Pages

Nombre total de pages vues

samedi 25 janvier 2014

On ne sait pas le bonheur que l'on a quand on est en bonne santé . On devrait toujours garder en mémoire cette antienne . Il a suffi d'une foudroyante douleur intercostale pour que ma petite vie dérangée soit contrainte soudainement de rentrer dans les rangs . Il faut dire qu'elle avait mal choisi son heure , cette douleur . En pleine nuit , rendez-vous compte ! Je lui aurais pardonné une intrusion diurne si elle m'avait permis d'écourter  les débordements discursifs d'une concierge trop zélée . Mais qu'elle vienne sonner le glas de ma tranquillité alors que je suis dans les bras de Morphée , quelle perversité !

Le pire,  c'est qu'elle fut assez sournoise pour faire flamber mon imaginaire  . Il faut dire que mon esprit inventif fait feu de tout bois .  Il  lui suffit d'une étincelle pour qu'il s'enflamme à tout va . Et quel meilleur combustible que la douleur . Elle alimente  les suppositions les plus extravagantes . Rein dilaté , vésicule biliaire encombrée , côlon diverticulé,   estomac ulcèré, vessie perforée ; sans oublier l'appendicite et la hernie , qui figurent au palmarès des maux  les plus familiers. Étrangement , le seul moment où nos viscères se rappellent à notre bon ( plutôt mauvais , d'ailleurs ) souvenir , c'est quand ils se mettent à interpréter  la révolutionnaire dans la salle de concert abdominale . On est alors bien obligés de les écouter , et de vite se mettre au diapason sous peine de représailles tonitruantes .

Mais pour cela , encore faut-il choisir le bon diplomate pour négocier avec leur chef d'orchestre et la convaincre d'aller jouer sa musique ailleurs . Les "aie" et les "ouille" , on s'en passe . C'est là que les choses se gâtent . Car, pour la tenir en échec , il faut user d'une finesse et d une intuition olympiennes. On regrette parfois le temps où l'on consultait les oracles pour nous guider sur la voie de la guérison . Imaginez la Pythie en transe dans le temple d Apollon , débitant ses prophéties dans un langage abscons. Les Grecs médusés  avaient à leur disposition des prêtres expérimentés pour rendre intelligibles les propos de la possédée . On ne peut pas en dire autant de nous . Face aux médecins de notre temps , nous sommes souvent désarmés à l'écoute des diagnostics savants qu'ils élucubrent.

  Surtout qu'ils n'accordent pas toujours leurs violons . Quand on a la mauvaise idée d'en consulter deux différents , les ennuis ne font que commencer .  La Pythie , elle , était unique . Il n'y avait donc pas à tergiverser . La multiplicité des praticiens , quant à elle , nous engage à nous disperser , surtout quand l'origine du mal n'est pas décelée . Reste ensuite à jouer à pile ou face pour accéder à la vérité . Moi , par exemple  , je fus l'enjeu d une lutte acharnée entre le partisan d'un colon malmené  et celui d'un rein fatigué, jusqu à ce que des examens plus poussés  viennent réfuter les deux thèses avancées .En attendant, la douleur , elle , ne se faisait pas oublier . Pour les départager , j'optai pour la solution de la dernière chance : les Urgences !

Bien mal m'en a pris ! Les Urgences,chacun sait,  on les fuit comme la peste . On sait quand on y rentre , mais jamais quand on en sort . À l accueil , les hôtesses sont avenantes et compatissantes . Elles cochent certaines cases d'un billet doux que l'on doit ensuite remettre à un employé préposé au guichet des admissions . Il inscrit notre identité dans une base de données  et nous demande qui prévenir ... au cas où les choses venaient à se corser. Il ne nous reste plus alors qu' à prendre place sur l'un des nombreux sièges en bois  ou en fer ( le confort n'est pas proposé en option ) , et attendre que les choses se passent .

À vrai dire , on ne s'ennuie pas . Le spectacle est varié , et les intervenants , de tout âge et de tout horizon . À un certain moment , j'ai cru m'être trompé d'endroit  quand une brigade de policiers ,encadrant un individu menotté, a fait irruption . Ils n'ont pas eu à patienter , eux . Les délinquants ont priorité sur les citoyens respectueux de la loi . De quoi méditer .C'est aussi là que  j'ai  eu tout loisir d'admirer les uniformes des plus beaux spécimens bodybuildés de la capitale . Pas besoin de s'inscrire dans une salle de fitness pour jouer les voyeuses . Aux Urgences , c'est gratuit .  Les pompiers sont les dignes descendants des athlètes qui s'illustraient à Olympie. Non seulement ils vouent un culte au corps des plus respectables  , mais ils sont aussi porteurs d' un idéal moral des plus louables en portant secours à leur prochain . Et puis on en a toujours trois pour le prix d'un . Ils ont l'instinct grégaire , sans doute ...

Certains patients l'ont aussi . Pas pour les mêmes raisons . J'ai vu une famille entière investir les lieux et faire retentir la salle d'attente du vacarme assourdissant de leur voix.  Je pense que le patient qu'ils escortaient devaient souffrir de céphalées chroniques . Rien de plus délétère, pour un cerveau humain , qu'une exposition prolongée à une source sonore trop élevée . Heureusement , le calme est vite revenu suite à l'intervention musclée d'un agent de sécurité , sans doute lui aussi incommodé par la montée des décibels .

Parmi les objets roulants identifiés qui parcouraient mon champ visuel , j'ai pu discerner des chaises roses au design aérodynamique et aux roulettes supersoniques ,  des brancards , des déambulateurs et des potences à perfusion . Oui , c'est le terme consacré. De quoi faire frémir . Ce qui a attiré mon attention par dessus tout , c'est l'arrivée fréquente de porteurs d'un genre bien particulier . Ils tenaient fermement dans leur main une mallette cubique en polystyrène gris  , et prenaient  invariablement le même itinéraire pour aller déposer leur chargement. Je sus , par la suite , que les contenants gris abritaient des poches de sang .

En parlant d'hémoglobine , âmes sensibles , s'abstenir . Après tout , nous sommes aux Urgences . Donc des compresses vermeilles , j 'en ai vues quelques unes . C'est surtout une  fois admise dans le bureau de l'infirmière ( après quatre  heures d'attente , excusez du peu ) , que j'ai  été confrontée à la vision cauchemardesque d'une pile de gaze ensanglantée dans une poubelle placée à mes côtés. Je pense que l'emplacement n'était pas anodin . Il fait prendre conscience aux patients ne présentant pas de plaie béante que l'attente sera longue , très longue même . Même si le temps que vous consacre l'infirmière est des plus courts ...Elle vous prévient , d'ailleurs , qu'elle ne dispose que de cinq minutes pour écouter vos malheurs. Au cas où l'on aurait envie de s'épancher un peu trop longtemps. Malheur aux patients dépourvus d'esprit de synthèse !

Ce n 'est pas mon cas , fort heureusement . Et je dois dire que Dieu , dans son infinie bonté , m'a aussi dotée d'une capacité d'analyse appréciable  . Vous saurez pourquoi plus tard . J'ai aussi pris conscience de mon imperméabilité à l'impatience en cette occasion. Ce qui ne fut pas le cas de tout le monde . Certains experts en la simulation , comédiens sans rôle probablement,  voyant les heures s'égrener à l'horloge murale , tentèrent de voler la vedette  aux  accidentés de la route , ou pire , aux suicidés. L'agent de sécurité eut tôt fait de mettre un terme à leurs déclamations geignardes . De la dignité avant toute chose !

Certes , j'ai tenu mon rang, et le sang ne m'est pas monté à la tête . Je deviens philosophe , avec l'expérience . Quand on est restée coincée treize heures durant dans un Eurostar, à vingt mille lieues  sous la Manche, sans aucune nouvelle du monde extérieur , on prend son mal en patience . Après quatre autres heures passées sur une inconfortable chaise ( pas d'escarres , heureusement ), je fus admise dans le saint des saints . Une sorte d'entrepôt à brancards où gémissaient des individus perfusés au visage convulsé. L'interne fit glisser un paravent assurant une discrétion minimale , et elle procéda à l'interrogatoire. Je lui fournis , pour la troisième fois  de la journée , le résumé circonstancié  de mes maux, en lui faisant part du verdict de ses deux confrères . Elle m'ausculta puis disparut au bout de dix minutes , pour aller prendre  conseil auprès de son chef  , tout en m'assurant de son retour rapide.


Le temps doit être élastique aux Urgences , car en fait de dix minutes , j'en attendis quatre-vingt-dix, au bout desquelles une infirmière me garrotta le bras pour prélever mon sang et m'informa que j'allais subir une radiographie du thorax. Après quoi je fus reconduite dans la salle d'attente , qui s'était considérablement vidée . À une heure du matin , seuls les junkies en manque , ou les ivrognes à demi conscients,  la peuplent. Autant dire qu'ils m'ont considérée comme un être venu de l'au-delà , un  au-delà que je n'avais pas du tout envie de connaître en ces circonstances .

Je regardai l'horloge qui m'indiqua 1h30 du matin. J'avais passé ,dans ce lieu,  plus de temps que je n'en  passe habituellement dans mon lit , et dans les positions les plus inconfortables . Finalement l'interne revint et me dit , d'un air ravi , que rien d'anormal n'apparaissait sur la radio, mais qu'elle penchait  plutôt pour  une  dilatation de l''intestin ( des flatulences , en somme ) qui appuierait sur l'une de mes côtes . Si elle avait dit vrai , les trois quarts de la population française auraient dû  souffrir autant que moi , et n'auraient  pu ni rire ni éternuer de peur de réveiller la douleur que je ressentais . Irrecevable !

J'eus alors la présence d'esprit d'évoquer une déchirure musculaire des obliques . Car pourquoi ressentais-je des symptômes seulement en marchant et respirant  plus vite , et pas au repos . Elle m'assura que non, que je devais suivre le traitement qu'elle me prescrivait,  et que si le mal persistait , il me faudrait revenir aux Urgences. Elle avait de l'humour, cette interne ! Bien -sûr, je ne pris aucun de ses comprimés . J'obtins, le lendemain , un rendez-vous en urgence pour une IRM qui confirma mon diagnostic . Voyez-vous , je ne cesse de me  féliciter parfois de mes intuitions fulgurantes . Je pense même  qu'Apollon , séduit par mon don , m'a élue pour incarner la Pythie des temps modernes , même si j'aurais plutôt préféré qu'il me donne le rôle de la nymphe Daphné. Alors , si vous avez un bobo , n'hésitez pas à me consulter ! Promis! Je  ferai tout mon possible pour vous éviter les Urgences et m'engage à ne JAMAIS  employer de langage sibyllin...pardon ...hermétique ...

mercredi 22 janvier 2014

Mesurée à  l'aune des galaxies , notre place dans l'univers est microscopique , et notre échelle temporelle dérisoire . Nous ne sommes que des cirons pascaliens , des électrons se croyant assez libres pour tournoyer dans tous les sens avant de disparaître dans l' infini létal. Passagers d'un tramway nommé désir, nous n'avons de cesse de saturer nos vies de nouveautés, tellement la permanence du même nous effraie . Inconstants , nous le sommes , non par choix, mais par nécessité , car les accidents de la vie se chargent de nous rappeler que  l'itinéraire emprunté a une destination unique, et qu'elle est trop souvent atteinte plus tôt qu'on ne le pense .

De là , peut-être , notre engouement grandissant pour les réalisations estampillées "éphémères ". Le XIXe siècle avait déjà été le témoin émerveillé de manifestations qui étaient aussi grandioses qu'elles étaient circonscrites dans le temps . Les expositions universelles , avec leur déploiement de pavillons aux architectures les plus raffinées , célébraient les avancées de la technique aussi bien que les innovations artistiques  des quatre coins du globe. Pour quelques mois seulement, Paris était le théâtre de l'ingéniosité humaine , et l'on a encore du mal à se représenter que la plupart des  somptueux  édifices conçus pour l'occasion n'avaient qu'une durée de vie limitée , et qu'ils étaient inexorablement voués à la destruction s'ils n' étaient rachetés par des dignitaires épris de grandeur.

De nos jours, l'architecture dite éphémère est la rémanence modeste de cette flamboyance bâtisseuse d'antan .Elle n'utilise certes pas de matériaux nobles . La pierre n'y a pas droit de cité . On lui préfère le bois ou toute autre matière périssable  . C'est surtout à l'occasion de festivités qu'elle  jaillit  de terre comme ces chalets qui composent les marchés de Noël, ou même de l'eau , comme le théâtre flottant  d'Aldo Rossi, hommage aux structures éphémères du carnaval de la Sérénissime au XVIIIe siècle .  Le reste de l'année , restaurants ,  boutiques ou ateliers éphémères prennent le relais . Le principe est néanmoins toujours  le même . Nous proposer un dépaysement des sens et de l'esprit  afin de nous désengluer de la réalité  monotone . En affichant d'emblée leur date de péremption ( de quelques semaines à quelques mois ) , ces produits originaux et souvent insolites parviennent à aiguillonner notre curiosité , mais surtout  , il faut bien le dire , à stimuler notre consommation .

Triste constat ! L'éphémère n'est tant vénéré aujourd'hui que parce qu' il se vend mieux .  Si , aux  siècles précédents , il prenait naissance dans le creuset imaginaire de maîtres dont le seul luxe était de faire de l'art, il est , de nos jours, fabriqué à bon marché par des artisans motivés par le lucre. Les cupides de ce monde ont  bien compris que ce que nous sommes prêts à acheter à prix d'or n'est pas ce qui fige le temps dans notre mémoire , mais ce qui y fixe les instants mouvants de notre existence . Nous ne sommes pas un . Nous sommes multiples , ne l'oublions pas . Même les nouvelles techniques de photographie se sont appropriés le concept . L'argentique , autrefois vecteur d'unité et d'immortalité ( on posait une fois pour toutes pour l'éternité  ) , à été supplanté par le numérique , qui revendique son statut multiple et jetable ( on prend la pose à tout bout de champ).  Snapchat repousse encore plus les limites puisque le cliché ne s'affiche sur l'écran qu'une dizaine de secondes avant de s'autodétruire .


L'éphémère aurait-il été irrévocablement perverti  par notre société mercantile ?  Ne serait il devenu qu'une valeur marchande ? La réponse est non . À condition que nous partions  à sa recherche dans certains coins de notre cité , là ou il est le plus improbable . Sur les grands-places et les parvis , par exemple , où il se manifeste sous la forme de jardins au parcours didactique autant qu' initiatique . Dans ces espaces urbains encerclés de béton , ces îlots de végétation non pérennes nous invitent à l'évasion et à une réflexion sur notre destinée . Nous qui dépensons notre temps et notre argent sans compter , regardons ce que nous enseigne la nature qui s offre à nous sans rien nous demander en retour . Si le cycle des saisons la transfigure ou la défigure , il en va de même pour le cycle de notre vie. Le plaisir est éphémère , le bonheur aussi . Nous n'y pouvons rien . Alors plutôt que de  le déplorer, célébrons-le avec faste , et transformons les "Memento Mori "macabres en "Carpe Diem" triomphants .

jeudi 16 janvier 2014

Le syndrome de Gilles de la Tourette est une pathologie fort répandue dans notre capitale , surtout en cette période d'euphorie dépensière. En temps normal , seule la catégorie des automobilistes semble être affectée par ce trouble . Les symptômes sont vite reconnaissables . Il n'est qu'à tendre l'oreille pour déceler l'imminence d'une crise .  Les Klaxons stridents sont  la matérialisation sonore du dysfonctionnement nerveux des occupants des habitacles . Si vous êtes passager du véhicule concerné, bouchez-vous les oreilles surtout, car c'est le moment où le conducteur, impassible jusque-là , déversera un flot d'injures propres à heurter votre sensibilité.

Mais hélas , avec le temps béni des Soldes , cette maladie,  jusque-là circonscrite à une frange de la population , se répand comme une traînée de poudre dans les enceintes des petits et grands magasins . "L'homme est un loup pour l'homme" , nous enseignait Plaute . Il aurait dû ajouter que la femme est une tigresse pour la femme . Car il est évident que si elles font  patte de velours dans les bars à ongles et à sourire qu'elle fréquentent , elles ne manquent pas de montrer les dents et de sortir leurs griffes quand il s'agit de satisfaire leur appétit de conquête matérielle. Gare à qui marche sur leurs  plates-bandes !

C'est que l'on assiste à des combats homériques . Surtout dans les rayons de la confection. Rien n'est trop beau pour elles. Un article qu' elles auraient dédaigné la veille se pare d'une aura sans pareille dès lors que son prix se voit divisé par deux. Aussi sont-elles prêtes à tout pour rafler la mise . Qu'une main ennemie s'avise de leur dérober l'objet de leurs désirs, et le syndrome de la Tourette fait son apparition intempestive , suivi parfois de crêpage de chignons pour celles qui en portent. L'intervention d'un vigile s avère parfois nécessaire  pour mettre un terme au pugilat . Aux USA , le jour qui marque l'ouverture des Soldes d'hiver porte bien son nom : c'est le "vendredi noir"  . Toute une symbolique! C'est que l'on déplore , chaque année , des clients au nombre des victimes . Vous venez , gaie comme un pinson , vous acheter un déshabillé de soie, et vous repartez, raide comme la justice , dans un suaire en coton .

Certainement mus par leur instinct de conservation, les hommes ont l'intelligence de rester en retrait pendant cette période cruciale de l'année . Ils préfèrent se cantonner au rôle de portefaix et patienter à quelques  encablures de l'arène où leur compagne livre bataille . Que voulez-vous ! Ils n aiment pas les conflits ! À la rigueur ils veulent bien subir ponctuellement  , au volant  de leur grosse cylindrée ,  une crise aiguë du trouble répertorié par Gilles de la Tourette . Ils ne se privent pas d'invectiver un chauffard pris en flagrant délit de désobéissance au code de la route . Non pas parce qu'ils érigent ce règlement en dogme inviolable . Ils seraient bien hypocrites de le faire . Ce qu'ils redoutent plus que tout  , c'est que  ledit chauffard  inflige une éraflure fatale  à la carrosserie rutilante de leur torpédo . Porter atteinte à leur joujou à quatre roues , c'est aussi grave que de toucher au  doudou d' un nourrisson non sevré . Le nombre des décibels est identique ...

Les plus sages dans l'histoire , ce sont quand même les enfants . Ils sont contents de voir leurs parents occupés , les coquins . De toute façon , eux , leurs jouets de Noël , ils ont été payés au prix fort . Et leurs  vêtements , ils sont rarement  soldés . C'est sûr, ils ont bon goût , les garnements . Ils ne choisissent que ce que leur acteur (ou actrice ) prépubère préféré(e) porte. Ce sont des consommateurs exigeants . S'ils sont tant accro  à Disney Channel, c'est pour cloner la  vedette du moment  avant qu'elle ne claque la porte des studios pour tourner des clips porno . Oui, les parents ont du souci à se faire. Car  je crains que Gilles de la Tourette ne s'invite dans les foyers  plus souvent qu'on ne pense à l'avenir. Le jour où leurs enfants se mettront à imiter la gestuelle obscène de Miley Cyrus,  prêtresse de la teen pop, je pense qu'il n'y aura pas que les vendredis qui seront noirs pour eux...

dimanche 12 janvier 2014

La femme parfaite serait-elle un mythe ? Eh bien non ! J'ai compris ce matin, en regardant une émission télévisée des plus instructives , qu'elle existe bien , et qu'il est à la portée de chacune d'entre nous d'en devenir une.  Il suffit de faire l'achat de la liste de produits proposés , et surtout de suivre les conseils prodigués par la gentille animatrice  et ses acolytes . Je dois vous avertir néanmoins qu'une concentration optimale est requise pour avaler le flot ininterrompu de paroles débitées à une cadence infernale . Heureusement que le sourire extatique de la joyeuse bande vous apporte un bienfait visuel . Pour celles qui auraient perdu pied en cours de route ,  une suave voix-off , mise en valeur par une musique électronique répétitive , se charge de renouveler l'éloge hyperbolique du produit , à grand renfort d'adjectifs soigneusement choisis : magnifique ! Génial ! Fantastique ! Idéal !

Oui, la femme parfaite existe bel et bien . En suivant les dix commandements des produits dont on vous fait la réclame , vous éviterez de vous inscrire dans une agence matrimoniale , ou pire encore , sur un site de rencontres , pour séduire l'homme de votre vie . Car,  les concepteurs de génie de cette émission l'ont bien compris , ce qui attire un homme , ce n'est pas que vous soyez cacique à Normale Sup. Les intellos , il s'en méfie , le godelureau . Elles utilisent trop leur cerveau . Ce qui l'appâte et l'épate, c'est de se trouver face à face avec une Miss France qui ait aussi les aptitudes d'Inspecteur Gadget.

Mission impossible, me direz- vous. Pas vraiment . Le succès de cette émission auprès des femmes de tous les coins du globe  atteste du contraire,  même  . Car contrairement aux autres programmes télévisés , qui ne focalisent notre attention que sur un seul de nos centres d'intérêt , celui-ci a l'intelligence de combler nos désirs les plus enfouis. Grâce à lui , nous cessons de refouler notre envie irrépressible de manier des robots multifonctions aux quarante  accessoires ,  des stations de lavage à géométrie variable, des séchoirs télescopiques , et même des appareils faisant office de  scies sauteuses ou circulaires , de décapeuses ou de ponceuses . Oui, nous retrouvons enfin notre âme d'enfant  en assemblant  et désassemblant  ces multiples pièces en plastique , illustres descendants  des antiques legos .

Mais la cuisinière - ménagère - bricoleuse a aussi à cœur de mettre son corps en valeur . Alors quoi de plus alléchant que de suivre une cure minceur éclair en s'alimentant quatre fois par jour de potages hypocaloriques réputés avoir le goût des soupes "maison "! Quoi de plus sexy que de porter la brassière en spandex dont les femmes de 17 à 77 ans interrogées font l'éloge intarissable ! Plus besoin de dépenser des sommes folles pour arborer le dernier  soutien-gorge glamour de chez Agent Provocateur. En parlant d'économies,  les coiffeurs  se passeront de vous à l'avenir . Car avec cet appareil de coiffage  à technologie ionique , votre chevelure va en décoiffer plus d'un. Les esthéticiennes aussi ont du souci à se faire , car cet appareil au  filament lumineux révolutionnaire promet de détrôner à jamais l'épilation à la cire qui vous donne tant de sueurs froides .


Ce qui me dérange un peu , malgré tout , c'est que ni la présentatrice , ni les femmes invitées ne me paraissent avoir la silhouette  de Miss France , et encore moins l'habileté d'Inspecteur Gadget . Elles auraient même besoin d'un relooking  intégral, car je ne suis pas certaine que le Don Juan du coin sera conquis par  leur coiffure ou leur habillement. Mais , laissons-leur le soin de leur dévoiler, dans l'intimité , leurs jambes épilées au filament lumineux et leur brassière Spandex. Je suis persuadée que le bourreau des cœurs en perdra le boire et le manger . Un peu inquiétant , d'ailleurs . Car s'ils ne boivent ni ne mangent, à quoi bon avoir investi dans un robot culinaire  aux quarante  accessoires ?

jeudi 9 janvier 2014


Les histoires de cœur , elles font toujours la une du journal de nos vies . Et pas seulement des nôtres . Aucune d'entre nous n'est épargnée . De la roturière à la tête couronnée , on en fait toutes les frais . Elles sont d'ailleurs en odeur de sainteté auprès de la presse "people ". Plus ça sent le soufre , mieux c'est . Les plus gros tirages , on les réserve aux ruptures , pas aux mariages à l'eau de rose dans des châteaux décorés par des wedding-planners à la manque .

 Normal , les histoires d'amour plan plan,  on s'en lasse . Il n y a rien de palpitant à voir deux tourtereaux se regarder dans le blanc des yeux .  Nous, on veut des sensations fortes . Des yeux qui lancent des flammes . Des coups d'éclat . De la passion . Alors on est presque contentes de découvrir sur un tabloïd que le Prince Charmant n'est pas si charmant que ça . On s'en doutait un peu , d'ailleurs. Les visages d'ange , il faut toujours s'en méfier . Ils ont souvent tendance à cacher à notre vue que les ailes sont rognées .

Parce que , dans la majorité des cas , c'est toujours nous , les femmes , qui subissons les coups du sort . Une malédiction. À croire que nous avons vocation à avoir le cœur brisé. Comme si les hommes détenaient seuls le pouvoir de nous plonger dans l'affliction. Sauf que  les principaux artisans de nos déboires sentimentaux , ce sont les femmes . Pas celles que l'on vénère , bien-sûr.  Les tentatrices , celles qui n'ont rien à perdre et qui tirent gloire du fait qu'elles mettent à genoux une rivale.

Car les femmes entre elles ne sont pas tendres . Ce sont des conquérantes , des stratèges hors pair, avides d'étendre leur empire .  Mais elles sont assez subtiles pour n'en rien laisser paraitre. Quand elles croisent  le fer , c'est toujours en souriant , et les premières estocades se font toujours par derrière , jusqu'à la botte finale ...de Lagardère. Alors  quoi de plus martial que de brandir, comme dépouilles opimes, le cœur d'un homme arraché à une autre .

Bien naïfs , donc, les hommes qui pensent ne devoir qu'à leur pouvoir de séduction le succès de leur trahison . Ce ne sont que des pions sur l'échiquier amoureux dont chacun sait que la reine détient les rênes . Alors qu'ils ne s'étonnent pas d'être remerciés plus tôt que prévu pour le service rendu à l'impérialisme féminin . À chaque bataille, son plan d'attaque et son artillerie . A plus forte raison,  quand il s 'agit d'un crime , mieux vaut se débarrasser de son arme au plus vite . Au risque qu'elle ne se retourne contre nous .

vendredi 3 janvier 2014

Le rire est le propre de l'homme ! a dit Bergson. Il faudrait un peu plus s'en souvenir car , à scruter le visage de certains de nos congénères  , il semblerait que Descartes , chantre du  " Je pense, donc je suis ", soit plus leur voisin de palier que Bergson.  Car il est indubitable qu'ils n'arrêtent pas de penser, et penser à haute voix , pour prouver qu'ils existent !

Je me demande si , au paléolithique , l' "homo sapiens"  était doté  de la même prolixité que l' "homo contemporaneus" .  Il est vrai qu'en ces temps reculés, la technique en était à ses balbutiements . Les sources sonores étaient plus restreintes . Pas de radio, ni de télé , ni d'ordinateur , ni de mobile . Mais somme toute , les préoccupations étaient toujours les mêmes . Il fallait bien se nourrir , se vêtir , se reproduire , et aussi mourir . Et de cela on devait bien en discuter , entre la cueillette et la pêche  .

 J'imagine , par contre,  que le cerveau du descendant immédiat  de l'australopithèque n'avait pas encore intégré les grandes lignes du  discours amoureux . Et pour cause . Il ne savait pas lire . Avec quelles cordes le mâle concupiscent bandait-il donc son arc ? La corde sensible ? Certainement pas .Le rire , bien-sûr !  On dit que c'est l'arme la plus redoutable pour transpercer le cœur du  beau sexe , et que les flèches de Cupidon en sont souvent imprégnées . Imaginez la scène ! Un néandertalien  faisant glousser une néandertalienne en train de cueillir des champignons . Hallucinant !

Mais savoir faire rire n'est pas donné à tout le monde . C'est tout un art . D'abord on ne peut pas rire de tout . À la rigueur , et c'est même recommandé, on peut rire de soi - même .  Ça présente l'avantage de couper l 'herbe sous les pieds de vos potentiels détracteurs . En devançant leurs ricanements à vos dépens , vous prouvez que vous êtes plus intelligents qu'eux . Et d ' ennemis , ils deviendront vos amis . Pour ce qui est des blagues de potache, elles  ne sont le fonds de commerce que des amuseurs de service . Elles se vendent mal . Normal . N'est pas bouffon qui veut . La spiritualité est du domaine de l'inné , et non de l'acquis . À trop vouloir paraître drôle , on finit par être grotesque .


Ce qui est sûr , c'est que l' "homo contemporaneus" , parce qu'il pense trop , a besoin qu'on le fasse rire pour éviter la surchauffe cérébrale. Aussi  privilégiera - t'il le one man show au détriment de tout autre spectacle . Les films larmoyants , il n'en veut plus ! Bon , c'est sûr , l'époque où il suffisait  de regarder Charlie Chaplin et Buster Keaton gesticuler  sur un écran pour avoir sa dose d'endorphines est révolue . Les comiques d' aujourd'hui parlent . Ils parlent beaucoup même. Et ils exigent de nous de ne pas laisser nos neurones au vestiaire . Car il faudra les utiliser si l'on veut  comprendre la subtilité de leurs chutes (rhétoriques) , et en rire . Au final,  Il semble que Descartes et Bergson ne soient pas si éloignés  que ça . En somme , le propre de l'homme , c'est toujours le rire , mais , si l'on veut rire , on a besoin de penser .