Rares , d ailleurs sont les indélicats qui se hasardent à le faire. L obscénité , de nos jours, n est pas la nudité des corps, mais la mise à nu de l'âge des corps. Quel plus grand affront pour une femme de s'entendre dire " Tu ne fais vraiment pas ton âge !"

Chacun l'aura compris, fêter son anniversaire, c est , pour bon nombre d entre nous , fêter nos retrouvailles avec nous-mêmes. C est reprendre conscience brutalement de notre durée limitée sur terre . C est se poser la question de savoir combien d'autres bougies orneront le gâteau d anniversaire de notre existence . Et c'est bien pour cela qu on préfère omettre de les souffler , ces bougies torsadées , et qu'on préfère lâchement engourdir notre conscience dans le Léthé pétillant de nos coupes de champagne.

mardi 3 septembre 2013

Rien ne me fait plus sourire que la fébrilité dont témoignent les jeunes enfants s'adonnant aux activités subaquatiques . Il semble que le port du masque , du tuba et des palmes participe d un rite initiatique incontournable . Car admettez qu il en faut du courage pour confier sa respiration à cet appendice buccal en caoutchouc au goût si désagréable . Il a beau être passé entre les mains de relookeurs de génie qui ont compris que , pour mieux attirer le chaland court sur pattes , il valait mieux opter pour des couleurs acidulées, le tuba demeure néanmoins la bête noire des apprentis plongeurs . Et ce n est pas mince affaire que de demander à nos bambins de vaincre leur hantise de l étouffement . La mort par noyade n a pas bonne presse , de nos jours . Et l on préfère de loin compter Maillol dans le panthéon de nos héros plutôt que de déverser un torrent de larmes sur la tombe du regretté Shelley, infortuné naufragé du golfe des Poètes. Bref, vous l aurez compris, si l on veut que nos jeunes baigneurs aient la tête sous l eau au sens propre en évitant de l avoir au sens figuré, mieux vaut pour eux qu'ils maîtrisent l'usage du sacrosaint tuba , avant de songer à franchir la deuxième étape de leur parcours initiatique et ceindre leur visage d un masque de plongée. Si , par précipitation, l'un d'entre eux inverse les deux premières étapes, bien mal lui en prend , car il ne fera qu' Apercevoir et non Voir , vu la capacité réduite de ses poumons à retenir l'oxygène vital. Première leçon de vie s'il en est, car ils saisiront plus tard toute la portée de l'adage latin " Festina lente" , " hâte- toi lentement ", dont l 'empereur Auguste fit sa devise.

Porter un masque est un acte connoté négativement dans le cercle social uniquement. Il est synonyme de dissimulation et de tromperie , et a partie liée avec la volonté de nuire à son prochain. Mais dans le cadre d'un bal costumé, le masque retrouve ses lettres de noblesse et jouit d'un prestige immense . Il cache ( l'identité) tout autant qu'il révèle ( la personnalité ). Dans le milieu marin, le masque devient le sésame qui donne accès aux trésors enfouis du monde du silence . Sans cet accessoire, les formes obscures des rochers que l'on devine sous la surface font resurgir les terreurs enfantines . C'est donc grâce à lui que le petit humain parvient à se libérer de ses projections imaginaires néfastes car il lui permet de sortir en quelque sorte de la caverne de Platon. C'est aussi grâce à lui que le jeune enfant éprouve une émotion esthétique nouvelle devant une faune et une flore jusque là inconnues . L'oscillation des algues , le ballet argenté d un banc de poissons , et , pour les plus chanceux ,la vision fugace d un poulpe solitaire sont autant de pépites qui fertiliseront son imaginaire . Mais certains resteront sur leur faim et voudront pousser plus loin l'exploration des fonds marins. Car ils croient dur comme fer à l'existence de la créature hybride jaillie du cortex d Andersen .

Alors ils chaussent les palmes quand l appel du large se fait sentir , ultime étape de leur maturation, premier indice de leur émancipation, car ils se soustraient peu ou prou à la surveillance parentale . Le petit d' homme est devenu petit homme et il ne se contente plus de barboter à quelques encablures du rivage. Il lui faut se mesurer à la mer et ses sortilèges , et céder au chant des sirènes des profondeurs. Le tuba devient obsolète , remplacé par l'équipement de plongée . Il est bien loin le temps des premiers émois suscités par la capture d'un crabe dans les anfractuosités d un rocher constellé de patelles . Lointain aussi le souvenir de l'épuisette qu'on manie avec plus ou moins de bonheur pour prendre dans ses rets un Nemo imprudent. Il ressent le besoin impérieux de courtiser les abîmes, pressentant déjà en lui l'existence d un vortex prêt à le happer s' il n y prend pas garde. Il sait que la vie n'est pas un long fleuve tranquille comme le dit la bible . Et il se doute que le sang qui coule dans ses veines obéira au rythme des marées de son âme . Alors , comme pour dompter les ténèbres à venir et

fuir les naufrages, il se laisse glisser le long de la corde de sa destinée vers les profondeurs abyssales en tentant d éviter Charybde et Scylla , et il se hâte lentement , ôtant finalement son masque pour se contempler dans l écran limpide de son avenir.

lundi 2 septembre 2013


Etrangement, Les tabous ont une aptitude à fondre comme neige au soleil en été , alors
qu' ils croissent comme l herbe folle pendant la période hivernale. Pour s en rendre compte , Il n y a qu à se hasarder sur les plages de l île de Beauté , où Phoebus règne en maitre incontesté , et où Venus détrône la chaste Diane .Alors qu en temps normal, la pudibonderie abonde et que l on détourne le regard si les seins d une femme ont la hardiesse de réclamer une attention trop soutenue , il n en est plus rien quand le temps béni des vacances nous sourit. Il suffit de traverser La frontière invisible entre l espace urbain et l espace de la plage pour que l urbanité tombe aux oubliettes et que la femme acquière le droit de libérer sa poitrine . Heureusement qu' au siècle de Molière , les stations balnéaires n avaient pas encore vu le jour , car l on rirait au nez de Tartuffe s il prononçait sa célèbre tirade .

Sur ces étendues de sable où se côtoient les corps à demi nus, l œil est convié à un festin visuel sans précèdent. Qu on le veuille ou non, Nous sommes tous contraints de devenir voyeurs , mais des voyeurs exigeants . Car gare aux imprudentes qui auraient eu la maladresse de se négliger ! Les poignées d amour, on n a guère envie de s'y agripper. À moins d être au bord de la noyade et ne plus savoir à quel "sein" se vouer. Mais que l on ne se méprenne pas! Nous n épargnons pas non plus les addicts des salles de sport , surtout quand elles essaient de dissimuler leur peu d attrait physique par des tablettes de chocolat .
La plage, c est aussi l occasion de pratiquer la commisération. Surtout envers celles qui sont affligées de ptôse mammaire, de culotte de cheval ou de mollets hypertrophiés . Vous
l' aurez compris, les baignades nous offrent l opportunité de dresser la cartographie du corps dans tous ses états , ce corps que l on s'applique , l'année durant , à parer de mille artifices , et qui se venge en se mettant à nu sous les pleins feux de l'astre solaire.

Mais sitôt que l écume de Septembre emporte avec elle les derniers estivants, le tocsin se fait entendre. La peste soit de l exhibitionnisme! Le puritanisme est de mise dès que la météorologie commence à faire grise mine. Il nous faut reprendre nos esprits, mettre au pain sec nos yeux repus de cette orgie de corps si fellinienne . Car Les sirènes joueuses ont tôt fait de déserter les côtes pour regagner les profondeurs marines, abandonnant à leur triste sort des maris indignes se sentant soudain le pied marin... Et l on se prend à rêver aux Bluebell Girls du Lido parisien , ou au beau Tadzio du Lido vénitien , pointant du doigt ,dans une posture langoureuse, les siècles de débauche à venir, quand la décadence enfantera des monstres et que les tabous reposeront à jamais dans les tombeaux de notre civilisation défunte .



dimanche 1 septembre 2013

Je ne sais pas vous , mais , pour ma part , je voue une admiration sans borne aux détentrices de micro sacs à main . Rien à faire ! Il faut toujours que je jette mon dévolu sur les modèles XXL . A y bien réfléchir , je dois rendre un hommage inconscient à l'inégalable nounou qui a bercé mon enfance , la bien-nommée Mary Poppins . Les déménagements en coup de vent , c'est sa spécialité ! Elle a tout compris , la nanny anglaise. La vraie pionnière en matière d'environnement , c'est elle ! Adieu le papier cartonné pour emballer ! Il lui suffit d'un gros sac en tapisserie , même pas en cuir ! Une végétalienne avant l'heure , cette Mary.

Bref , les sacs à géométrie variable , ça me connait . Et bien souvent l'idée me traverse l'esprit de louer les services d'un escort boy musclé pour me soulager de ma maisonnette à deux anses . Car , vous l'aurez deviné, mon sac n'est pas un simple kit de survie , ni un vulgaire baise-en-ville . Avant d'être la preuve tangible de mon existence sur terre , il est la symbolisation quintessentielle de mon essence féminine .

Tout d'abord la trousse à maquillage. Vu ses dimensions, le terme de valisette lui convient mieux . Et pour cause! On y trouve plus qu'un poudrier ou qu'un bâton de rouge à lèvres, simples munitions d'un soldat en permission. C'est tout un arsenal qu'elle comporte. Quand on va à la guerre, mieux vaut être armée jusqu'aux dents , et pour le coup, le dentifrice et son indéfectible compagne sont présents à l'appel. Au cas où un Prince Charmant pointerait le bout de son nez. Mieux vaut lui éviter d'avoir à le pincer, si une halitose a décidé d'assiéger notre palais...


L'anti-cernes occupe aussi la ligne de front pour tenir en échec l'ennemie numéro un de la femme : l'insomnie . Il remplit aussi son office quand une boursouflure intempestive élit domicile sur notre menton .


Le vernis n'est pas en reste . Il faut être digne jusqu'au bout des ongles , surtout si l'on a besoin de s'en servir pour défigurer le Prince pas si charmant que ça ,avant de lui lancer un regard aussi noir que le mascara qui l'habille.

Mon sac, c'est aussi le sanctuaire de la haute technologie. Entre mon iPhone coqué de strass et mon mini iPad , je navigue en terrain Apple. Après tout, je suis, comme vous toutes, la descendante d'Ève ! Et Quiconque oserait me traiter de bonne poire se verrait gratifié d'une gifle sur sa pomme . Je sais , cela ne convient pas à une dame de mon rang . Qu'à cela ne tienne! j'extirperai des entrailles de mon sac l'un de mes gants Opéra et le jetterai à terre, en signe de mécontentement. Les duels, de nos jours, se font avec les mots, donc point d'effusion de sang à craindre. Au pire mon adversaire n'aura qu'à essuyer quelques larmes , que mes Kleenex double épaisseur se chargeront de recueillir.


Mais j'oublie l'essentiel ! Les clés de mon royaume , et plus encore, le porte-clés qui les rassemble! Car il a quand même fait des milliers de kilomètres avant d'atterrir dans la poche qui lui sert d écrin . Il n'est pas commun , ce porte-clé! Normal! il est léonin . C'est le pays du soleil Levant qui l'a vu naître . Pas étonnant, donc, qu'il scintille de mille feux . Le roi des animaux porte une couronne diamantée et ses yeux sont de rubis ...synthétique, il va sans dire. Je rugis de plaisir chaque fois que je l'entends tintinnabuler . Car il est le signe que mon "sweet home " n'est jamais loin . Et je crois bien que si Mary Poppins avait l'idée de venir me rendre visite, elle ne passerait pas par la cheminée , non. Elle sonnerait à ma porte rien que pour entendre le cliquetis du roi lion , et ferait main basse sur tous mes sacs , car , on a beau dire, le nec plus ultra en ce monde, c'est bien d'avoir plus d'un tour dans ses sacs .