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jeudi 8 mai 2014


    La plus belle déclaration d'amour du septième art , on la doit à Godard , dans LE  MÉPRIS  . Une seule phrase , je devrais dire un seul vers , presque un alexandrin.  Et surtout  la déclinaison de trois adverbes , puissants et fragiles comme une hirondelle qui s'élance dans un ciel azuré , et dont l'élan se brise contre une paroi de granit . "Je t'aime totalement , tendrement , tragiquement ", dit Paul à Camille . Comme si le rythme ternaire était propre à la fatalité. Comme si le véritable amour était punissable , condamné d'avance  à cause de ce trop plein , cette hubris des sentiments .

    Aimer trop n'est plus aimer . C'est adorer . Et l'on  sait que les dieux jaloux ne peuvent souffrir que les hommes témoignent à leurs semblables ce qui leur est réservé en propre . Mais laissons-là les dieux .  Ils sont un prétexte trop futile  pour cacher une vérité immarcescible.  Disons  plutôt que le coeur de l'homme ne peut contenir que pour une durée limitée un élan amoureux illimité . À force de brûler d'amour pour l'autre  , le cœur se consume . Il se calcine plus qu'il ne se brise .


    Mais le cœur est un phénix qui renaît toujours de ses cendres . Pour se consumer à nouveau , pour un autre ou une autre . Nous sommes tous des Sisyphes qui gravissons la montagne le cœur léger pour en redescendre le cœur lourd . Faut-il s'en plaindre ? Est-il préférable d'avoir un cœur de pierre ?

    Certes non . Sans amour , on n'aurait plus goût à la vie . On ne donnerait plus la vie aussi. À quoi bon servirait-il de jouer les prolongations sur cette terre sans  personne pour nous y retenir ? À quoi bon servirait-il de prolonger une lignée sans aucune lueur d'espoir pour éclairer son avenir?

    Totalement , tendrement , tragiquement :  telle est notre devise . Même si l'on doit souffrir, ne nous épargnons pas le délice de faire provision de souvenirs .  L'amour , on a beau dire , est une île enchantée où il est doux de vivre , même si l'on sait , qu'un jour, elle sombrera comme l'Atlantide sous le poids de nos  soupirs .

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