C’est la nuit, que, se dressant telle un phare au-dessus de la marée humaine qui déferle à ses pieds, la Koutoubia prend vie. Il faut être patient, guetter la venue du crépuscule depuis les hauteurs du Café de France, pour être témoin de sa métamorphose. Simple minaret le jour, elle se voile , la nuit, de mystère, et , s’harnachant de lumières, guide les pas du promeneur solitaire à travers cet océan de clameurs, d’odeurs et de saveurs ,vers la place Jemaa El Fna.
Peu à peu, les lampions des carrioles des marchands ambulants ouvrent leurs yeux d’or . Et déjà montent des réchauds à brochettes une fumée épaisse qui rappelle ces lourds nuages d’encens en suspension lors des célébrations religieuses. La place , jusque-là engourdie par le va-et-vient rhapsodique des touristes réchappés du souk, émerge lentement de sa torpeur. Elle se recueille avant d’accueillir d’autres hôtes, d’autres atmosphères . Et on se plaît à imaginer qu’un génie tout-puissant se matérialise subitement dans le creuset de cette lampe merveilleuse .
Gesticulant comme une marionnette dans sa djellaba blanche, un conteur officie devant son auditoire accroupi. Ses bras scandent la musique de ses paroles, tandis qu’au loin, s’élève dans les airs comme la voix aigrelette d’une cornemuse . Mais l’instrument est nerveux, et ses contorsions sonores , appuyées par le rythme effréné d’un tamtam, tiennent plus de l’incantation propre à évoquer les djinns.
Mais déjà ,ce n’est plus l’Ecosse et ses lochs brumeux qui jaillissent à mes yeux, mais la Chine et son dragon fabuleux qui fait trembler les hommes. L’animal, jusque-là tapi dans des profondeurs insondables , a fait brusquement surface ,et son corps de reptile aux écailles de feu ondule dans la foule. L’air, devenu irrespirable , s’embrase à son passage. Et tel Néron contemplant Rome incendiée, je tréssaille de bonheur quand enfin le cœur rougeoyant de Marrakech se met à battre violemment .
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